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EAN : 9782842053819
165 pages
1001 Nuits (01/01/1999)
  Existe en édition audio
3.8/5   1807 notes
Résumé :
Dédié à Laurent de Médicis, Le Prince est une œuvre nourrie par l'expérience d'ambassadeur de son auteur. Machiavel y définit les fins du gouvernement : sur le plan extérieur, maintenir à tout prix son emprise sur les territoires conquis ; sur le plan intérieur, se donner les moyens de rester au pouvoir. Parce que les hommes sont égoïstes, le prince n'est pas tenu d'être moral. Il doit être craint en évitant de se faire haïr par le peuple. La réduction de Machiavel ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (112) Voir plus Ajouter une critique
3,8

sur 1807 notes
J'ai lu le Prince, probablement trop naïvement, sans m'être renseignée au préalable, m'imaginant sûrement y découvrir les secrets de l'âme ténébreuse de tous les grands manipulateurs froids et cyniques, dont la célèbre Marquise de Merteuil des Liaisons Dangereuses pourrait être le parangon.
Et donc, je ne vous cacherai pas que j'ai été quelque peu déçue en en découvrant la teneur véritable. En fait il s'agit plutôt d'un essai écrit par un conseiller zélé mais somme toute fort honnête dans son dévouement à son « prince ». Cela pourrait s'intituler « leçons de sociologie et de stratégie politiques à l'usage des dirigeants inexpérimentés ». Voici donc une suite de conseils, certes avisés, mais pas spécialement retors comme on pouvait s'y attendre. Lorsque Niccolò Machiavelli se risque à proposer une attitude pas nécessairement en accord avec les codes éthiques et les préceptes communément admis de la morale judéo-chrétienne, cela relève davantage du bon sens politique que d'une extraordinaire fourberie. J'irais même jusqu'à penser que ces conseils soi-disant « machiavéliques » sont incommensurablement plus moraux que l'agissement ordinaire de n'importe quel homme politique ordinaire de ces cinquante dernières années.
Pour ce faire, l'auteur s'appuie soit sur l'histoire ancienne (antiquité), soit sur l'histoire récente (le XVème siècle) de la péninsule italienne (car bien évidemment, l'Italie telle que nous la connaissons n'a que 150 années d'existence, il s'agissait à l'époque de Machiavel d'une mosaïque de cités états ou de petits royaumes).
Cet essai est très didactique pour les jeunes souverains de l'époque, peut-être un peu moins de nos jours. Son crédo semble être : "Appuyez-vous sur le soutien populaire, méfiez-vous des courtisans et des proches du pouvoir." Machiavel y définit les différents types d'état qu'un « prince » peut être amené à diriger ; puis il disserte de l'art et de la manière de conquérir et/ou conserver le pouvoir selon différentes situations ; il aborde ensuite la délicate question militaire, la main armée que le prince doit toujours savoir mettre dans sa poche s'il tient à sa place ; par la suite, il donne des conseils de démagogie, de compromission ou de trahison visant encore et toujours à asseoir et à maintenir le pouvoir ; enfin il en termine avec une partie que l'on peut qualifier de « stratégie à long terme et vision pour l'Italie » qui est celle qui nous dévoile probablement le mieux le dessein, l'idéologie et la ligne politique propre de Nicolas Machiavel.
En somme, un ouvrage intéressant d'un point de vue historique ou politique mais finalement très mou du genou en ce qui concerne véritablement le « machiavélisme ». Ce Niccolò Machiavelli était sans doute trop droit et dévoué à son souverain pour être tout à fait à mon goût, mais bien évidemment, cet avis sans machiavélisme aucun, n'est qu'un misérable petit avis de rien du tout, c'est-à-dire, pas grand-chose. Si vous êtes un prince, vous pouvez vous permettre de le négliger totalement.
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Machiavel, dont Nietzsche admirait la « volonté de voir la raison dans le réel et non dans la morale » est encore l'objet de bien des interprétations. On lui reconnait un statut de précurseur des sciences politiques, de par l'empirisme et la dimension pratique de son oeuvre. Mais on prête aussi à celui qui a inspiré l'adjectif « machiavélique » d'avoir inspiré bien plus que cela, notamment les régimes totalitaires, Mussolini lui-même, se disait fervent admirateur.
En réalité, l'oeuvre du diplomate florentin n'était pas destinée au grand public, il s'agissait là d'un présent offert à Laurent de Médicis, écrit alors que ce dernier était en disgrâce dans une Florence en proie à l'instabilité institutionnelle, et une Italie morcelée à la merci des appétits des grandes puissances voisines.

Machiavel inaugure une nouvelle approche tactique du politique. le prince, pour être en mesure de gouverner, doit être conscient de ses caractères, car la crainte lui profitera bien plus que l'amour, mais aussi pour dompter les revers de fortune.

La première prescription de Machiavel concerne le caractère du prince. Il y a en effet une multitude d'inclinaisons dans la personnalité humaine, et il convient pour connaitre ses forces et faiblesses de s'appliquer le « connais-toi toi-même » socratique. Pour Machiavel, il importe peu que le prince se connaisse, sa vision des choses est utilitariste et pragmatique, il s'agit moins d'être que d'être perçu, le prince doit agir sur les représentations que le peuple a de lui.
Pour cela il a le choix entre être aimé et être craint. Pour Machiavel, il ne fait aucun doute que l'amour, sentiment fugace, ne peut conduire à l'unité et la stabilité de l'autorité du prince. Ce qui rend la crainte préférable aux yeux de l'auteur, c'est le sentiment de prudence et de peur du châtiment qu'elle inspire. Elle saura tenir tranquille les ennemis extérieurs, mais aussi les conspirateurs endogènes.
A la condition que cette crainte ne dégénère pas en abus, il faut éviter absolument d'être méprisé, d'avoir trop de piété, mais d'un autre côté, il ne faut pas non plus être l'objet de haine du peuple.
Pour ce faire il faut au prince, respecter la propriété de ces sujets, mais aussi réussir un équilibre fragile entre les intérêts des grands et des corps constitués tel que l'armée, avec ceux du peuple.

La seconde prescription du conseiller politique est de se rendre maitre de la fortune, la philosophie politique de Machiavel prône un libre arbitre qui n'en a pas encore le nom. En effet, il ne nie pas que les évènements fortuits arrivent et peuvent être irrésistibles, mais il peut y avoir une loi du précédent, le prince doit être le capitaine de son navire, tantôt hisser la grand-voile, tantôt savoir amarrer, mais jamais naviguer à vue.
Il doit toujours savoir d'où vient le vent, et quand il va tourner, autrement dit, il doit s'adapter constamment à son environnement.
C'est avec cette capacité de résilience emprunte d'empirisme que le prince pourra arriver aux objectifs fixés par Machiavel.

L'auteur est conscient qu'avec cet ouvrage, il rompt avec la pensée politique de son temps. Sa pensée est novatrice dans la mesure où elle fait fi des considérations métaphysiques des Anciens. Ces prescriptions sont amorales et utilitaires, le prince doit se placer par-delà le bien et le mal, il doit tout à la fois être le renard, pour sa ruse et sa malice, et le lion, pour son impétuosité, vers laquelle Machiavel penche davantage.
Il n'est plus mention de cité idéale, de souverain bien, ni même de bonheur du peuple, d'Etat ou encore de Dieu, libre au prince de discourir sur tous ces sujets, mais ils n'ont aucunement leur place dans les coulisses du pouvoir.

Ce prince sans vergogne doit gouverner pour une seule raison, asseoir son autorité et stabiliser son pouvoir au sein du royaume. C'est avec cette grille de lecture que Machiavel, grand admirateur de César Borgia, entreprend d'analyser les régimes antiques et contemporains, les princes ayant échoués et ceux ayant réussi à asseoir leur autorité selon les prescriptions retenues par Machiavel.
Il en conclu que le prince nouveau doit suivre la voie de Sévère, en raison de la sujétion absolue qu'il a reçu de l'armée, ce qui est indispensable à la conquête d'un royaume, mais une fois le prince installé, il doit comme Marc, qui étant de descendance héréditaire n'a pas eu à favoriser l'armée au détriment du peuple, trouver un équilibre entre le peuple et les puissants, une conception que reprendra Montesquieu à son compte.
Néanmoins, illustré par l'exemple du roi du Soudan, en apparente contradiction avec les conseils proférés par Machiavel, les actions du prince doivent être adaptées aux circonstances et elles sont toutes justifiées par la stabilité de son autorité, se profile à l'horizon ce que Richelieu appellera plus tard la Raison d'Etat.
(#2014)
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MACHIAVÉLIQUE ?
Les écrits de Machiavel lui ont valu de féroces inimités. Avec la particularité, remarquable, que cette hostilité s'est perpétuée à travers les siècles jusqu'à aujourd'hui. Ses ennemis ont même réussi à imposer dans le vocabulaire le terme "machiavélique" comme synonyme de : perfidie, traîtrise, manque de scrupule. A travers cette fallacieuse utilisation de son nom, Machiavel se trouve donc doté d'une fort mauvaise réputation dans l'histoire; privilège que seul Le Marquis de Sade partage avec lui pour des raisons toutes aussi abusives et mensongères. Mais qui sont donc ces ennemis si acharnés et que l'on retrouve en presque toutes les époques depuis la publication de ces écrits? C'est bien entendu en lisant Machiavel, avec l'attention qu'il mérite, que l'on trouve la réponse. Car l'on constate alors que Machiavel y décrivit avec un goût de la vérité et une extraordinaire lucidité l'ignominie du pouvoir et de la domination, de ses représentants de toutes catégories et de tout temps; leurs moeurs, leurs manières d'agir, leurs crimes. C'est ce dévoilement radical de l'infamie des puissants qui ne lui a pas été pardonné. C'est pourquoi il se trouve encore aujourd'hui des gens se prétendant historien attribuant aux "idées de Machiavel" la responsabilité de ce qui n'est rien d'autre que la pratique de leurs maîtres et l'évidence de leur propre servitude.
-Le personnage
Car il faut comprendre que Machiavel du fait des circonstances de l'époque, n'aurait tout simplement pas eu la moindre possibilité de faire paraitre un livre "contestataire". Mais il lui brulait de mettre en lumière ce qu'il avait compris des moeurs de la domination (de par son emploi, il était extrêmement bien informé et il n'avait pas les yeux dans sa poche). Il choisit donc la seule voie qui lui était possible en rédigeant son livre sous la forme d'un ouvrage pour l'édification des princes et en le dédiant aux Médicis (la famille dominante de Florence).
Ce qui lui permit de tout dire. Mais ce n'était bien sur pas aux princes qu'il s'adressait en vérité, mais au contraire à tous ceux qui pourraient estimer que ces logiques politiques là devaient cesser, n'étaient pas tolérables. Dans le Prince, l'on ne trouve donc pas des "conseils" mais la mise en lumière des pratiques courantes de la domination, de ce qui se faisait partout alors en Italie (et ailleurs aussi) dans les nombreuse principautés.
Aucun cynisme donc chez Machiavel, mais au contraire une très sérieuse prise de risque !
Par chance, le Médicis qui reçut l'ouvrage, soi-disant en hommage, reçut le même jour en cadeau une meute de chiens de chasse qui monopolisèrent toute son attention et abandonna le livre dans un coin. C'est ainsi que "Le Prince" put commencer sa brillante carrière. Il y a différentes manières de dire le vrai; il faut aussi espérer des lecteurs qui en trouvent l'usage. Peu de temps après La Boétie écrivit son "De la servitude volontaire" qui ne parut que 20 ans après sa mort, et fort discrètement.
-Le contexte
Machiavel vivait à Florence qui était somme toute une petite entité, menacée constamment par des ennemis diverses. Il y a chez lui un profond attachement à sa ville qui se trouvait également être à l'époque l'un des principaux centre culturel de l'Europe. Cet attachement n'est pas une forme de nationalisme mais au contraire un sens du commun, de l'appartenance à un tout. A cela, on peut rajouter une forte conscience du devenir historique, des changements possibles. Tout démontre que Machiavel n'était pas un ambitieux, tout au moins dans le sens mesquin et égotiste que l'on donne à ce terme aujourd'hui. Seule la possibilité d'agir lui importe; il est un citoyen à part entière, dans un sens que la médiocrité de notre époque rend difficile à saisir.
C'est au moment où Florence est une république qu'il déploie pleinement son activité. Il écrit seulement quand il n'y a rien de mieux à faire, quand il est maintenu à l'écart. Car son intelligence inquiète les médiocres qui pour cette raison le maintiennent dans des postes secondaires.
Il faut donc aussi envisager le Prince comme un agir, lié à des circonstances particulières (les Médicis sont au pouvoir) mais qui espère bien viser au-delà historiquement.
Quelles sont les possibilités d'une époque ? de quelle manière agir à un moment donné en prenant en compte l'ensemble des circonstances présentes ? Tout en sachant que l'on pouvait fort bien finir égorgé au coin d'une rue, si quelque potentat vous trouvait trop encombrant ou trop clairvoyant. La publication anonyme d'un ouvrage comme le Prince n'était à mon avis ni possible, ni adéquate ; car Machiavel vise sciemment au-delà de lui-même. Ce n'est donc qu'en lui donnant cette forme qu'il pouvait alors le pousser comme nouveau pion dans l'histoire même.
Avec le Discours sur la première décade de Tite-Live, le ton sera tout différent, le désir d'agir sur son temps tout similaire.
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Nicolas Machiavel ( 1469-1527 ), est un théoricien politique florentin ( Florence, que c'est beau ! )
Machiavel n'est pas, à ma grande surprise, machiavélique... sauf quand il cite des princes qui se créent une opposition pour venir écraser celle-ci, et se faire passer pour un héros au regard de son peuple.
Machiavel est synthétique : après une analyse des princes (gouvernants ) romains et italiens, il crée une sorte de système pour désigner la meilleure façon de gouverner.
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Quel dommage que le style soit très alambiqué, confus, et que de plus, je ne connaisse pas la politique de l'Italie du moyen-âge : une Italie très morcelée que convoitent Louis XII de France, Philippe d'Espagne, les Vénitiens, les Sforza de Milan, les Médicis, les Borgia... Oui, Rodrigo de Borja, Espagnol, transforme son nom en Borgia en Italie et devient le pape Alexandre VI, le licencieux.
Machiavel côtoie son fils César Borgia en 1502-1503, un des princes les plus cruels, qui assassine à tire-larigot, tout ce qui veut prendre sa place, couche avec sa soeur Lucrèce.... Enfin, le dernier pape auquel l'auteur fait allusion est carrément un guerrier et un conquérant : Jules II... !
La naissance de ce livre est étayée par le côtoiement de nombreux Grands dans sa fonction de légat, mais c'est César Borgia qui inspira, 10 ans après, Machiavel pour écrire le Prince, en 1513.
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Voici ce qui en ressort : les hommes sont mauvais, la cruauté ( et fermeté ) du Prince est nécessaire, sinon, il y a licence et rébellion du peuple, de l'armée : le prince est alors méprisé, haï, et à l'époque, il est souvent tué.
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Un prince peut être héréditaire ou nouveau (ce point est aussi analysé par La Boétie ) ;
il peut avoir de la fortune ( chance ), mais son libre-arbitre ( ses choix ) entrent en jeu : il peut être indolent, circonspect ou impétueux ;
il doit s'appuyer sur les lois, les armes et les exemples ;
il doit également s'appuyer sur ses soldats et son peuple.
Les soldats peuvent être des mercenaires, mais le prince a plus d'autorité sur une armée propre, une armée de son pays ;
et quand le prince est haï par son peuple, ça finit toujours mal pour le prince, ça me rappelle quelqu'un, présentement !
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Le dernier chapitre est attendrissant : Nicolas Machiavel demande, supplie le pape Léon X de tout faire pour unir l'Italie, ce pays convoité, déchiré et morcelé.
Je pense qu'il faudra attendre Cavour, au XIXè siècle, pour que sa prière se réalise.
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Un traité brillantissime à l'usage des détenteurs du pouvoir. Tout au moins à ceux de l'époque où il a été écrit (1532) au début du XVI ème siècle, car l'ouvrage n'est pas aussi machiavélique que l'on pourrait l'imaginer ; au sens moderne du mot.

Un ouvrage qui s'attache à définir dans un premier temps les notions de monarchie et de république à la lumière des états de l'époque ; puis de théoriser la conquête du pouvoir et la méthode pour le conserver… le tout hors de la morale communément admise.

Édifiant…

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critiques presse (4)
LeMonde
17 juin 2019
Pour le philosophe, prêter l’oreille au Prince, c’est acquérir une grille de lecture susceptible de nous faire gagner en lucidité, de nous rendre moins dociles.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Bibliobs
02 janvier 2013
Mis à l'Index par l'Inquisition mais porté aux nues par Nietzsche, «le Prince», de Machiavel, traité brillantissime sur l'exercice du pouvoir, mériterait d'être mieux lu par ceux qui nous gouvernent...
Lire la critique sur le site : Bibliobs
LeMonde
17 décembre 2012
Une façon subtile et convaincante, aussi, de proposer un nouveau regard sur ce grand texte classique.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Liberation
17 décembre 2012
Une nouvelle édition riche en illustrations et documents sur l’univers de Machiavel, ses sources d’inspiration, sa postérité.
Lire la critique sur le site : Liberation
Citations et extraits (166) Voir plus Ajouter une citation
Il y a trois sortes d'esprit. Les uns entendent par eux-mêmes ; les autres comprennent tout ce qu'on leur montre ; et quelques uns n'entendent, ni par eux, ni par autrui. Les premiers sont excellents, les seconds sont bons, et les derniers inutiles.

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Donc, puisqu'un Prince est obligé de savoir imiter les bêtes en temps et lieu, il doit surtout prendre pour modèles le Lion et le Renard : le Lion ne sait pas éviter les filets ; le Renard ne peut se défendre contre les Loups. Il faut donc être Renard pour découvrir les pièges, et Lion pour se défaire des Loups. Ceux qui se contentent d'être Lions, manquent d'intelligence.
Commenter  J’apprécie          1921
Beaucoup se sont imaginés des républiques et monarchies qui n'ont jamais été vues ni connues pour vraies. En effet, il y a si loin de la façon dont on vit à celle dont on devrait vivre, que celui qui laisse ce qui se fait pour ce qui se devrait faire apprend plutôt à se détruire qu'à se préserver : car un homme qui en toute occasion voudrait faire profession d'homme de bien, il ne peut éviter d'être détruit parmi tant de gens qui ne sont pas bons. Aussi est-il nécessaire à un prince, s'il veut se maintenir, d'apprendre à pouvoir n'être pas bon, et d'en user et n'user pas selon la nécessité.
Commenter  J’apprécie          1170
Sur cela s’est élevée la question de savoir s’il vaut mieux être aimé que craint, ou être craint qu’aimé ?
On peut répondre que le meilleur serait d’être l’un et l’autre. Mais, comme il est très difficile que les deux choses existent ensemble, je dis que, si l’une doit manquer, il est plus sûr d’être craint que d’être aimé. On peut, en effet, dire généralement des hommes qu’ils sont ingrats, inconstants, dissimulés, tremblants devant les dangers et avides de gain ; que, tant que vous leur faites du bien, ils sont à vous, qu’ils vous offrent leur sang, leurs biens, leur vie, leurs enfants, tant, comme je l’ai déjà dit, que le péril ne s’offre que dans l’éloignement ; mais que, lorsqu’il s’approche, ils se détournent bien vite. Le prince qui se serait entièrement reposé sur leur parole, et qui, dans cette confiance, n’aurait point pris d’autres mesures, serait bientôt perdu ; car toutes ces amitiés, achetées par des largesses, et non accordées par générosité et grandeur d’âme, sont quelquefois, il est vrai, bien méritées, mais on ne les possède pas effectivement ; et, au moment de les employer, elles manquent toujours. Ajoutons qu’on appréhende beaucoup moins d’offenser celui qui se fait aimer que celui qui se fait craindre ; car l’amour tient par un lien de reconnaissance bien faible pour la perversité humaine, et qui cède au moindre motif d’intérêt personnel ; au lieu que la crainte résulte de la menace du châtiment, et cette peur ne s’évanouit jamais.
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Les hommes marchent presque toujours dans des sentiers déjà battus ; presque toujours ils agissent par imitation ; mais il ne leur est guère possible de suivre bien exactement les traces de celui qui les a précédés, ou d’égaler la vertu de celui qu’ils ont entrepris d’imiter. Ils doivent donc prendre pour guides et pour modèles les plus grands personnages, afin que, même en ne s’élevant pas au même degré de grandeur et de gloire, ils puissent en reproduire au moins le parfum. Ils doivent faire comme ces archers prudents, qui, jugeant que le but proposé est au delà de la portée de leur arc et de leurs forces, visent encore plus loin, pour que leur flèche arrive au point qu’ils désirent atteindre. (chapitre VI)
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Vidéo de Nicolas Machiavel
Émission “Une vie une oeuvre” dirigée par Martin Quenehen. “Nicolas Machiavel, storico, comico e tragico” : première diffusion sur France Culture le 10 avril 2008 (rediffusée le 31 janvier 2015). L'auteur du “Prince” n'est pas le cynique que dépeint sa légende noire. Il fut plutôt un homme libre et un fervent républicain, au sourire en biais... Peinture : Cristofano Dell'altissimo, “Portrait de Nicholas Machiavel”. Par Simone Douek. Réalisation : Dominique Costa. Attachée de production : Claire Poinsignon. Avec la collaboration d'Annelise Signoret de la Bibliothèque centrale de Radio France. 1ère diffusion : 10/04/2008. “Historien, comique et tragique” : c'est ainsi que se désigne lui-même Machiavel, en signant une lettre adressée à son ami Guichardin à propos des événements de 1525, et des temps troublés où Charles Quint assure sa mainmise sur la péninsule italienne. Historien, il n'a cessé de l'être, depuis les années où, nommé secrétaire à la chancellerie florentine, il effectue des missions diplomatiques à l'extérieur : il scrute alors la vie politique de Florence et des pays où il se rend, il l'analyse, il l'écrit, éclairé par la lecture des Anciens. Et ce, jusqu'à la fin de sa vie, puisque toute son œuvre est générée par ses activités politiques qui suscitent chez lui discours, commentaires, réflexions, pour aboutir à ce dernier grand texte, commandé par Jules de Médicis devenu le pape Clément VII, que sont les Histoires florentines où il traite de l'histoire toute contemporaine de Florence. Comique, celui qui écrit aussi des pièces de théâtre dont la plus connue, “La Mandragore”, retrouve, à travers le rire et les personnages créés, des échos de la politique et de la vie publique dont il ne peut jamais vraiment s'éloigner. Tragique, comme sa description de la réalité des hommes, comme le destin et les qualités qu'il prête au Prince, qui “ne peut fuir le renom d'être cruel”. Et ce froid réalisme politique a engendré le mot “machiavélique”, quand il faudrait plutôt expliquer ce que “machiavélien” veut dire. Avec : Corrado Vivanti, auteur de “Machiavel ou les temps de la politique” (éd. Desjonquères) Jean-Louis Fournel et Jean-Claude Zancarini, traducteurs du “De principatibus, Le Prince” (éd. PUF) Françoise Decroisette, professeur de littérature italienne, spécialiste du théâtre italien, traductrice Myriam Revault d'Allonnes, professeur des universités à l'EPHE, auteur de “Doit-on moraliser la politique ?” (éd. Bayard)
Thème(s) : Arts & Spectacles| Politique| Renaissance| Nicolas Machiavel
Source : France Culture
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