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EAN : 9782130621430
72 pages
Presses Universitaires de France (05/03/2014)

Note moyenne : /5 (sur 0 notes)
Résumé :

Analyser philosophiquement la maladie d’Alzheimer conduit à découvrir qu’elle est, plus encore que les autres maladies, une maladie du temps.

Elle est devenue, après le cancer et le sida, la maladie mythique de notre époque. La temporalité souvent déroutante de son évolution déjoue les modèles habituels du soin, et loin de n’être qu’une maladie de la mémoire, elle pourrait se décrire comme une perte progressive du sens du temps.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Du fait même qu'il existe un mot pour le désigner, un mot si courant que nul n'avouera facilement qu'il en ignore le sens, lorsque nous parlons du temps nous avons le sentiment de parler de quelque chose d'extérieur à nous même. L'intuition commune du temps place celui-ci dans l'ordre des données objectives de l'expérience que nous avons du monde. Les sciences modernes depuis (au moins Newton) ont fait du temps une des dimensions de notre expérience du monde. Dans cette histoire, la Théorie de la relativité n'a fait qu'affiner plus subtilement ce point de vue. Ce temps objectif qui nous est si familier dont la montre à bracelet, les beffrois et clochers, l'horloge synchronisée de notre ordinateur, etc., ce temps ne nous fait pas oublier cependant que - si nous le mesurons - nous ressentons aussi de façons très diverses selon qui l'on est et/ou selon les circonstances (rappelons la célèbre boutade d'Einstein sur la relativité; le temps s'écoule différemment selon si vous êtes en compagnie d'une jolie fille ou selon si vous êtes assis sur un poêle qui vous brûle les fesses). Nous avons donc l'habitude de distinguer entre un temps objectif ou un temps subjectif.
Le postulat de ce livre est que la maladie d'Alzheimer est une maladie du temps. Ceci à plusieurs titres. D'abord, la maladie d'Alzheimer est une maladie de notre temps. L'auteur essaie de montrer qu'elle est devenue emblématique de notre époque depuis une dizaine d'années. A tel point que le danger nous guette de la concevoir comme un fléau de notre temps, la rançon du progrès médical. L'auteur nous met en garde contre cette vision apocalyptique, c'est le deuxième point. La maladie d'Alzheimer est une maladie chronique; ce n'est pas une maladie que l'on soigne au sens où l'on en guéri. Cette maladie dure il n'y a pas d'antidote; on ne sait que ralentir son inexorable progression. le soin, pour la maladie d'Alzheimer, c'est essentiellement de l'accompagnement. Enfin troisième point, il est clair que la maladie d'Alzheimer affecte la perception du temps du sujet qui en est atteint.
On aura compris que cette maladie affecte le temps subjectif du sujet malade. Fabrice Gzil, par ce livre, montre que le soin que nous devons apporter au malade ne peut être que notre propre temps qui doit suppléer au temps désagrégé du malade pour lui garder sa dignité. Il semble que ne pas lui accorder ce temps est équivalent à enterrer vivant le malade, à faire de lui un zombie (l'auteur évoque la mythologie contemporaine du zombie dans la première partie du livre). Ainsi, si le temps est le soin, alors la maladie d'Alzheimer met clairement en question la manière dont notre société gère le temps. Par conséquent, nous allons devoir, collectivement sans doute, réévaluer la manière dont notre temps subjectif tend à s'effacer face à une organisation du temps que idéologiquement nous associons à une temporalité objective que nous croyons indépassable parce que nous nous sommes asservis à une technostructure chronophage. Nos regards fixent des horloges derrière lesquels s'effacent les visages de nos proches.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
L'analyse de l'histoire naturelle de la maladie permet, quant à elle, de mieux comprendre pourquoi l'on a tant de mal à concevoir en quoi peut consister le soin de la maladie d'Alzheimer. Avec cette affection, on est en présence d'une maladie chronique qui occasionne des incapacités et des handicaps, mais l'inéluctabilité de l'évolution fait que le modèle de la rééducation (comme restauration des aptitudes fonctionnelles) n'est pas véritablement opérant. On peut, aux premiers stades de l'évolution, viser une "réhabilitation" de certaines fonctions, c'est-à-dire un maintien momentané de certaines aptitudes, ou une compensation temporaire des difficultés à effectuer certaines tâches. Mais, comme on l'a vu, avec la progression de la maladie, il arrive un moment où le maintien de l'autonomie fonctionnelle ne peut plus être l'objectif thérapeuthique premier ou principal. Le caractère relativement imprévisible de l'évolution, et le fait que celle-ci soit émaillée de crises, interdit également de s'installer dans une représentation temporelle fixe. De plus, les thérapeutiques médicamenteuses ont, à ce jour, un effet assez modeste, ou du moins seulement temporaire. Comme nous l'avons vu, ce serait pourtant une erreur de penser qu'en l'attente de traitements médicamenteux plus efficaces, qui permettront de "soigner" (c'est-à-dire de guérir ou de prévenir) la maladie, on en est réduit à "accompagner" les personnes malades et leurs proches. D'une part, les interventions psychologiques, sociales et environnementales ne sont qu'un pis-aller dans l'attente de "véritables" traitements, car il est probable que même lorsque des molécules plus efficaces existeront, il restera nécessaire d'aider les personnes atteintes de ces troubles dans tous les aspects de leur vie. D'autre part, le fait qu'il faille raisonner à l'aider du modèle de la "cible mouvante", c'est-à-dire réviser en permanence les objectifs du soin, ne signifie pas que le soin de cette maladie soit impossible, mais seulement qu'il doit en permanence s'ajuster aux évolutions, souvent imprévisibles, et aux crises qui jalonnent l'histoire de la maladie.
Enfin, faire une phénoménologie des modifications du vécu temporel occasionnées par la maladie d'Alzheimer permet de comprendre pourquoi les personnes qui accompagnent les malades sont en permanence soumises à la tentation de l'abandon et de l'indifférence. Dans la mesure où les personnes malades semblent être perdues dans le temps, ne plus être présentes à elles-mêmes, et dans la mesure où elles ne semblent plus vivre dans le même temps que le nôtre, et ne plus se souvenir de ce qui constitue leur identité singulière et notre histoire commune avec elles, il peut être tentant - tant l'accompagnement est parfois éprouvant - de se dire qu'il est indifférent qu'on leur donne du temps, car au fond "ce n'est plus lui, ce n'est plus elle". Or, c'est précisément parce que les personnes malades perdent progressivement le sens du temps qu'il importe d'avoir ici le plus grand sens, et le plus grand soin du temps. Préserver le sens du temps, cela signifie aussi essayer de s'adapter au rythme, ralenti mais toujours singulier de chaque personne; cela suppose enfin, lorsque la personne ne peut plus être elle-même répondre de son identité et de son histoire, d'être en quelque sorte les garants de cette histoire commune.
Où l'on voit que le temps n'est pas une dimension accessoire ou secondaire du soin, mais que le soin pourrait - à bien des égards - se définir comme un sens du temps.
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Vidéo de Fabrice Gzil
Fabrice Gzil est Docteur en philosophie, Responsable du Pôle Etudes et Recherche, Fondation Médéric Alzheimer
Intervention extraite du colloque Maladie d'Alzheimer, éthique, droit et citoyenneté.
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