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3,32

sur 141 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Yannick Haenel appartient à cette catégorie d'écrivains qui se regardent écrire depuis si longtemps que l'on se demande bien quand il va se passer quelque chose.

Mais ça crée une attente tout de même parce qu'il a l'air si acharné dans cette noble tâche ; et de surcroit, il sait former de belles phrases et il a beaucoup lu. Les données d'ordre géographique, dialectique, les prix littéraires sont là pour en faire un écrivain installé. Malheureusement il y a une absence totale de foi. Il ne croit de toute évidence pas en la puissance du roman. Il s'essaye au roman comme un essayiste en mal de sujet, c'est à dire en cherchant désespérément un sujet qui le galvanise, puis il condense son récit maladroitement en de petites joutes intellectuelles à coloration philosophique motivées par son amour pour sa plume qui enfin se réveille, par petits soubresauts, puis retombe. Il a beau la regarder avec insistance, cette plume, rien ne se passe. C'est malheureux mais c'est comme ça.

Il y a bien un amour "fou" avec la troublante mais peu convaincante Lysia. Il y a bien un personnage (Georges Bataille) qui devrait insuffler un peu de désir dans ce texte mais ça tombe à plat, aucun feu ne brûle dans cette plume. 'De toute façon, il a décidé qu'il a vu « l'épaisseur du temps » (à nous de la traverser) « Cette chance des géométries inoccupées » (à nous de les occuper). 'De toute façon, « en tout temps », il attend « ce trouble qui déclenche les romans » (à nous de saisir ce trouble).

« Je voudrais que son visage se lève en vous. » Amen.

Je lui suggère (en toute sympathie parce que tout travail acharné mérite de l'empathie) de regarder au loin, vers l'horizon qui est dégagé : des prix littéraires, du papier à disposition malgré la pénurie actuelle, un label. Des appuis. Toute la presse en parle. Il a tout de même très mal assimilé cette notion répétée partout : de même que le sujet d'un tableau c'est la peinture, le sujet d'un roman c'est l'écriture. C'est le problème quand un écrivain est trop exposé médiatiquement avant d'avoir fait ses preuves, mais il n'est pas le seul à pâtir de ce mal du siècle. S'il pouvait enfin comprendre que ce n'est pas en se regardant avec une plume égocentrique écrire des « Il n'y a rien de plus beau qu'un roman qui s'écrit ; le temps qu'on y consacre ressemble à celui de l'amour : aussi intense, aussi radieux, aussi blessant » qu'il peut écrire des livres qui nous galvanisent, ce serait bien pour la suite (ce parallèle entre l'écriture et l'amour qu'il ne cesse d'invoquer me paraît extrêmement préoccupant, mais cela ne nous concerne plus)… Ou alors qu'il écrive simplement des essais des comptes-rendus documentaires et oublie une fois pour toute le roman car le papier est rare, et notre temps après tout (regardons-nous également le nombril, il n'y a pas de raison) l'est tout autant !

Enfin je finirai par cet extrait qui en dit long. « Je n'ai jamais vraiment cru à la différence entre réalité et fiction; elle ne mène qu'à l'assèchement du langage. » Comment est-on passé d'une foi catholique ferme et vigilante à nos Dieux autoproclamés du roman qui nous abreuvent d'intentions et d'injonctions, de désirs invoqués mais non communiqués malgré un effort certain ? Mystère ! Seule la voix du grand menteur-mentor littéraire de notre siècle a la réponse ! L'érudition (malheureusement ou heureusement) ne peut masquer l'absence de foi, le manque d'imagination (malgré cette injonction à imaginer) ne peut donner du relief à une entreprise romanesque dépourvue de feu.

Le roman est mort. Vive l'écrivain Yannick Haenel qui se regarde écrire tout en nous dictant nos impressions d'une voix dogmatique. Cette voix a fini par me lasser malgré les nombreux adoucisseurs semés ça et là sur 420 pages (ces quelques moments de lucidité, ces remarques sur le désir qui appelle le roman et s'éteint, ces quelques petites étincelles de modestie peu convaincantes) !

3/5 pour cette plume laborieuse tout de même !

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Un livre qui se déroule à Béthune, à l'ex banque de France devenue un centre d'art contemporain, ce n'est pas souvent qu'on le voit. l'écriture est juste prodigieuse. On voit que Yannick Haenel a été subjugué par le lieu. On ne peut pas dire les choses autrement. C'est d'ailleurs parce que ça se passait là que je l'ai lu. je ne l'aurai pas pris autrement. C'est un livre érudit, profond, poétique, philosophique et intérieur. Ce n'est pas une histoire banale, tout est matière à réflexion et à introspection. Un philosophe qui travaille dans une banque, un sage qui s'interroge sur le sens de la vie, un souterrain qui est l'occasion de travailler sur le moi profond ... C'est un livre hors du commun. Il y est aussi question de sensualité, d'érotisme, de femmes mais aussi de charité, dans le sens originel du terme : l'occasion pour notre trésorier-payeur de résister aux chiffres, au calcul et à l'argent.
ce n'est pas un livre simple ! et le propos du livre ne l'est pas non plus ! Maintenant je ne peux pas dire non plus que j'ai accroché ... Ce serait mentir ! mais je respecte le travail d'écriture de l'auteur. A découvrir pour ceux qui s'en sentiraient capables !
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Ecrit avec méticulosité et parfois, malheureusement, avec une certaine préciosité, le Trésorier-payeur est la mise en scène romanesque des thèses économiques que défendait Georges Bataille dans "La Part maudite", sur le thème de la dépense. L'ambition est grande - d'ailleurs elle s'appuie régulièrement sur la pensée de Hegel, le plus ambitieux des philosophes - et surprenante, puisqu'elle semble partir à contre-courant d'une pensée critique très répandue, qui tend à dénoncer - à juste titre - les ravages planétaires du capitalisme financier. le problème, c'est que l'auteur se croit investi d'une mission pédagogique vis-à-vis de son lecteur : il ne peut s'empêcher d'expliquer et d'expliciter ce que le lecteur de ce roman exigeant, bourré de références savantes, n'a pas besoin qu'on lui dise, sans quoi il aurait abandonné depuis longtemps sa lecture (voir par ex p.107 les indications de type Wikipédia à propos d'Alan Greenspan). le point de vue omniscient peut être parfois trop omniscient, au point d'encombrer la narration et de ne plus laisser au lecteur l'espace nécessaire au développement de ses propres réflexions. Et, en particulier dans ce roman, à mesure qu'il avance, son degré d'irritation ne peut manquer d'augmenter, me semble-t-il. Les personnages - y compris le "héros" - restent inconsistants, tout en étant pris en charge de manière surdéterminée par le narrateur, qui prétend les sonder jusqu'au fond de l'âme. C'est que l'intrigue elle-même ne tient pas debout, ou du moins dégage une impression d'artificialité qui rend la lecture laborieuse, d'autant plus qu'il s'agit de traverser les nombreux passages justificatifs et les interventions du narrateur qui cherche à appuyer par d'assez fumeuses envolées lyriques les états d'âme de ses personnages. Ce qui frappe aussi, c'est le rôle assigné à la sexualité dans l'économie de ce récit aux accents mystiques. Les femmes sont très vite à la merci des coups de foudre du personnage central, qui lui-même ne cesse d'être transfiguré jusqu'à l'extase par ses rencontres. C'est proche du fantasme et loin du vécu. Nous devinons, à travers les frasques innombrables et toujours prodigieuses du Trésorier, un auteur qui ne s'embarrasse à aucun moment de problématiser la relation sexuelle et le rapport amoureux. L'amour, mis en scène comme une dimension cosmique de l'existence humaine, donne lieu à des développements risibles et agaçants. Non seulement nous ne sommes pas du tout convaincus par ces flambées passionnelles et sacrées, mais en fin de compte, le souterrain qui relie la maison du Trésorier-Payeur à la Banque de France, et qui est censé figurer, sous le couvert de la notion de "dépense", le renversement de la logique financière du capitalisme globalisé, ressemble plutôt à un élément de décor emprunté à un roman de cape et d'épée.
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Je n'ai pas été emportée par ce livre mais je pense sincèrement que ce n'est pas mon style de littérature, que je n'ai pas le bagage littéraire et culturel pour l'apprécier à sa juste valeur. C'est un livre très écrit, très littéraire, très poétique.

Notre trésorier-payeur est un être totalement lunaire, émerveillé, passionné, désabusé aussi, rejeté, aimé. Pourquoi pas ? Mais dans les personnages qui l'entourent trop ont cette même originalité qui frise le grain de folie pour que cela me paraisse crédible. Et en l'écrivant, je me questionne : qui parle de crédibilité ? C'est un roman dans lequel l'auteur lui-même se met en scène, un roman qui commence avant l'histoire du trésorier-payeur par l'histoire de Yannick Haenel qui va inventer le trésorier-payeur. Et puis c'est tout de même le trésorier-payeur que nous suivons, que nous habitons tout au long du livre. Et c'est peut-être un peu son regard qui déforme les gens autour de lui, qui les rend fantasques ou au moins qui ne retient que leur originalité.
Et finalement toutes les invraisemblables du scénario, pas que ce ne soit pas possible mais plutôt que cela relève d'un hasard trop grand, se justifient par le parti pris de l'auteur dans la présentation du bureau du trésorier-payeur et dans la genèse de ce trésorier-payeur.

Merci à babelio d'organiser masse critique et aux éditions Gallimard d'y participer.
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J'ai choisi ce roman pour son auteur dont l'écriture m'avait intriguée il y a déjà quelques années.
Et j'ai retrouvé cette même "surprise" teintée d'agacement, je dois en convenir : j'ai eu souvent l'impression qu'il s'écoute un peu écrire, le monsieur.
J'ai souri, voire ri aussi parfois car il faut le trouver le trésorier- payeur, supporté par le patron de la banque, qui "pille" peu à peu sa banque pour aider les clients les plus endettés. Critique de notre système néo-libéral, oui, sans doute, mais pas seulement ! Une lecture que j'ai envie de qualifier d'actualité.
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Ce livre m'aurait probablement plu (un peu) avec deux fois moins de pages (et j'aime pourtant les livres longs !). Mais chaque idée est dite et redite et répétée et périphrasée que c'en est légèrement insupportable. On passe la majeure partie du roman dans la tête du protagoniste, dont on ne sait pas franchement ce qu'il recherche réellement. Bon, soyons humble : je n'ai pas compris ce qu'il cherchait, disons-le ainsi.

Les considérations sur le sexe sont lourdingues, et j'ai saturée de fentes et de cuisses écartées et de salive et d'exhibitionnisme pas très très crédible.

Alors l'immersion dans le monde de la banque est intéressant, la construction de ce personnage atypique l'est aussi, et la plume de Yannick Haenel offre souvent des formules qui incitent à poursuivre la lecture.

Mais combien de ciels fauves, carmins, écarlates, orangés, enflammés, de peaux pâles, laiteuses, poudreuses, nacrées, bref de descriptions hyper répétitives pour ne plus dire grand chose, au final, que l'amour de cet écrivain pour sa propre écriture.
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Sentiments partagés pour ce roman. Tout d'abord, un conseil personnel : commencez à lire à partir de la page 65. Non seulement cela n'enlèvera rien à la compréhension du roman, mais surtout vous ne serez pas tenté(es) d'abandonner la lecture prématurément. C'est un peu comme avoir 2 histoires différentes dans le même livre.
Puis plongez-vous dans l'histoire vraiment pas banale de George Bataille, le trésorier-payeur de la Banque de France, qui vous vous en doutez tourne autour de l'argent. Peut-on lutter, peut-on résister au monde de l'argent? Que faire pour s'y opposer? Comment être dans le système sans y adhérer? .
Tout en nous détaillant l'histoire de la vie de George Bataille, y compris ses conquêtes féminines, l'auteur nourrit sa réflexion de nombreuses références à l'économie moderne et de longues digressions philosophiques souvent intéressantes, mais parfois un peu fatigantes.
Ce livre, encensé par de très nombreux critiques littéraires, a même été cité comme candidat à certains prix littéraires et c'est probablement mérité car l'écriture est belle. Personnellement, un peu déçu par la non histoire et par certains passages indigestes, je n'ai que moyennement accroché.
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Laure Adler a reçu sut France Inter, il y a environ un mois, Yannick Haenel pour un entretien particulièrement intéressant au sujet de son dernier livre.

Force est de reconnaître que, lecture faire, une certaine déception est au rendez-vous.

Il faut, je pense, prendre ce livre comme une sorte de fable sur l'argent, la "dépense", la charité. le trésorier payeur partage sa vie entre son travail (impeccable) à la Banque de France, des nuits blanches à s'enfiler Hegel et Spinoza et/ou la débauche de sexe et d'alcool, sans oublier l'accueil dans sa belle maison de personnes essorées par le surendettement. L'ensemble est au prime abord séduisant bien qu'un peu brinquebalant et guère vraisemblable. Mais ce n'est pas si grave.

L'embêtant est que l'auteur navigue sur une crête très étroite entre d'un côté un souffle incontestable et de l'autre des considérations ampoulées et répétitives qui touchent (parfois) au ridicule.

C'est dommage car l'ensemble est habilement construit, le personnage du directeur de la Banque de France est très bien vu (alors que d'autres sont caricaturaux). Mais l'introduction est longue et complaisante et la chute est un peu expéditive voire bâclée.
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Un roman dont j'avais lu de belles chroniques lors de sa parution en grand format, le découvrir en Folio m'emballait.
Au final, je suis un peu déçue par ce titre, certainement aussi car j'en attendais beaucoup.
Le thème et l'histoire sont originaux et prenants et ce personnage atypique est attachant. Difficile de résister à ce pourfendeur du grand capitalisme qui met beaucoup d'énergie au service de sa cause et cela fonctionne pour nous le lecteur.
Un philosophe et banquier au service des plus démunis : un « Robin des bois » moderne qui est décrit avec une langue riche et dense.
Beaucoup de qualités donc pour ce roman qui cependant n'a pas réussi à me toucher. Je n'ai pas cru à ce personnage si contradictoire et j'ai été gênée par les longueurs dans le récit, notamment le premier quart du livre.
Je suis néanmoins certaine que ce roman continuera de gagner son public grâce à son histoire singulière.
Merci aux éditions Folio et à Babelio Masse critique pour cette découverte.
Lien : https://www.despagesetdesile..
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