Une femme de lettres
Ce livre est un recueil de correspondances (authentiques) entre une demoiselle américaine de New York (
Helène Hanff) et une librairie anglaise (Marks & Co., située au
84, Charing Cross Road) à Londres.
Passionnée de lecture mais faiblement argentée,
Hélène Hanff s'adresse à partir de l'année 1949 à Marks & Co pour acheter des livres anciens d'occasion.
Cette correspondance prendra définitivement fin …en octobre 1969.
Au fil des commandes, Hélène va tisser un lien amical et exclusivement épistolaire avec son principal correspondant, le bouquiniste Frank Doel, puis avec tout le personnel de la librairie et même avec certains membres de leur famille.
Ce livre assez court (moins de 140 pages) n'est composé que de lettres, d'un style très simple, privilégiant souvent le côté pratique. Néanmoins, la personnalité d'Hélène Hanff, le rend immédiatement accrocheur. Bousculant ses interlocuteurs, les interpellant toujours avec humour, elle parvient rapidement à briser la réserve initiale des anglais qui à leur tour, vont se mettre au service de sa passion et montrer qu'ils possèdent également le sens de l'humour.
Au travers de ces dialogues, on peut y voir les traits caractéristiques que l'on attribue sans doute trop facilement aux ressortissants de ces 2 nations. L'américaine est directe, franche, ne s'embarrasse pas d'une retenue excessive, houspille ses correspondants et sa prose est toute en décontraction. Les anglais et notamment Franck Doel, sont longtemps dans la retenue, se réfugient derrière l'aspect commercial des échanges, puis vont se laisser emporter (avec modération) par la fougue de leur amie : ce n'est que le 14 février 1952 (!) que Franck abandonnera le "Mademoiselle" pour un "Chère Hélène"...
Tous parlent à peu près la même langue, mais les lettres montrent pourtant de subtiles différences culturelles.
Cela commence par la nécessaire conversion entre les livres (£) et les dollars($), cela se poursuit par l'usage délicat du terme de Madame ou la recette du pudding !
Et je suppose que quand Franck (qui décidément a bon goût) avoue en octobre 1965 bien aimer les Beatles (mais un peu moins leurs fans qui crient trop selon lui), Hélène ne doit même pas savoir de qui il s'agit…
Mais le fossé est aussi économique et Hélène prendra sur ses maigres ressources pour adresser des colis de nourriture à ses correspondants qui connaissent les privations de l'après-guerre.
Bien sûr, toutes les lettres ne se valent pas et le caractère commercial des missives rejaillit forcément sur certains passages moins intéressants que d'autres. On aimerait aussi parfois, en savoir plus sur la vie des différents correspondants.
Mais l'ensemble reste touchant et l'on se surprend à rêver d'une correspondante telle qu'
Hélène Hanff, capable de faire partager son amour du livre (elle dit ne s'intéresser qu'au contenu et ne pas s'attacher à l'objet, mais il faut "l'entendre" apprécier le dorage sur 3 tranches, la qualité du papier vélin ou la croûte de cuir des couvertures…) et son amour de l'Homme. Car au fond, sous ses allures parfois un peu brusques, cette dame allergique aux romans, manifeste en permanence un esprit curieux et plus ouvert qu'elle voudrait le laisser croire.
A noter pour finir, les textes très intéressants en postface.