Au loin, la mer grise lutte sans bruit contre le rempart démantelé des icebergs. Les glaciers ont déployé leur lave sépulcrale qui s’infiltre au coeur des plus profonds passages en un lent mouvement bleu. Tout brille. Tout scintille. Tout s’enchevêtre et se surmonte. Les lacs inaccessibles, chauffés par les volcans, étirent leur feuillages d’eaux en contrebas des crêtes ; les pics côtoient les combes, les failles, les précipices. Tout glisse, tout s’efface, tout se métamorphose. Les ailes du biplan font comme un doux scalpel. La station thermale surgit dans la baie, prétentieuse, insolite. L’ombre des Dentelles d’Issavùt l’avale bientôt toute entière, barrage et aqueduc, dans son grand halo mauve. Bientôt des rives caillouteuses, à peine esquissées, se dérobent au détour d’un nouveau territoire. Un pâle feu de jade monte des cratères de Printzberg. Le froid dessus, l’incandescent dessous.
A présent que le grand silence de l’Arctique m’envahit comme un poison, je comprends pourquoi je suis parti loin de mes oliviers, un matin d’été, vers le froid de Printzberg, approcher le passé de Costa, comprendre sa folie et retrouver sa femme.
Interview de Stéphane Héaume lors de la fête du livre de Toulon