Méfiez-vous des apparences : ce roman à la jolie couverture aborde un thème bien plus sombre, une histoire bien plus noire que son rose d'apparat, ce qui amènera d'ailleurs à l'autrice de placer en première page un avertissement de contenu (ou TW, trigger warning)
Ce délicat écrin rose et fleuri contient en effet une histoire qui n'est pas à mettre entre toutes les mains, même si – avouons-le – il serait d'utilité publique de le mettre entre le plus de mains possibles !
Nos plus belles années traite des violences sexuelles et sexistes. Je n'en dirais pas plus pour ne rien divulgâcher aux lecteurs qui voudraient s'y lancer sans lire le TW.
Le roman suit l'entrée dans la vie étudiante de deux jeunes femmes, Ambre et Jade. Deux meilleures amies qui s'installent en colocation à Lille et qui vont faire leurs premiers pas dans leur vie de jeunes adultes. Des pas qui les conduiront vers de mauvaises rencontres... Des mauvaises rencontres qui vont éprouver leur amitié... et davantage encore.
Le roman alterne entre les points de vue des deux héroïnes, laissant tantôt la parole à la studieuse Ambre, tantôt la voix à l'extravertie Jade. Si pour certains, elles peuvent paraître extrêmes dans leurs caractères, je ne suis pas de cet avis car je trouve qu'elles sont toutes les deux crédibles et bien construites. On connaît tous une Jade un peu trop exubérante et fêtarde, ou une Ambre un peu trop sérieuse et introvertie. Je me suis d'ailleurs beaucoup retrouvée dans le personnage d'Ambre, ayant expérimenté à mon époque les mêmes pensées sur la réussite scolaire, la performance ou les soirées estudiantines.
Il s'avère que j'ai moi aussi quitté ma famille pour poursuivre mes études à Lille, donc j'ai aimé que cette ville soit le décor du roman (même si à mon goût, il y aurait pu avoir plus de références à la capitale du Nord) C'était un petit bonus appréciable pour moi. Et il se trouve que, même si j'ai suivi mes études il y a plus de 15 ans, j'ai trouvé que l'autrice avait bien retranscrit l'ambiance de la vie étudiante - avec ses soirées, ses intégrations, ses BDE et ses assos, ses révisions à la BU et le stress des premiers exposés, ses séparations familiales et ses nouvelles rencontres, etc. Certains passages m'ont bien transportée quelques années en arrière.
Le roman se lit très facilement. Il est bien écrit, mais reste simple : la plume de l'autrice n'est pas particulièrement marquante, mais ça ne dessert pas l'histoire. le langage est moderne, dans l'air du temps, ça m'a semblé crédible de voir ces jeunes gens s'exprimaient ainsi (même si certains acronymes auraient pu être explicités en bas de page) J'ai aussi apprécié la belle mise en page du roman. Sur le fond, l'histoire est plutôt classique. Pourtant, elle fonctionne très bien et le scénario est suffisamment prenant pour qu'on ait envie de tourner les pages. Mais surtout, j'ai aimé la façon dont l'autrice a traité son sujet. Je spoile :
j'ai apprécié que le viol ne soit pas conforme à ce qu'on voit habituellement – c'est à dire que ce n'est pas un viol brutal, dans une ruelle sombre et mal famée (je caricature) Et je pense que c'est bien que des auteurs montrent que le viol, ça peut aussi être insidieux, sans autre violence physique que celle de l'acte en lui-même. Si dans l'esprit du lecteur, il peut y avoir une zone de flottement, une sorte d'hésitation à qualifier la scène de viol ou à condamner fermement le violeur, l'autrice va venir intelligemment prouver qu'il n'y a pas à débattre. C'est un viol. Point. Tout le passage sur le consentement (quand Ambre confronte Léo, je crois ?) est vraiment très percutant.
J'ai trouvé que le roman était dans l'air du temps, moderne et actuel, et qu'il traitait vraiment bien la thématique des violences sexuelles. Les personnages sont touchants, j'ai eu le coeur serré à plusieurs reprises. J'ai aimé la diversité et l'inclusivité du roman, avec des thèmes plutôt rares comme l'asexualité. J'ai apprécié que l'autrice mette des sources à la fin de son roman, j'ai senti une vraie bienveillance dans ses mots.
Ce n'est pas mon genre de prédilection, pourtant, j'ai vraiment passé un bon moment avec ce livre. Je remercie Babelio et les éditions Hachette pour l'envoi de ce livre.