François d'Assise

En effet, se souvenant avec douleur de ce que l'homme n'est rien d'autre qu'un pèlerin et un hôte éphémère sur cette terre, errant entre la vie et la mort et jamais assuré de quelque possession, il se jeta d'un désir d'amour renouvelé contre la poitrine de Dieu, et à partir de cet instant il aspira à trouver le chemin de la vie uniquement à partir de la simplicité et de la braise de son cœur.
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Quelques temps après, François tomba gravement malade et sentit passer sur lui la griffe de la mort. C’est sans doute à cette heure qu’il commença à réaliser que d’une vie en permanence consacrée aux plaisirs, il ne pouvait naître ni contentement ni paix intérieure ; mais il ne savait rien d’une voie pour trouver d’autres biens, alors qu’il désirait d’une immense ardeur réunir toute sa vie dans un grand amour.

J’ai longtemps souhaité traiter saint François de manière poétique, car sa limpide apparition est elle-même un poème pur et doux dont rien ne doit se perdre.

Hermann Hesse

A partir de ce moment, au lieu qu’on l’aperçoive participant aux ébats des jeunes nobles, à leurs jeux et à leur vie luxueuse, le fils de messire Bernardone, le riche marchand, fut toujours vu seul ou parmi les pauvres et les miséreux.

Sa prédication n’était pas comme celle des prêtres, car il n’avait pas pour maîtres ou modèles des livres, des Pères de l’Eglise, des formules ou des rhéteurs, mais uniquement son cœur brûlant et les oiseaux du ciel et les refrains des troubadours vagabonds.

Ces deux traits essentiels –la volonté passionnée d’aller plus haut et en même temps le côté primesautier, heureux et affectueux de l’enfant –expliquent tout ce qu’il était et ce que fut toute sa vie.

Avec son innocence toujours préoccupée de vivre activement la vie présente, François prenait les paroles du Christ au mot avant tout dans leur signification pour la vie quotidienne, pratique, sans tenter le moins du monde d’en faire une exégèse dogmatique.

-Appendice-

Alors qu’il entrait avec ces dispositions dans ses années de jeunesse, il se sentit de plus en plus mû par une aspiration irrépressible à faire –à faire de sa propre personne- quelque chose de surprenant et de grandiose. C’est ainsi que s’éveilla dans son âme juvénile, de manière voilée et obscure, l’impulsion profonde, encore sans but ni certitude, qui l’habitait –comme un joyeux battement d’aile.

Dans toutes ses souffrances, il gardait constamment le sourire, bénissant et louant Dieu, et quand il gisait seul et aveugle dans sa hutte, il chantait des chants pleins d’allégresse. C’est là aussi qu’il composa le « Cantique du soleil ».

Pour [Hermann Hesse], le Moyen Age chrétien et l’image du monde donnée par François devenaient d’autant plus centrales et importantes comme bastion de résistance spirituelle contre le Zeitgeist (« l’esprit du temps ») irrationnel et l’effondrement de la civilisation.