Dès l'époque de ma jeunesse, j'avais pris l'habitude de disparaitre de temps à autre et de me plonger dans d'autres mondes afin de m'y rafraîchir.
Rien n'est plus dangereux pour l'individu, rien ne détruit plus sûrement son moral que de s'occuper constamment de lui-même et de son état, de remâcher son insatisfaction, son abandon et sa faiblesse.
Comme il est naturel et légitime chez les jeunes, il ne distinguait pas entre les idéaux de ses amis et leurs réalisations.
Cette solitude, ce sentiment d'être en dehors des systèmes organisés et des communautés établies, et ce refus ou cette incapacité de s'adapter à une forme simplifiée d'existence, à une technique de la vie humaine, ne signifiaient pas du tout pour moi l'enfer et le désespoir. Ma solitude n'est ni bornée ni vide; certes, elle ne me permet pas de vivre à l'intérieur de l'une des formes d'existence reconnues valables aujourd'hui, mais en revanche, elle me donne toute facilité de choisir par exemple l'une des multiples formes d'existence du passé, et peut-être aussi de l'avenir, car elle embrasse dans ses perspectives une très grande part de l'univers. Mais surtout, cette solitude est le contraire du vide. Elle est pleine d'images, c'est un trésor où sont entassés des biens que je me suis appropriés, un passé qui est devenu moi-même, une nature qui s'est assimilée à la mienne.
Les hommes traînèrent jusqu'à Saint-Imier la dépouille aux membres brisés. Ils riaient, faisaient les fanfarons, impatients de boire du schnaps et du café, chantant et jurant à coeur joie. Aucun d'entre eux ne remarqua la beauté de la forêt enneigée, ni l'éclat des hauts plateaux, ni la lune rougeoyante au-dessus du Chasseral, et dont la faible clarté se réfractait sur le canon des fusils, sur les cristaux de neige et dans le regard éteint du loup assommé
[Le citadin] comptait sur une nature totalement soumise à l'homme et transformée par ses soins, une nature qui certes devait lui dispenser ses charmes et ses illusions, mais qui devait en même temps se montrer docile et ne rien exiger de lui, une nature dans laquelle il pût s'installer confortablement, sans renoncer à aucune des habitudes, des modes et des prétentions de la grande ville.
Rien n'est plus dangereux pour l'individu, rien ne détruit plus sûrement son moral que de s'occuper constamment de lui-même et de son état, de remâcher son insatisfaction, son abandon et sa faiblesse.
C'était comme si la bonne étoile de Reichardt avait expressément placé cet être admirable sur son chemin, afin qu'il ne cherchât pas plus loin. Mais il n'est rien à quoi l'homme se laisse mener plus difficilement qu'à son bonheur.
[...] cet abri contre la pluie dont parle un conte populaire: l'abri est l'ouvrage d'un maître escrimeur et chacun peut s'y tenir au sec, bien qu'il ne consiste que dans le tournoiement furieux de son épée.
[...] et il eut ainsi l'occasion de connaître à fond ce qu'est un art d'oisifs entichés d'intellectualisme, art qui est l'ennemi mortel de toute activité valable.