Un virus atypique se propage à une vitesse alarmante dans le monde entier : la maladie, qui fait apparaître des tâches noires sur la peau semblables à des écailles, finit par transformer tous ceux qui la contractent en torche humaine, genre combustion spontanée. Après avoir été infectée, l'infirmière Harper Willowes doit échapper aux autorités qui cherchent à parquer les personnes atteintes (ainsi qu'à son époux) pour trouver un endroit sûr. Car, voyez-vous, elle est enceinte, et elle compte bien rester en vie au moins assez longtemps pour mettre son bébé au monde.
A partir de là, et au fil de nombreux rebondissements, on va rencontrer tout un petit monde. Des gens très attachants et d'autres beaucoup moins sympas. John Rookwood, un britannique un peu excentrique, assez mystérieux et vraiment très sympathique, vole pas mal la vedette. Mais il y a aussi le petit Nick, sa soeur Allie, Renée, Franck Storey, Carol, Don Lewiston...
Petite précision avant d'aller plus loin : j'ai lu le livre en anglais, John est donc pour moi le "fireman" (pompier) et la maladie est appelée "dragonscale". Je ne sais pas trop comment ces surnoms ont été transcrits dans la version française donc je préfère m'en tenir à ça.
J'ai beaucoup aimé toute la situation dans laquelle
Joe Hill nous plonge, et toute la cohérence de cette maladie qu'il a inventé, qui se comporte comme une sorte de champignon et transforme les corps humains en incubateurs. J'ai trouvé le tout très fouillé, les explications sur la biologie de la chose claires et précises, tout cela était assez passionnant à découvrir (et un peu flippant).
On se trouve, finalement, en présence d'un virus qui peut soit vous brûler vif soit vous transformer en super-héros, si vous trouvez comment vous y prendre. J'ai trouvé l'idée fascinante, même si elle n'est finalement pas assez poussée à mon goût comme je l'expliquerais plus loin.
Les personnages sont nombreux mais tous assez travaillés pour qu'on s'attache à eux (ou qu'on les déteste), même les moins présents. Toute la partie dans la communauté nous plonge parmi ces hommes et ces femmes comme si on vivait parmi eux. On ressent le même soulagement que Harper à se retrouver dans cet environnement protégé, puis le même malaise à mesure que les choses se dégradent. D'ailleurs, on ressent même ce malaise un petit peu avant elle, ce qui fait qu'on tremble pour elle et qu'on a envie de la prendre par les épaules et de lui dire d'être prudente, de se faire moins remarquer si elle ne veut pas avoir de gros ennuis.
On passe par pas mal de sentiments à mesure qu'il nous est donné de voir tous les extrêmes par lesquels peut passer l'humanité en temps de crise. La cruauté des mouvements de groupe, quand les gens cessent de réfléchir par eux-même pour suivre le leader. La rapidité et la facilité avec laquelle l'Homme retourne à la barbarie dès qu'on lui donne une bonne raison de le faire (avec la chasse aux infectés et leur massacre systématique par peur qu'ils ne propagent la maladie).
C'est un roman très sombre, au final, où l'héroïne passe par pas mal de mésaventures, de peines et de désillusions. Ses espoirs sont souvent réduits à néant et on voit beaucoup plus souvent la noirceur humaine que sa bonté. Il y a néanmoins des détails qui rassurent sur notre espèce : des personnages éminents bons et généreux comme Renée et Don. les quelques aides spontanées qu'on peut voir fleurir à la fin du roman...
Rien à redire au niveau de l'écriture, je commence à être une habituée de
Joe Hill et son talent pour manier les mots et nos émotions ne fait plus aucun doute pour moi. le roman souffre peut-être de quelques longueurs, je l'ai surtout ressenti après le départ de la communauté où il y a un creux dans l'action.
Je dois aussi parler de quelques petites déceptions quant à ce roman, qui m'a laissée sur ma faim à quelques égards. Principalement au niveau du Fireman. John Rookwood est un personnage super attachant, charismatique et plein de ressources, seulement il n'a pas souvent l'occasion de se rendre utile. Plus précisément, à chaque fois qu'il commet un éclat et nous offre un passage impressionnant, il se retrouve ensuite blessé et immobilisé pendant plusieurs chapitres. Ce pauvre Fireman n'aura pas été épargné pendant tout le roman, j'ai eu l'impression que ces blessures à répétition servaient surtout à empêcher un personnage trop puissant d'interférer trop souvent avec l'intrigue.
Autre petit détail : je ne sais pas pourquoi, mais j'ai trouvé que la romance entre Harper et John arrivait de manière pas très naturelle. Il y a pourtant, dès le début, une alchimie évidente entre les deux personnages, mais la manière dont évolue leur relation m'a parue forcée.
Petit aparté : j'ai rêvé ou il y avait de grosses références au Fléau de
Stephen King, dans ce roman ? Parce que le jeune type intelligent mais imbuvable de la communauté s'appelle Harold Cross (Harold Lauder + Nadine Cross) et que le sourd-muet s'appelle Nick... Sans aucun doute un clin d'oeil de la part de
Joe Hill à la version du virus apocalyptique imaginée par son père, et je trouve ça très sympa.
En bref, c'est un roman excellent qui part d'un concept original, comme souvent avec
Joe Hill. Chacun de ses romans respire l'ingéniosité et a ce petit truc en plus qui fait qu'il ne ressemble à aucun autre. Même en s'appuyant sur un certain nombre de références littéraires (comme il l'explique au début du livre), il arrive à faire de l'inédit.
L'intrigue est immersive, on a du mal à lâcher le livre, on s'inquiète pour la survie de Harper et des autres à chaque nouveau rebondissement. le Dragonscale est si bien décrit et réaliste qu'on aurait presque peur de l'attraper (surtout quand on le lit en pleine canicule, ce qui était mon cas). L'histoire est assez marquante et on a du mal à quitter les personnages à la fin. Je suis juste frustrée du destin du Fireman, un peu trop victimisé tout au long du roman alors que j'aurais voulu le voir en action plus souvent.
La fin, bien qu'en accord avec le ton général du roman, laisse un goût amer et ne donne pas très foi en l'humanité.
Joe Hill semble avoir la même aversion pour les happy end que son père.