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Henri Robillot (Traducteur)
EAN : 9782070410255
373 pages
Gallimard (14/09/1999)
3.57/5   63 notes
Résumé :
Les policiers noirs, John Fossoyeur et Ed Cercueil Johnson, effectuaient leur dernière ronde dans Harlem avec le vieux coupé Plymouth à la plaque minéralogique courante qu'ils utilisaient comme leur voiture officielle.


En plein jour on aurait encore pu la reconnaître, mais la nuit elle était pratiquement impossible à distinguer de toutes ces autres vieilles bagnoles cabossées et disloquées qu'affectionnaient les citoyens de Harlem...
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Qu'on ne s'y trompe pas. Ceci n'est pas un roman policier. Bien sûr il y a des morts, des flics, des innocents, des coupables... mais à vrai dire, cela nous est bien égal.

Non, ce que Chester Himes a écrit en 1969, c'est un roman social, noir dans tous les sens du terme, où il s'interroge, où il NOUS interroge, sur la condition noire des États-Unis de cette époque-là (n'oubliez pas que Martin Luther King, le promoteur de l'action pour le respect des droits civiques, avait été assassiné un an auparavant et dont je vous conseille chaleureusement au passage Minuit, Quelqu'Un Frappe À La Porte), mais, bien au-delà des frontières de Harlem, sur le sort et le brûlot que constitue n'importe quelle minorité non respectée dans un pays, par ailleurs prospère.

Changez juste la couleur et vous aurez une vision et une analyse pénétrante du ressenti des communautés maghrébines en France, turques en Allemagne, etc. le message de Chester Himes tient sa force dans ce qu'il a d'universel (voir aussi à ce propos les articles sur le hooliganisme dans Sport Et Civilisation de Norbert Elias).

Ce message, cette parabole sur le mal-être des minorités ethniques, est à méditer dans n'importe quel pays où il y a une minorité raciale, sociale, religieuse ou ethnique qui se retrouve ou qui se sent méprisée, qu'on parque, qu'on entasse, qu'on mure, volontairement ou involontairement, dans des ghettos qui sentent trop fort la misère et la discrimination.

C'est donc un regard intègre, sans parti pris, bienveillant mais lucide que nous offre Chester Himes sur les noirs de Harlem, son Harlem qu'il connaît sur le bout des doigts. Il y dépeint des noirs bourrés de défauts mais attachants, il y dépeint une situation sanitaire et sociale invivable, il y dépeint les ferments de la révolte qui, telle une cocotte-minute sans soupape risque d'exploser au visage de tous à chaque instant.

Ses deux héros récurrents, presque des anti-héros, les deux flics noirs surnommés Cercueil & Fossoyeur, aux méthodes rugueuses, qui ne savent pas toujours de quel côté ils doivent se placer dans les conflits entre noirs et blancs, eux qui sont toujours là pour se prendre des coups (voir comment Cercueil s'est fait brûler le visage dans La Reine Des Pommes) et qui commencent à se demander si tout cela en vaut vraiment la chandelle. Pour quel ordre établi bossent-il finalement ?

L'histoire est intriquée comme les rues de Harlem et l'auteur entrelace plusieurs scènes qui concourent toutes à amener la parabole finale de l'aveugle au pistolet.

L'aveugle, c'est bien évidemment le peuple noir de Harlem, et le jour où il se servira de son pistolet, d'une part cela fera mal, mais d'autre part, personne ne sera à l'abri des coups lancés au hasard. Cela ne vous rappelle rien ?... enfin, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire celui d'une pas tout à fait aveugle sans pistolet, autant dire pas grand-chose.
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L'aveugle au pistolet n'est pas un polar, mais de la littérature pure, une oeuvre littéraire exprimant la rage de la communauté noire américaine et la dénonciation des inégalités sociales entre les Blancs et les Noirs.

Je pensais avoir affaire à un polar, mais c'est en fait un livre coup de point de Chester Himes, dénonçant à merveille le racisme, l'exclusion, la pauvreté, la ségrégation, dont est victime la communauté afro-américaine dans les années 40 et 50 aux Etats-Unis.

Malgré cette surprise, je n'ai pas été captivé par L'aveugle au pistolet, le trouvant de calibre moyen et peu intéressant. Je pense que L'aveugle au pistolet aurait du sortir sous une autre forme, plus sociologique, et non sous la forme d'un polar.
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Les deux flics noirs de Himes, Ed Cercueil et Fossoyeur, sont de retour. Mais ici, nulle enquête véritable, il s'agit plutôt du portrait de Harlem et des conditions de vie du peuple noir, livré par petites touches, aux travers de mille destins, mille portraits.
Un très bon roman tout entier rempli du cynisme des deux héros. Une chronique sans concession de la rue, avec de très belles descriptions.
L'écriture nerveuse de Himes retranscrit parfaitement l'ambiance et le désoeuvrement de ce peuple.
"je me suis dit là-dessus que toute violence inorganisée était comme un aveugle armé d'un pistolet." (préface de Himes)
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Années soixante : Harlem bouillonne : les arnaques habituelles des malfrats mais aussi les mouvements religieux plus ou moins fantaisistes et fanatiques, et les groupes de contestation politique . Sans compter les bonnes intentions qui dans cet Enfer finissent en pavés sur les cops. Himes ne raconte pas vraiment une histoire mais un pandémonium à la Jérome Bosch qui est aussi une sanglante dénonciation de ce qui a crée une situation incontrôlable.
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Himes Chester
L'aveugle au pistolet
Comme l'auteur en a l'habitude, d'abord il met en scène ses deux policiers favoris. Fossoyeur et Cercueil, vêtus comme des cow boys, dans une vieille voiture cabossée, ne savent pas toujours s'il faut aller à droite ou à gauche, ils sont noirs eux aussi et se font souvent massacrer.
Et en plus de ces deux flics, il décrit sans fard Harlem tel qu'il est, tel qu'il le connait.
Avec ses ghettos malfamés, miséreux, les gens entassés dans de vieilles bicoques sans aucune facilité ni rien de sanitaire pratiquement insalubres.
C'est un cri, pas seulement un livre, un cri noir de cette minorité opprimée
Les responsables voulaient démolir tous ces taudis pour les transplanter ailleurs, mais ailleurs, quid des loyers, de tous les petits commerçants.
Cela suffisait donc à provoquer une émeute
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Lorsque le premier flic revint après avoir demandé par radio des renforts au commissariat de Harlem, un très vieil homme drapé dans une robe blanche à longues manches constellée de taches était entré dans la cuisine d'où il avait fait sortir les femmes et les enfants. Il était rasé de frais et sa peau flasque et parcheminée qui semblait avoir pour seule fonction de voiler son squelette était tendue sur ses traits comme un masque de cuir. Ses paupières fripées telle des membranes desséchées retombaient sur ses yeux d'un bleu laiteux, lui conférant une vague ressemblance avec une vieille tortue d'eau. Dans sa voix cassée perçait une note de léger reproche. [...]
- Alors c'est vous le patron ici ? dit le premier flic.
- Oui, monsieur. Je suis le révérend Sam.
- Vous êtes moine ? demanda le second flic.
Un sourire parut effleurer le visage du vieil homme.
- Non, je suis mormon.
Le premier flic se gratta la tête.
- Et qu'est-ce que toutes ces bonnes sœurs fabriquent ici ?
- Elles sont mes épouses.
- Ça alors, je veux bien être pendu ! Un négro mormon marié à une troupe de bonnes sœurs chocolat. Et tous ces gosses ? Vous dirigez un orphelinat, en plus ?
- Non. Ce sont mes propres enfants. J'essaie de les élever du mieux que me le permet le Seigneur.
Les policiers lui lancèrent un regard aigu. tous deux le soupçonnaient fortement de les prendre pour des imbéciles.
- Vos petits-enfants, vous voulez dire, rectifia le premier flic.
- Non, ils sont tous les fruits de ma semence.
Les policiers le considérèrent avec des yeux ronds.
- Vous avez quel âge, pépé ?
-Je crois bien que je dois avoir à peu près cent ans, si je ne me trompe.
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Les jeunes gens surgissaient brusquement du seuil des taudis plongés dans l'obscurité, du fond des impasses, de derrière les voitures en stationnement, des escaliers remontant des sous-sols, chargeaient vers la police, lançaient des légumes pourris, des détritus variés, des pierres et des briques s'ils pouvaient en trouver, et quelques œufs pourris aussi, mais le moins possible, parce qu'il fallait qu'un œuf soit vraiment en décomposition pour cesser d'être bon à Harlem ; provoquant la police, faisant des grimaces, tirant la langue, chantant « Crève donc blanchiotte ! » Leurs corps s'agitant sur des rythmes absurdes, lestes, agiles, insaisissables, mus par une excitation hystérique qui leur conférait l'air de pantins en folie. Les flics transpirants aux visages rouges dans leurs uniformes bleus, avec leurs casques blancs, zébraient l'air brûlant de la nuit de leurs longs bâtons blancs, comme s'ils exécutaient une version dansée et policière de West Side Story, et plongeaient pour éviter les projectiles volant de toutes parts, surtout pour ne pas recevoir d'ordures dans les yeux ; puis c'était à leur tour de se mettre en chasse et ils poursuivaient les jeunes Noirs qui faisaient volte-face et s'enfuyaient pour se dissoudre à nouveau dans l'obscurité. [...]
- Pour eux, c'est jamais qu'un jeu, dit Ed Cercueil.
- Non, pas du tout, contredit Fossoyeur. Ils expriment leur opinion.
Tandis que les efforts de la police se trouvaient détournés vers un groupe de garçons et de filles qui venaient de lancer une opération de harcèlement sur la 125è Rue, une bande de jeunes gens un peu plus âgés s'élança de l'ombre à l'assaut d'un supermarché au milieu du bloc, avec des bouteilles de bière et des barres de fer. Les vitrines volèrent en éclats. Les jeunes se précipitèrent pour piller, tels des moineaux picorant avidement des miettes sous le bec d'oiseaux beaucoup plus grands.
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Mais cette nouvelle génération de jeunes Noirs avec leur comportement de spécimens de l'ère spatiale représentait pour lui l'inconnu. Pourquoi déclenchaient-ils des émeutes, pourquoi provoquaient-ils la police des Blancs d'une part et composaient-ils des poèmes assez délirants pour désarçonner complètement un brillant intellectuel de Harvard de l'autre ? On ne pouvait pas tout mettre sur le compte des foyers brisés, du manque de débouchés, du chômage, de l'inégalité fondamentale, de la pauvreté, de la discrimination — ou encore du génie. La plupart étaient issus de ces taudis misérables qui n'engendrent guère le génie ou les rêves, mais il y en avait un certain nombre appartenant à des familles de la bonne bourgeoisie moyenne qui ne souffraient pas de façon aussi cruciale de l'inégalité. Et les bons et les mauvais, les finauds et les lourdauds constituaient tous les éléments d'un ferment racial: tous se retrouvaient parmi les membres d'une certaine opposition. Et ce n'était fichtrement pas la peine de perdre son temps à discuter pour découvrir le responsable : il n'y avait pas de responsable.
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Les habitants de Harlem étaient furieux comme seuls peuvent l'être les Harlemites. La municipalité de New York avait ordonné la démolition des taudis condamnés comme insalubres dans le bloc situé sur le côté nord de la 125ème Rue entre Lenox et la Septième Avenue et les occupants ne savaient pas où aller. Ceux des autres secteurs de Harlem étaient furieux parce que ces expulsés allaient leur être balancés dans les pattes et que les maisons de leur quartier deviendraient des taudis. En outre, c'était un bloc à usage commercial et les propriétaires des petites boutiques installées au rez-de-chaussée des bâtisses étaient également furieux parce que le loyer des nouveaux immeubles serait prohibitif. Le même problème se posait aux résidents, mais la plupart n'avaient pas encore songé à un avenir aussi lointain. Pour l'instant, le souci immédiat de retrouver un toit suffisait à les absorber et ils étaient ulcérés de se voir vidés de maisons où certains étaient nés, où leurs enfants étaient nés, où d'autres s'étaient mariés, où des parents, des amis étaient morts ; peu importait qu'on eût attribué à ces maisons l'étiquette : Taudis condamnés comme impropre à l'habitat. Ils avaient été forcés de vivre entre ces murs, dans toute cette crasse et cette indignité jusqu'à ce qu'ils aient fini par s'y adapter et maintenant on les jetait dehors. Cela suffisait pour provoquer une émeute.
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Les portes couvertes d'encoches d'entailles et d'éraflures du fait de clefs perdues ou de tentatives de cambriolage témoignaient de la guerre continuelle que livraient aux résidents les ennemis du dehors. Satyres, voleurs, maris ou amants homicides, ou encore propriétaire en quête de son loyer. Sur les murs s'étalaient des graffiti obscènes, organes sexuels géants, cuisses largement ouvertes, formules grossières, numéros de téléphone, suggestions insidieuses, vantardises outrées, commentaires aberrants ou non sur les habitudes amoureuses des divers locataires, sur leurs mères et leurs pères, sur la légitimité de leurs enfants.
— Et y a des gens qui vivent ici, fit Fossoyeur, l'air consterné.
— Ben, c'est pour ça qu'on l'a construit.
— Comme des asticots dans de la viande pourrie
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Quel écrivain américain, ancien taulard, a su capter l'âme du petit peuple de Harlem tout en alertant sur la ségrégation dans un polar où l'on retrouve une reine et une pomme ?
« La reine des pommes », de Chester Himes, c'est à lire en poche chez Folio.
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