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Citations sur Anéantir (303)

La vie humaine est constituée d’une succession de difficultés administratives et techniques, entrecoupée par des problèmes médicaux ; l’âge venant, les aspects médicaux prennent le dessus. La vie change alors de nature, et se met à ressembler à une course de haies : des examens médicaux de plus en plus fréquents et variés scrutent l’état de vos organes. Ils concluent que la situation est normale, ou du moins acceptable, jusqu’à ce que l’un d’entre eux rende un verdict différent. La vie change alors de nature une seconde fois, pour devenir un parcours plus ou moins long et douloureux vers la mort.
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L'immense forêt qui s'étendait devant eux n'était pas immobile, une brise légère faisait onduler les feuilles, et ce très léger mouvement était encore plus apaisant que ne l'aurait été une immobilité parfaite, la forêt semblait animée d'une respiration calme, infiniment plus calme que n'importe quelle respiration animale, au-delà de toute agitation comme de tout sentiment, différente pourtant du minéral pur, plus fragile et plus tendre, intermédiaire possible entre la matière et l'homme, elle était la vie dans son essence, la vie paisible, ignorante des combats et des douleurs. Elle n'évoquait pas l'éternité, ce n'était pas la question, mais lorsqu'on se perdait dans sa contemplation la mort paraissait beaucoup moins importante.
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Bruno était en effet rentré découragé. Le président avait rendu son arbitrage en sa défaveur, et choisi de fermer une dizaine de centrales nucléaires, tout cela dans l’espoir de grappiller quelques voix écologistes qui étaient de toute façon acquises à la majorité, aucun écologiste ne voterait jamais pour le Rassemblement national, c'était ontologiquement impossible, tout au plus ces fermetures lui permettraient-elles d'éviter quelques abstentions. Bruno n était pas absolument hostile aux écologistes, il avait par exemple, de sa propre initiative, augmenté les déductions fiscales en faveur des économies d'énergie réalisées par les particuliers sur leur logement, mais il les considérait quand même globalement comme de dangereux imbéciles, et surtout il trouvait absurde de se priver du nucléaire, c'était un point sur lequel il n avait jamais varié. Pouvait-on citer un point sur lequel les convictions du président n’avaient jamais varié ?
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La brume se dissipa en effet partiellement à la hauteur de Corbeil-Essonnes, et l'algèbre lassante des barres, des pavillons et des tours avait bien de quoi annihiler toute velléité d'espérance ...
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Lorsqu'elle revint, un peu après dix-neuf heures, Paul était à côté de son père, en face de la baie vitrée. Ils contemplaient le paysage qui était à présent, dans les rayons du soleil couchant, d'une beauté surnaturelle ; elle s'immobilisa, saisie. Son intention initiale était d'informer Édouard qu'elle allait emmener Paul, que c'était bientôt l'heure du dîner, et que Madeleine allait venir le chercher aussitôt après ; elle allait le faire, bien sûr, mais pas tout de suite, le dîner attendrait un peu, il lui paraissait impensable d'interrompre leur contemplation de ce coucher de soleil. Claude Gellée, dit « le Lorrain » avait fait parfois aussi bien, ou pire, dans certaines toiles, installant définitivement en l'homme l'enivrante tentation du départ vers un monde plus beau, où nos joies seraient complètes. Ce départ se passait généralement au coucher du soleil, mais ce n'était qu'un symbole, le moment véritable de ce départ était la mort. Ce soleil couchant n'était pas un adieu, la nuit serait brève et conduirait à une aube absolue, à la première aube absolue de l'histoire du monde, voilà ce qu'on pouvait en arriver à s'imaginer, pensait Paul, à force de contempler les tableaux de Claude Gellée, dit « le Lorrain », et aussi de contempler le soleil qui descendait sur les collines du Beaujolais.
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Avec Prudence les choses n'évoluaient pas, ou très peu. Ils partaient maintenant ensemble au travail tous les matins, rentraient à des heures comparables. Tous les soirs, ils discutaient un moment dans l'espace de vie avant d'aller se coucher dans leurs chambres respectives. Ils ne prenaient toujours pas leurs repas ensemble, mais Paul fut bouleversé, un soir, de découvrir dans le réfrigérateur deux tranches de pâté en croûte que Prudence avait achetées à son intention.
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La solution avec Indy lui était connue, l’alcool était supposé donner du courage, et il lui faudrait du courage pour déclencher les hostilités du divorce. Elle allait demander la moitié des biens évidemment, et l'obtenir ; elle allait demander une pension alimentaire, et l'obtenir également, restait à fixer son montant. Dans les divorces, d'après le peu qu'en savait Aurélien, il est essentiel d’avoir un bon avocat. Il connaissait des liciers, de haute comme de basse lice, des ferronniers, des estampeurs, des ébénistes ; il ne connaissait aucun avocat, et il en avait choisi un à peu près au hasard. Indy connaissait certainement des avocats redoutables, avocat et Journaliste c’était un peu pareil, enfin ça lui paraissait appartenir au même monde un peu louche, en prise directe avec le mensonge, sans contact immédiat avec la matière, la réalité, ni avec une quelconque forme de travail. Il était, il ne fallait pas se le dissimuler, bien mal parti.
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« Pardonnez mon indiscrétion, mais il me semble que vous avez une compagne, n'est-ce pas, enfin c'est elle qui vient vous chercher tout à l'heure ? » II acquiesça de nouveau.

« Évidemment ça ne me regarde pas, mais est-ce qu'il ne serait pas temps de la mettre au courant ? Je veux dire, de la mettre réellement au courant ? Je comprends votre désir de la protéger ; mais quand même, à un certain stade, il vaut mieux être tout à fait transparent, vous ne croyez pas ?

— En effet, je pourrai difficilement lui dissimuler mon décès » grinça Paul, et aussitôt après, en voyant le visage de Bokobza se tordre de déplaisir, il regretta ses paroles, en fait c'était un brave type ce Bokobza, en plus d'être le meilleur chirurgien européen du cancer de la mâchoire, il faisait de son mieux.
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Le mardi 3 août en début d'après-midi, peu après que l'infirmière eut posé sa perfusion, il entama la lecture de Son dernier coup d'archet, plus exactement de la nouvelle éponyme, la dernière du recueil. Immédiatement avant que n'éclate la première guerre mondiale, Sherlock Holmes sortait de sa retraite consacrée à l'apiculture pour servir son pays et mener à bien la capture de l'espion allemand von Bork. Paul médita longuement sur la dernière page, qui ne pouvait pas être considérée comme le testament de Conan Doyle - il avait beaucoup écrit par la suite - mais peut-être comme celui de son personaage le plus illustre.
« Le vent d'Est se lève, Watson !

— Je ne crois pas, Holmes. Il fait très chaud.

— Cher vieux Watson ! Vous êtes le seul point fixe d'une époque changeante. Un vent d'Est se lève néanmoins : un vent comme il n’en a jamais soufflé sur l'Angleterre. Il sera froid et aigre, Watson ; bon nombre d'entre nous n’assisteront pas à son accalmie. Mais c’est toutefois le vent de Dieu ; et une nation plus pure, meilleure, plus forte, surgira à la lumière du soleil quand la tempête aura passé. Mettez en marche, Watson ; il est temps de partir. »

Paul ne croyait nullement que l'Angleterre, pas davantage qu’aucune autre nation européenne, soit sortie renforcée de la première guerre mondiale ; il lui paraissait au contraire évident que cette boucherie stupide était à l'origine de la phase terminale du déclin de l'Europe
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Peut-être même n’avait-il pas vraiment cru à l’existence de Maryse ; il l’avait vue passer comme un mirage heureux, comme une possibilité de vie qui lui avait été indûment offerte, qui ne tarderait pas à lui être reprise. On recevait parfois d’organismes officiels comme les impôts une lettre contenant un message disant : « Une erreur a été commise en votre faveur » ; c’était sans doute quelque chose de ce genre qui s’était produit, avait dû penser Aurélien. (p.509)
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