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Citations sur Les particules élémentaires (256)

A propos de Le meilleur des mondes d'A. Huxley (p. 194)
Bruno : « J’ai toujours été frappé, commença-t-il avant même de s’être assis, par l'extraordinaire justesse des prédictions faites par Aldous Huxley dans Le Meilleur des mondes. Quand on pense que ce livre a été écrit en 1932, c’est hallucinant. Depuis, la société occidentale a constamment tenté de se rapprocher de ce modèle. Contrôle de plus en plus précis de la procréation, qui finira bien un ou l’autre par aboutir à sa dissociation totale d’avec le sexe, et à la reproduction de l’espèce humaine en laboratoire dans des conditions de sécurité et de fiabilité génétique totales. Disparition par conséquent des rapports familiaux, de notion de paternité et de filiation. Élimination, grâce aux progrès pharmaceutiques, de la distinction entre les âges de la vie. Dans le monde décrit par Huxley les hommes soixante ans ont les même activités, la même apparence physique, les même désirs qu’un jeune homme de vingt ans. Puis, quand il n’est plus possible de lutter contre le vieillissement, on disparaît par euthanasie librement consentie ; très discrètement, très vite, sans drames. Les société décrite par Brave New World est une société heureuse, dont ont disparu la tragédie et les sentiments extrêmes. La liberté sexuelle y est totale, plus rien n’y fait obstacle à l’épanouissement et au plaisir. Il demeure de petits moments de dépression, de tristesse et de doute ; mais ils sont facilement traités par voie médicamenteuse, la chimie des antidépresseurs et des anxiolytiques a fait des progrès considérables. « Avec un centicube [sic], guéris dix sentiments. » C’est exactement le monde dans lequel aujourd’hui, nous souhaiterions vivre.
Je sais bien, continua Bruno avec un mouvement de la main comme pour balayer une objection que Michel n’avait pas faite, qu’on décrit en général l’univers d’Huxley comme une cauchemar totalitaire, qu’on essaie de faire passer ce livre pour une dénonciation virulente ; c’est une hypocrisie pure et simple. Sur les points – contrôle génétique, liberté sexuelle, lutte contre le vieillissement, civilisation des loisirs, Brave New World est pour nous un paradis, c’est en fait exactement le monde que nous essayons, jusqu’à présent d’atteindre. Il n’y a qu’une seule chose aujourd’hui qui heurte une notre système de valeurs égalitaire – ou plus exactement méritocratique – c’est la division de la société en castes, affectées à des travaux différents suivant leur nature génétique. Mais justement, c’est le seul point sur lequel Huxley se soit montré mauvais prophète ; c’est justement le seul point qui, avec le développement de la robotisation et du machinisme, soit devenu à peu près inutile. Aldous Huxley est sans nul doute un très mauvais écrivain, ses phrases sont lourdes et dénuées de grâce, ses personnages insipides et mécaniques. Mais il a eu cette intuition – fondamentale – que l’évolution des sociétés humaines était depuis plusieurs siècles, et serait de plus en plus, exclusivement pilotée par l’évolution scientifique et technologique. Il a pu par ailleurs manquer de finesse, de psychologie, de style ; tout cela pèse peu en regard de la justesse de intuition de départ. Et, le premier parmi les écrivains, y compris les écrivains de science-fiction, il a compris qu’après la physique c’était maintenant la biologie qui allait jouer un rôle moteur. »

( p. 197)
Michel : « Huxley appartenait à une grande famille de biologistes anglais. Son grand-père était un ami de Darwin, il a beaucoup écrit pour défendre les thèses évolutionnistes. Son père et son frère Julian étaient également des biologistes de renom. C’est une tradition anglaise, d’intellectuels pragmatiques, libéraux et sceptiques ; très différents du Siècle des Lumières en France, beaucoup plus basé sur l’observation, sur la méthode expérimentale. Pendant toute sa jeunesse Huxley a eu l’occasion de voir les économistes, les juristes, et surtout les scientifiques que son père invitait à la maison. Parmi les écrivains de sa génération, il était certainement le seul capable de pressentir les progrès qu’allait faire biologie. Mais tout cela serait allé beaucoup plus vite sans le nazisme. L’idéologie nazie a beaucoup contribué à discréditer les idées d’eugénisme et d’amélioration de la race ; il a fallu plusieurs décennies pour y revenir. » Michel se leva, sortit de sa bibliothèque un volume intitulé Ce que j’ose penser. « Il a été écrit par Julian Huxley, le frère aîné d’Aldous, et publié dès 1931, un an avant le Meilleur des mondes. On y trouve suggérées toutes les idées sur le contrôle génétique et l’amélioration des espèces, y compris de l’espèce humaine, qui sont mises en pratiques par son frère dans le roman. Tout cela y est présenté, sans ambiguïté, comme un but souhaitable, vers lequel il faut tendre. »
(…) »Après la guerre, en 1946, Julian Huxley a été nommé directeur général de l’Unesco, qui venait d’être créé. La même année son frère a publié Retour sur le Meilleur des mondes, dans lequel il essaie de présenter son premier livre comme une dénonciation, une satire. Quelques années plus tard, Aldous Huxley est devenu une caution théorique majeure de l’expérience hippie. Il avait toujours été partisan d’un entière liberté sexuelle, et avait joué un rôle de pionnier dans l’utilisation des drogues psychédéliques. Tous les fondateurs d’Esalen le connaissaient, et avaient été influencés par sa pensée. Le New Age, par la suite, a repris intégralement à son compte les thèmes fondateurs d’Esalen. Aldous Huxley, en réalité, est un des penseurs les plus influents du siècle. »
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« Adolescent, Michel croyait que la souffrance donnait à l’homme une dignité supplémentaire. Il devait maintenant en convenir : il s’était trompé. Ce qui donnait à l’homme une dignité supplémentaire, c’était la télévision. » (p. 111)
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Avoir un enfant, aujourd'hui, n'a plus aucun sens pour un homme. Le cas des femmes est différent, car elles continuent à éprouver le besoin d'avoir un être à aimer - ce qui n'est pas, ce qui n'a jamais été le cas des hommes. Il est faux de prétendre que les hommes ont eux aussi besoin de pouponner, de jouer avec leurs enfants, de leur faire des câlins. On a beau le répéter depuis des années, ça reste faux. Une fois qu'on a divorcé, que le cadre familial a été brisé, les relations avec ses enfants perdent tout sens. L'enfant, c'est le piège qui s'est refermé, c'est l'ennemi qu'on va devoir continuer à entretenir, et qui va vous survivre.
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L'éditeur arriva avec dix minutes de retard, brandissant le fume-cigarettes qui devait faire sa célébrité. "Vous êtes en province ? Mauvais, ça. Il faut venir à Paris. Tout de suite. Vous avez du talent." Il annonça à Bruno qu'il allait publier le texte sur Jean-Paul II dans le prochain numéro de l'Infini. Bruno en demeura stupéfait; il ignorait que Sollers était en pleine période "contre-réforme catholique", et multipliait les déclarations enthousiastes en faveur du pape. "Péguy, ça m'éclate ! fit l'éditeur avec élan. Et Sade ! Sade ! Lisez Sade, surtout !...
_ Mon texte sur les familles...
_ Oui, très bien aussi. Vous êtes réactionnaire, c'est bien. Tous les grands écrivains sont réactionnaires. Balzac, Flaubert, Baudelaire, Dostoïevski : que des réactionnaires. Mais il faut baiser, aussi, hein ? Il faut partouzer. C'est important."
Sollers quitta Bruno au bout de cinq minutes, le laissant dans un état de légère ivresse narcissique. Il se calma peu à peu au cours du trajet de retour. Sollers semblait être un écrivain connu; pourtant la lecture de Femmes le montrait avec évidence, il ne réussissait à tringler que de vieilles putes appartenant aux milieux culturels; les minettes, visiblement, préféraient les chanteurs. Dans ces conditions, à quoi bon publier des poèmes à la con dans une revue merdique ?
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La traditionnelle "lucidité des dépressifs", souvent décrite comme un désinvestissement radical à l'égard des préoccupations humaines, se manifeste en tout premier lieu par manque d'intérêt pour les questions effectivement peu intéressantes. Ainsi peut-on, à la rigueur, imaginer un dépressif amoureux, tandis qu'un dépressif patriote paraît franchement inconcevable.
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"ça surprend beaucoup les gens, mais Noyon est une ville violente. Il y a beaucoup de Noirs et d'Arabes, le Front national a fait 40 % aux dernières élections. Je vis dans une résidence à la périphérie, la porte de ma boîte aux lettres a été arrachée, je ne peux rien laisser dans la cave. j'ai souvent peur, (...)
Elle se tut et sourit à nouveau ; son visage à ce moment était plein de douceur et d'espoir. "J'aimais la vie, dit-elle encore. J'aimais la vie, j'étais d'un naturel sensible et affectueux, et j'ai toujours adoré faire l'amour. Quelque chose s'est mal passé ; je ne comprends pas tout à fait quoi, mais quelque chose s'est mal passé dans ma vie."
Bruno avait déjà plié sa tente et rangé ses affaires dans la voiture ; il passa sa dernière nuit dans la caravane. Au matin il essaya de pénétrer Christiane, mais cette fois il échoua, il se sentait ému et nerveux. "Jouis sur moi" dit-elle.
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Di Meola avait lu Platon, la Bhagavad-Gita et le Tao-te-King ; aucun de ces livres ne lui avait apporté le moindre apaisement. Il avait à peine soixante ans, et pourtant il était en train de mourir, tous les symptômes étaient là, on ne pouvait s'y tromper. Il commençait même à se désintéresser du sexe, et ce fut en quelque sorte distraitement qu'il prit note de la beauté d'Annabelle.
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Mais depuis des siècles, les hommes ne servaient visiblement à peu près plus à rien. Ils trompaient parfois leur ennui en faisant des parties de tennis, ce qui était un moindre mal ; mais parfois aussi ils estimaient utile de faire avancer l'histoire, c'est à dire essentiellement de provoquer des révolutions et des guerres.
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C’est toujours la même vieille foutaise
D’éternel retour, etc.
Et je mange des glaces à la fraise
A la terrasse de Zarathoustra.
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Trop malheureux et trop frustré pour s'intéresser réellement à la psychologie d'autrui, Bruno se rendait cependant compte que son demi-frère était dans une situation pire que la sienne. Souvent, ils allaient ensemble au café ; Michel portait des anoraks et des bonnets ridicules, il ne savait pas jouer au baby-foot ; c'est surtout Bruno qui parlait. Michel ne bougeait pas, il parlait de moins en moins ; il levait vers Annabelle un regard attentif et inerte. Annabelle ne renonçait pas ; pour elle, le visage de Michel ressemblait au commentaire d'un autre monde. Vers la même époque elle lut La Sonate à Kreutzer, crut un instant le comprendre au travers de ce livre. Vingt-cinq ans plus tard il apparaissait évident à Bruno qu'ils s'étaient trouvés dans une situation déséquilibrée, anormale, sans avenir ; considérant le passé, on a toujours l'impression – probablement fallacieuse – d'un certain déterminisme.
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