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3,88

sur 403 notes
Cela faisait plusieurs années que j'avais lu ce livre, que j'avais adoré.
Je viens de le relire pour la 3e fois, et il m'a encore davantage impressionné !

En 1968, les Soviétiques ayant envahi la Tchécoslovaquie, et interdit la publication de leurs ouvrages à de nombreux auteurs tchèques, Bohumil Hrabal, qui subissait lui aussi ces pressions du pouvoir idéologique, s'adonnera néanmoins à l'écriture de ses plus grands livres, parmi lesquels « Une trop bruyante solitude » (en 1976).

A savoir que les manuscrits circulaient en samizdats (écrits signés par l'auteur pour ne pas être considérés comme des publications clandestines par les autorités, mais comme simples manuscrits), et il a fallu attendre la fin des années 1980, (voire le début des années 1990) pour les voir édités à nouveau, légalement !

« Voilà trente-cinq ans que je travaille dans le vieux papier, et c'est toute ma love-story.
Voilà trente-cinq ans que je presse des livres et du vieux papier, trente-cinq ans que, lentement, je m'encrasse de lettres… ».
Ainsi commence ce livre, qui a fait connaître Bohumil Hrabal en France.

C'est un court roman, magistral, un « Majestueux cri de révolte lancé à l'assaut des sociétés totalitaires ».

B. Hrabal y déplore un monde perdu.
Il l'aborde à travers le parcours du antihéros de son roman, qu'est Hanta. Son travail consiste à pilonner toute la journée, des livres, des encyclopédies et autres imprimés, au fond de la cave glauque d'une vieille usine, où grouillent les rats !

Hanta est « submergé » au sens propre comme au sens figuré, - submergé par le nombre impressionnant de livres qu'il sauve de la destruction, et qu'il amasse chez lui (tant bien que mal),
et – submergé par la destruction de toute une culture à laquelle il reste très attaché.

« Comme on ne peut plus y ajouter un seul volume, j'ai fait faire dans ma chambre, …des étagères en forme de baldaquin, …et j'y ai empilé deux tonnes de livres trouvés pendant ces trente-cinq ans ; quand je m'endors, ces deux tonnes de bouquins pèsent sur mes songes comme un énorme cauchemar… »

Les ouvrages qu'il ressuscite du pilon, vont du Talmud à Schopenhauer en passant par Camus « parce qu'un livre renvoie toujours ailleurs hors de lui-même ».
Tout au long du récit, on voit Hanta se livrer à une étrange célébration de la destruction. C'est comme un grand rituel funéraire, mais il veut refonder la vie contre le désordre du système.

Hrabal avait fait beaucoup de petits boulots pour gagner sa vie, et lui-même avait été employé dans un dépôt de papier récupéré.
Hanta, cet antihéros, solitaire et marginal apparaît bien comme son alter ego. - Marginal, parce qu'il est fidèle aux valeurs d'un monde donné pour révolu, - marginal parce qu'il fait le métier de marginaux, en s'occupant de déchets, - ironiquement marginal, parce qu'il est chargé de détruire ce qui est infiniment précieux pour lui, mais dépourvu d'intérêt et de prix aux yeux de la société, alors que les oeuvres qu'il doit liquider sont bien celles de l'esprit humain !

Bohumil Hrabal fit le choix d'un ultime et radical plongeon. Sa vie s'est arrêtée entre le 5e étage et le RDC d'une clinique praguoise en 1997.
C'est aussi le sort qu'il attribua à son héros !

Et Bohumil Hrabal de confier : « Je ne suis venu au monde que pour écrire - Une trop bruyante solitude - »
On ne peut qu'acquiescer et reconnaître que ce roman court est un chef d'oeuvre de la littérature tchèque !

Je voulais ajouter aussi que le choix de l'oeuvre de Paul Klee en 1re de Couv., ce crieur double qui fait la grimace, me semble bien approprié pour représenter l'état mental dans lequel se trouve Hanta et la souffrance qu'il éprouve.
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Un livre très poignant sur la solitude et les bonheurs de cet homme
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« Voilà trente-cinq ans que je travaille dans le vieux papier… » C'est ainsi que commence chaque chapitre. Hanta est Sisyphe, le papier son rocher. Inlassablement, il travaille au pilon. Bouton rouge, bouton vert, la machine infernale compresse sans distinguer les oeuvres des philosophes et les emballages souillés de sang du boucher. Faut-il y voir un funeste avertissement ? Penseur ou bête de somme, il n'y a qu'une fin possible. Hanta n'est pas le bourreau des lettres et des idées. Il en est le sauveur, prélevant ici les beaux ouvrages, sauvant là les chefs d'oeuvres oubliés. Il ne peut se résoudre à leur disparition quitte à transformer sa demeure en un dédale de papier et de poussière. C'est un équarisseur éclairé qui ne peut pas faire abstraction de ce qu'il détruit, ne manquant jamais de nous livrer ses réflexions (« il restera à l'homme juste assez de phosphore pour fabriquer des boites d'allumettes et juste assez de fer pour forger le clou d'un pendu ») ou de comparer les figures de l'histoire, avec une saine irrévérence (« Jésus était toujours en proie à une suave extase et Lao-Tseu, plongé dans une mélancolie profonde »). C'est un livre qui se lit vite mais se réfléchit au long cours, parce que l histoire de ce taulier amoureux d'une tzigane cache beaucoup de thèmes importants : l'absurdité du système socialiste, la critique du modernisme, le devoir de mémoire et l'holocauste, entre massacre des souris (inspiration d'Art Spiegelman ?) et suppression cathartique de tous les ouvrages (réponse à l'autodafé) contemporains de l'occupation nazie.
Bilan : 🌹🌹
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Le Livre du Mois de Mai 2020
Littérature Tchèque
Diffusé à Prague en 1976 sous forme de "samizdat" (publication clandestine).
Hanta, ouvrier dans une une usine de vieux papiers destinés au recyclage s'instruit par la lecture des ouvrages interdits avant pilon.
Fable sensible et émouvante.
Porté à l'écran par Vera Caïs avec Philippe Noiret.
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Bohumil Hrabal, auteur tchèque, écrit ce court roman en 1975 en pleine dictature communiste et après l'espoir du Printemps de Prague. le personnage principal, Hanta, n'est pas un héros. Il est un simple fonctionnaire, exécutant les ordres. Il broie des livres chaque jour mais chez lui, on découvre entassés, des quantités de bouquins condamnés qu'il a sauvés et qui forment des colonnes de livres menaçant de s'effondrer sur lui. Il absorbe ces livres, ces tonnes d'encre comme de la bière, se créant une culture personnelle.

Comme d'autres auteurs d'Europe de l'Est, l'humour noir de Hrabal, qui constelle sa fable d'anecdotes comiques contraste avec les citations des grands auteurs. L'énorme rire salvateur est là pour dire l'absurdité de l'existence mais aussi la résistance face à la machine implacable.

Un classique à redécouvrir !

Lien : https://www.lemonde.fr/cinem..
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Le chef d'oeuvre de Hrabal : un cauchemar éveillé entre délire alcoolique et chant d'amour à l'art. Drôle, dérangeant, caustique, tout à la fois...
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Livre qui m'a fait penser à certains tableaux de Chagall, livre onirique parfois, et aussi très ancré dans la réalité de l'oppression.
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J'ai d'abord été séduit par la petite taille du livre dont les commentaires élogieux sont inversement proportionnels à celle-ci.

Ce récit fonctionne comme un rêve et m'a évoqué la syllogomanie avec le risque de se faire ensevelir par une pile de livres et d'être écrasé comme un moustique. Par certains aspects aussi, l'histoire des boites à livres qui sauvent certains romans du pilon m'a « parlé ».

Mais vous n'aurez pas mes 5* car j'ai besoin d'une progression, d'un rythme pour ne pas décrocher, ce que j'ai fait plusieurs fois dans cette histoire pourtant courte.

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Travailleur de l'ombre, Hanta, obscure et anonyme ouvrier, pilonne livres, vieux papiers et oeuvres d'art dans une cave humide infestée de souris. Il accumule aussi dans son appartement les ouvrages condamnés, sauvant du pilon des trésors de la culture mondiale et se mettant, du coup, en constant danger de mort par ensevelissement. Grand buveur de bière, Hanta se fait également avaleur de grands textes. Un jour, dépassé par la modernisation du monde du travail, Hanta décide de suivre le chemin des livres et de disparaître.

L'écriture de ce roman a ce côté étrange propre aux écrivains de l'Europe de l'Est. Parfois assommante. Aussi harassante que le sujet qu'elle traite. Parfois drôle. Énigmatique. Une longue fable qui pose bien des questions sur des sujets tels que le pouvoir, le travail, l'utilité des choses, leur futilité, la vie, la mort ...

"... je sais qu'ils devaient être encore plus beaux, les temps où toute pensée n'était inscrite que dans la mémoire des hommes."
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Hanta est un ouvrier qui travaille dans une presse depuis 35 ans : en appuyant inlassablement sur le bouton vert puis sur le bouton rouge, il fabrique des boules de papier avec des chefs-d'oeuvre de la littérature destinés au pilon par ordre de ce régime soviétique qui tente de tuer toute velléité de réflexion dans l'oeuf. Mais cet ouvrier qui trime, qui rattrape le temps qu'il a perdu sur ses jours de congé est l'être le plus libre que l'on puisse concevoir. Car il ralentit volontairement son rendement pour dissimuler des livres dans ses boules de papier, créant des oeuvres d'art camouflées au nez et à la barbe des autorités.
Pour que l'on comprenne bien en quoi consiste tout le sordide de son activité, l'auteur tchèque Hrabal ne nous épargne rien, ni ses histoires d'amour aux fins tragiquement scatologiques ni ses combats valeureux contre les rats d'égout qui envahissent sa cave, ni les livres qui menacent d'engloutir notre héros pendant son sommeil tant il entasse chez lui partout où il peut chaque jour un peu plus de livres philosophiques : ainsi, "cette brute de Hegel" côtoie volontiers Kant dans sa cave tandis que Schopenhauer, ce génie suicidaire, ne se plaint pas de la compagnie écrasante de Nietzsche...
Ce court texte, traduit en 1983, nous dresse le portrait kafkaïen d'un homme qui entend vivre par les livres, pour qui le salut passe par le sauvetage de tonnes de papier arrachées à la vigilance des bourreaux, et qui souhaite mourir par eux, pourvu que leurs mots continuent de vivre en lui... Magnifique hommage à la littérature, et la création artistique et à la liberté de penser.
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