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3,87

sur 394 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Voilà une lecture qui aura été source de bien des questions, bien dérangeante parce qu'elle m'a obligée à sortir de mes conforts habituels, finalement, avec mes goûts pour certains sujets, mes habitudes de narration, peut-être même le choix d'un style d'écriture.


Dans ce récit, tous les chapitres débutent presque toujours par les mêmes mots - une allusion aux trente-cinq années qu'a passées Hanta dan sa cave à détruire les livres, créant une sorte de leitmotiv et par là évoquant une chose immuable, qui ne pourra s'arrêter qu'avec l'absence d'Hanta de ce lieu oublié comme par exemple s'il part en retraite. Ce dernier nous raconte son quotidien, dans un premier temps : le travail qui est le sien - pilonner des livres à longueur de journée, être "presseur" de livres, tâche qu'il effectue néanmoins dans le respect des pages qu'il détruit en faisant des "paquets" esthétiques garnis de reproductions de tableaux célèbres et au coeur desquels il prend soin de placer une oeuvre qu'il juge magistrale ou pleine de beauté, comme un noyau pour allier culture et couleurs, quoiqu'il en soit. Une façon de rendre hommage à ces pages qui lui donnent tant puisqu'il les apprend par coeur, se les récite, s'en créant tout un environnement à moins que finalement ce ne soit réellement sa vie. Une vie par l'intermédiaire de ce qu'il lit et médite au jour le jour dans sa cave.
Pourtant, tout n'a pas toujours été ainsi et les souvenirs viennent souvent lui parler, faisant réapparaître des amis chers ou des situations alambiquées.

Hanta n'est pas particulièrement attachant au début de ce roman : il est quelque peu négligé, il a un humour grinçant quand ce n'est pas carrément une certaine trivialité dans le ton de ce qu'il raconte...
Il vit dans une maison qui est le lieu où il entrepose les ouvrages qu'il a sauvés de la destruction, qu'il empile, le faisant dormir sous un échafaudage qui est instable, à l'image de sa vie qui ne l'est pas moins.
C'est aussi une histoire de solitude, subie mais surtout cultivée, Hanta vole les phrases des livres qu'il détruit, s'en délecte, s'en construit et il n'est pus livré seulement à lui-même.
Ses seuls "amis" sont les personnages de son passé dont il nous narre la destinée, le phrases se suivent se répètent, comme un ressac, comme la pensée qui va et vient, à l'image du mouvement de la presse, à l'image des idées qui apparaissent dans les vapeurs d'alcool ou les personnages évadés des textes qu'il déchire.

Le jour où il découvre une autre façon de travailler en observant les brigades de jeunes qui, un oeil tourné vers une occidentalisation de leur mode de vie, pilonne sans vergogne et sans curiosité ses chers livres, il sait que ses jours sont comptés et que l'espoir est vain.



J'ai poursuivi ma lecture, même si parfois, je l'avoue, certains passages m'ont perturbée, mais à d'autres moment, il y en a de très beaux sur les Tsiganes, leur culture, leur regard sur ce qui les entoure...
J'ai vu que bon nombre de lecteurs disaient avoir relu plusieurs fois ce texte et en lisant la dernière phrase, j'ai compris le pourquoi, car le regard change sur Hanta et de là sur tout ce qu'on a lu auparavant. La seconde lecture ne manquera pas de permettre une autre analyse des idées et du texte.
Je ne sais dire si ce livre est un chef-d'oeuvre ou non, je n'ai pas les clefs pour le juger c'est avant tout pour moi, un texte qui demande qu'on oublie sa façon de lire habituelle.
Je ne sais pas non plus s'il se veut la critique d'une certaine politique, peut-être à mes yeux davantage la dénonciation d'une perte culturelle qui uniformise les êtres par la pensée unique.

Tout au long de la lecture, je n'ai pu m'empêcher de penser à Vélibor Colic et à son arrivée sur le sol français quand il dit avoir eu l'impression d'avoir dans la poche, sa vie d'avant, son identité, son âme presque, compactées, pour les oublier un peu d'une certaine façon. Lui qui, lors du premier emploi qu'il occupe dans une bibliothèque sauve du pilon les oeuvres de Kafka en les indiquant comme sorties pour une consultation, alors qu'elles restaient désespérément sur les étagères et n'étaient pas empruntées.



Je remercie l'ami babéliote qui m'a guidée jusqu'à ce livre : pari réussi puisque j'ai très envie de lire un autre récit du même auteur, parce que ma curiosité a été piquée...
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« C'était des chargements entiers de livres qu'on détruisait ici ; apaisé maintenant, je voyais, derrière les parois vitrées, ces camions décharger de pleines cargaisons de livres encore vierges, qui s'en allaient directement à la poubelle sans qu'une seule de leurs pages ait pu souiller les yeux, le coeur ou le cerveau d'un homme. »

Hanta est un homme plus tout jeune qui passe ses journées de travail dans une cave. Il détruit des livres à l'aide d'une presse mécanique un peu poussive. Il est en fait des ballots qui partent au recyclage. Mais c'est un artiste dans son genre car il prend soin de cacher tout au milieu de chaque paquet un classique de la littérature ou de la philosophie ; il soigne aussi l'extérieur grâce à des reproductions de grands peintres. Il arrose copieusement ses journées de litres de bière, qu'il sort acheter dans un café proche. Il prend parfois le temps de lire et de savourer un extrait d'une trouvaille particulièrement belle. Autant dire qu'il n'est pas dans les bonnes grâces de son patron, qui le rabroue souvent.

Hanta sauve de sa presse certains des livres qu'il voit passer. Il les entrepose alors chez lui pour les lire, au risque de se retrouver enseveli sous eux…

Sa retraite approche. On est à Prague dans les années 1960/1970. Il a pour projet de racheter sa presse et de finir ses jours en faisant chaque jour un seul ballot, mais un chef d'oeuvre !

C'est sans compter sur les temps nouveaux : l'ordre du jour est à la rentabilité sans états d'âme, comme la décrit ma citation ci-dessus…

Ce court roman, imaginatif et d'une très grande liberté de ton, est une merveille dans son genre unique. Mais il n'est pas pour autant « mignon » ! Les ordures, les égouts, les rats et souris (écrasés ou pas), le sang, les excréments, les mouches s'y trouvent souvent au premier plan. Autant dire la vie dans tous ses états.
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Une trop bruyante solitude est un texte d'un des plus grand écrivain tchèque avec Milan Kundera. à savoir Bohumil Hraba.

Travailleur de l'ombre, Hanta, obscure et anonyme ouvrier, pilonne des livres. Au fond de la cave atelier d'un pays d'Europe centrale, les livres deviennent ses amis, ses confidents, sa richesse et son ailleurs.


Hanta nous conte sa vie, ses rares sorties dans le vrai monde n'ont été guère concluantes alors Hanta découvre qu'en devenant un homme livre on peut devenir un homme libre.

Ce texte du dramaturge Tchèque Bohumil Hrabal, c'est une poésie brute qui éclate et éclabousse les spectateurs.

Philosophique, poétique et politique, un écrit certes minimal, mais parfait pour raconter une vie, notre vie.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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« Voilà trente-cinq ans que je travaille dans le vieux papier… » C'est ainsi que commence chaque chapitre. Hanta est Sisyphe, le papier son rocher. Inlassablement, il travaille au pilon. Bouton rouge, bouton vert, la machine infernale compresse sans distinguer les oeuvres des philosophes et les emballages souillés de sang du boucher. Faut-il y voir un funeste avertissement ? Penseur ou bête de somme, il n'y a qu'une fin possible. Hanta n'est pas le bourreau des lettres et des idées. Il en est le sauveur, prélevant ici les beaux ouvrages, sauvant là les chefs d'oeuvres oubliés. Il ne peut se résoudre à leur disparition quitte à transformer sa demeure en un dédale de papier et de poussière. C'est un équarisseur éclairé qui ne peut pas faire abstraction de ce qu'il détruit, ne manquant jamais de nous livrer ses réflexions (« il restera à l'homme juste assez de phosphore pour fabriquer des boites d'allumettes et juste assez de fer pour forger le clou d'un pendu ») ou de comparer les figures de l'histoire, avec une saine irrévérence (« Jésus était toujours en proie à une suave extase et Lao-Tseu, plongé dans une mélancolie profonde »). C'est un livre qui se lit vite mais se réfléchit au long cours, parce que l histoire de ce taulier amoureux d'une tzigane cache beaucoup de thèmes importants : l'absurdité du système socialiste, la critique du modernisme, le devoir de mémoire et l'holocauste, entre massacre des souris (inspiration d'Art Spiegelman ?) et suppression cathartique de tous les ouvrages (réponse à l'autodafé) contemporains de l'occupation nazie.
Bilan : 🌹🌹
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Hanta travaille depuis 35 ans dans un sous-sol a compacter les vieux papiers et les livres proscrits par le régime politique. Sous sa presse hydraulique il écrase la culture. Hormis la compagnie de quelques souris, il est le plus souvent seul dans sa cave. Il maitrise l'art de la destruction et la joie de la dévastation mais il est devenu un broyeur raffiné et cultivé. Il sauve des textes de la mâchoire de la machine. Son petit appartement est rempli jusqu'aux combles de tonnes d'ouvrages qu'il a protégé de la réduction en pâte à papier, au point que les étagères qu'il a construites au-dessus de son lit risquent à tout moment de lâcher et de l'enterrer.

Le monde de Hantá est une Prague communiste en ruine. Hrabal combine des descriptions lyriques des plaisirs et de la nécessité de la lecture, avec des passages surréalistes dans lesquels Hantá interagit avec les personnages des livres.  C'est une oeuvre au style fou, à la syntaxe parfaite.
Hrabal transcende la simple mise en accusation d'un régime en puisant dans les joies universelles et transcendantes des livres et de l'art. Quand la lecture et l'engagement intellectuel ne sont plus valorisés, l'auteur pointe du doigt les dangers de déshumanisation.
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Que dire, que dire… le quatrième de couverture vante le chef-d'oeuvre d'un des plus grands écrivains tchèques. Certes pas. Je me suis ennuyée à la répétition des noms de Hegel, Schiller et Nietzsche. Une oeuvre majeure de la littérature tchèque ? Peut-être. En fait, il faut dépasser les deux-tiers de ce court livre. La page sur la disparition de l'amie tsigane du narrateur et celle qui suit sur Hitler valent leur pesant de cacahuètes. La fin que l'on pressent depuis le début aussi. En fait, si je dois me résumer, le dernier tiers rachète le début. Mais un chef-d'oeuvre ? Certes pas.
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Quand la poésie rencontre l'absurde quête d'un ouvrier chargé de la destruction de livres, quête visant à sauver des livres dignes d'intérêt, perdus parmi les immondices…

Auteur tchèque à découvrir, surtout si on aime le grand Franz.

Une très belle surprise que je vous conseille.
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Hanta travaille depuis trente-cinq ans à écraser, détruire des livres dans sa presse mécanique. Après quelques regrets, il finit par y prendre goût et élever son travail au rang d'art tant il prend soins à tout compacter en petits paquets. Malgré cela, toutes ces victimes littéraires lui pèsent ; il en sauve quelques unes en les ramenant chez lui, et d'autres en s'imprégnant de leur contenu.

L'ambiance kafkaesque, et l'incertitude de ce qui est réel ou pas, laissent beaucoup de questions quant à la manière d'interpréter ce texte. L'opposition entre la presse artisanale de Hanta et la presse industrielle peut signifier que la conscience du travailleur se perd pour devenir le maillon d'une chaine, que la conscience artistique disparait, ou bien cela peut exprimer le simple sentiment d'être dépassé par ces temps qui changent. Après tout, les plongées dans les souvenirs pénibles de jeunesse, puis les retours au pénible présent, nous font ressentir cette vieillesse du personnage, éreinté par le poids des années passées à se dédier corps et âme à son travail, solitaire. Hanta, écrasé par l'Histoire, par ses échecs sentimentaux, et par son travail, finit écrasé au sens propre. La presse semble entre une allégorie de l'Histoire, et les souris les victimes habituelles, les gens qui ne demandent rien, qui veulent simplement vivre, comme la Tzigane que Hanta n'a jamais revu.
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je croyais que ce mince livre de 120p meublerait agréablement 3h de transports en commun, il en fut autrement. Mince, peut être mais très dense, très riche en allusions, en réflexions philosophiques de Lao-Tseu à Nietzsche, en passant par Hegel ou Schopenhauer, comme en sous-entendus politiques qu'on aime chercher et décoder.
Roman sentimental aussi, amours passées, inachevées...

Hymne aux livres, paradoxal, puisqu'il s'agit de destruction. Hanta le héros, travaille dans une presse, au pilon, pour le recyclage du papier. Tout papier, aussi bien les beaux exemplaires reliés venant d'une bibliothèque sacrifiée que du papier de boucherie abritant des essaims de mouche. Livres d'art, aussi. Hanta sauve certains livres, il ne les sacrifiera qu'après les avoir lus, les avoir soigneusement empaqueté. L'ouvrier est donc d'une grande culture.

Lecture lente, donc pour décoder les sens cachés. Sens cachés en absurdie quand interviennent les guerres des rats ou les villes de souris. Je pense alors à Kafka.

Amour du travail bien fait, amour de l'ouvrier pour sa machine la presse quand se construit une monstrueuse usine de recyclage de papier où les ouvriers "jeunes gens nouveaux" d'un idéal socialiste travaillent machinalement avec des gants, ne touchent plus aux livres qui sont recyclés industriellement, boivent du lait et rêvent aux vacances au soleil du comité d'entreprise. Irruption d'un monde nouveau!
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Suite à ma lecture de Jonas Fink tome 2 : le libraire de Prague, il m'a été suggéré de relire "Une trop bruyante solitude" de Bohumil Hraba, un livre lu il y a une petite quarantaine d'années. J'avoue que mes souvenirs étaient plutôt très flous.
Cette lecture est une vraie redécouverte.

Prague, les sous sols de Prague où dans les égouts, deux clans se repoussent en une guerre absurde, des mots qui claquent, qui font très mal et qui sont toutefois écrits "des anges déchus travaillent dans les caves, des hommes cultivés, vaincus dans une bataille qu'ils ne menèrent jamais, mais qui, malgré tout, ne cessent de perfectionner la description du monde".

Prague, les sous sols de Prague où des tombereaux de livres juste édités sont détruits dans la machine à pilonner, des accusations implacables contre la bêtise : "ces oeuvres là, pourtant, quelqu'un avait dû les écrire, quelqu'un les corriger, les lire, les illustrer, puis les faire imprimer avant de les relier; et quelqu'un d'autre avait dû décider qu'elles n'étaient pas lisibles, les censurer, les expédier à la décharge".

Prague, les sous sols de Prague où une gigantesque machine prenait la ville dans sa gueule, une machine qui avec ses mâchoires gigantesques dévoraient les immeubles, "écrasaient, détruisaient, rejetaient devant elles tout ce qui pouvait leur barrer la route".

Mon édition datant de 1983, propose des versions différentes de la fin ... curiosité mais je crois que la fin d'une histoire n'est pas le plus important ... c'est plutôt le contenu de ce qui c'est passé qui lui, ne change pas ... et c'est certainement ce qui fait le plus de mal !
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