Arbre de l'oubli

Nancy Huston signe un roman ambitieux remarquable mélangeant les époques pour donner vie à deux familles, l'une juive et l'autre protestante, unies par leurs enfants athées, Lili Rose et Joel. Deux personnages centraux qui, comme avant leurs parents et ensuite leur enfant, sont ancrés dans leur époque dont ils ressentent et vivent à des degrés divers les changements radicaux comme les évolutions plus discrètes. Joel, qui défend la cause animale et s'indigne du racisme et du passé esclavagiste de son pays, devient un brillant anthropologue végétarien longtemps abstinent sexuel. Lili Rose qui avant son mariage a multiplié les amants d'un jour et tenté de combler ses failles avec des études sur le féminisme. Tout comme Shayna leur fille métisse, née d'une procréation pour autrui, révoltée contre la violence faite aux femmes et aux noirs, en quête de la compréhension d'elle-même et des autres, n'aura de cesse de retrouver sa mère biologique afro-américaine. Des personnages, tous autant qu'ils sont, avec leur trajectoire personnelle façonnée par les traumatismes de l'enfance et les croyances religieuses familiales, incarnant en partie l'histoire passée et présente du monde avec ses fêlures et ses grandes tragédies.

Challenge MULTI-DÉFIS 2021

Nancy Huston cette fois encore nous fait vivre la complexité des relations familiales et les souffrances qu'engendre la prise de conscience de la brutalité de l'histoire et de nos histoires intimes. Ce roman part de Shayna,une jeune femme dont nous faisons furtivement connaissance à Ouagadougou en 2016. Puis L'auteure nous projette d'une époque à une autre,d'un personnage à l'autre, d'un lieu à l'autre tissant peu à peu le lien qui unit et donne du sens à toutes ces pièces du puzzle sur trois générations. On retrouve son regard critique et sensible sur des sujets graves comme le racisme, l'exploitation,le féminisme, l'histoire des États Unis, et des sujets plus récents comme la cause animale,la notion de genre...
Comme dans tous ses romans il y a beaucoup de solitude, masquée par le devoir de paraitre,la quête d'amour et de reconnaissance,la difficulté à Être. En somme,avec N.Huston le monde est stone...ainsi qu'elle le fait dire à Joël " En général on emploie le mot humain pour signifier gentillesse, générosité, chaleur et empathie... mais c'est se flatter à peu de frais. En réalité,ce qui nous caractérise, c'est notre capacité non de manifester de l'empathie, mais de la suspendre."
Cette noirceur dans l'univers de N.Huston conduit parfois ses personnages à vouloir quitter le monde par la folie ou le suicide. L'arbre de l'oubli me semble reprendre beaucoup des thèmes chers à L'auteure et déjà abordés dans ses autres romans. Sa plume est toujours aussi bien travailler et sa réflexion toujours aussi amère voire acerbe. Je ferais cependant une critique très personnelle, celle du constat d'un intellectualisme parfois trop présent qui m'empêche de me laisser aller Totalement dans l'histoire.

Féminisme, classes sociales, genre, procréation, racisme, identité, religion, santé mentale… Ce livre aborde de multiples sujets qui sont tous d'une brûlante actualité. le personnage – Shayna – crée par Nancy Huston est en quête de réponses concernant sa naissance, sa couleur de peau et sa place dans la société, elle est tourmentée et cohabite avec de nombreux démons intérieurs. L'auteure nous embarque pour une introspection un peu particulière sous forme de questions/réponses grâce aux chapitres intercalés qui se complètent et finissent par converger.

J'ai eu l'impression que ce livre voulait aborder trop de thèmes et que, du coup, on finissait par s'y perdre et par n'en creuser aucun réellement ! Je ne sais pas comment vous l'expliquer précisément : tous ces thèmes abordés ont provoqué chez moi une sorte d'étouffement, en même temps qu'ils m'égaraient… C'était trop pour moi !

Autre point assez négatif pour moi, c'est la présence de nombreux personnages, qui sont juste esquissés, et dont on ne sait finalement quasiment rien. Certes, l'histoire est centrée sur Shayna mais j'aurais bien aimé, par exemple, en savoir plus sur Lili-Rose – sa mère – qui a l'air d'être un personnage abîmé par la vie. Mais je reste sur ma faim, on n'a pas assez de matière pour la découvrir ! Dommage !

Le constat est sans appel. J'ai lu ce livre sans le lire, j'étais là sans y être. Pas le bon moment, pas le bon public. Ce roman est plein de qualités c'est indéniable, il aborde des sujets complexes et tabous, il est écrit de façon très poétique et les mots sont puissants et donnent naissance à une ambiance remplie de colère et de haine. Mais pour moi, la magie n'a pas opéré.
Lien : https://ogrimoire.com/2021/0..

”Arbre de l'oubli” de Nancy Huston. Trois générations de femmes marquées par leur passé et leurs origines, juives européennes, protestantes et africaines. Trois femmes en colère, fortes et vulnérables en quête d'identité. Un roman à plusieurs voix qui traite avec brio de féminité, de féminisme, de maternité, de racisme, qui sait être tendre et violent, léger et grave, politique, psychologique et humaniste. Un seul regret: des thèmes trop nombreux et une fin un peu rapide.

C'est un livre admirablement bien construit où l'auteure nous donne accès non seulement à la vie de Shayna, mais aussi à celle de trois générations. Ce n'est pas par allusions qu'on prend connaissance de l'histoire de chacun, mais bien en étant en contact direct avec l'enfance, l'adolescence, la vie adulte de chaque personnage qui comptera dans la vie de l'héroïne principale. Histoires dans l'histoire donc qui ont aussi le mérite de présenter différentes époques et évènements sociaux. Si la façon peut paraître un peu déroutante au début, on entre facilement dans le récit et on aime découvrir par bribes ce qui constitue l'identité propre de Shaina. Tout finit par s'emboîter comme dans un jeu de kaléidoscope où chaque couleur finit par créer un ensemble qui fait sens. Intelligence et sensibilité, c'est ce que je retiens de la plume de Nancy Huston. Lu en une seule journée...c'est presque tout dire !

Nancy Huston est une multi-militante, très investie dans des combats profondément humanistes, égalitaristes et féministes. Ce roman choral là en est la quintessence. Trois générations, trois regards, une exploration temporelle qui nous fait traverser le XXième siècle de 1945 à nos jours, une construction originale qui varie les voix, les époques, les postures narratives et les lieux, obligent le lecteur à s'immerger complètement dès les premières lignes sous peine de décrochage. Et ça fonctionne. On se laisse embarquer et on apprend à découvrir les différents acteurs de cette saga familiale jusqu'à Shayna, jeune métisse d'une lignée de "beiges" qui progressivement reconstruit son histoire pour trouver ses racines. La complexité de la construction de ce roman en interdit à mon avis le « résumé » que je ne me risquerai même pas à esquisser… Les thèmes du roman sont nombreux, le ton parfois violent, féministe, profondément humaniste et militant. On y suit les nombreux événements qui ont marqué le XXième siècle et leurs implications profondes dans l'histoire de chacun des membres de cette famille en même temps que dans celle de chacun d'entre nous.
L'histoire familiale dans laquelle Nancy Huston nous guide est complexe et aussi tortueuse que peuvent l'être des vies qui s'entrecroisent et qui parfois s'entrechoquent. Rien n'est linéaire, rien n'est simple, et N. Huston s'attache à faire comprendre combien notre histoire est la résultante de milliers d'interactions qui se jouent sur plusieurs générations, lieux, confessions et statuts sociaux… Esclavage, abus sexuels, Shoah, homosexualité, procréation pour autrui, viols, recherche d'identité sont les sujets que Nancy Huston explore avec force et conviction à travers le parcours des membres de cette famille. C'est fort, douloureux, perturbant et d'une grande actualité.

A Ouidah, avant d'embarquer sur les navires négriers, les futurs esclaves venaient faire le tour d'un arbre pour y laisser leur passé. Aujourd'hui, Shayna ressent cette rupture au sein de sa propre vie. A Ouagadougou, en mission de reforestation au Mali avec Hervé, elle rencontre l'Afrique et crie sa colère sur son journal. Des textes rageurs écrits en majuscules ponctuent le récit de ses racines. Au-delà de l'histoire de Joël et Lili Rose, Shayna cherche sa véritable mère.
Fille de Joël Rabinstein, juif new-yorkais et de Lili Rose Darrington, protestante du New Hampshire, elle sait par sa couleur de peau que son histoire vient d'ailleurs. Pourtant, ses parents ne lui ont jamais caché qu'elle était le fruit d'une procréation pour autrui. Sans pour autant lui laisser le droit de rencontrer sa mère biologique, Selma Parker, une afro-américaine de Baltimore. Dès l'adolescence, elle ressent sa différence dans le regard des autres, dans le gouffre qui la sépare de Lili Rose. Tant dans le corps que dans l'esprit.
Il faut remonter à l'enfance de Joël et de Lili Rose pour comprendre les failles de Shayna.
Joël Rabenstein est né dans le Bronx en 1940 de Pavel et Jenka, juifs venus de Tchécoslovaquie. Jenka ne se remettra jamais de l'extinction de sa famille dans les camps de Pologne. Les deux fils seront élevés dans le respect de la religion. En mère juive, Jenka chérit ses fils, surtout l'aîné, les poussant au mariage et à la procréation. Il faut compenser les pertes de tous ces enfants morts pendant la guerre. Mais Jeremy l'aîné est gay et Joël renonce à la religion, devient végétarien et ne vit que pour ses études.
Lili Rose naît dans les années 50 au New Hampshire d'un père méthodiste et d'une mère d'origine irlandaise. Fille unique habitant une maison isolée, elle souffre d'une enfance solitaire. D'un milieu aisé, elle découvre pourtant les bas-fonds de Boston avec sa cousine et plus tard se dévergonde avec Pétula, une amie de l'école catholique.
Pendant que Lili Rose se gave d'hommes et de savoirs, Joël se marie avec Natalie, une juive russe obnubilée par sa difficile carrière d'actrice. Finalement, ils ne se rencontreront qu'en 1985. Lui, divorcé est un éminent professeur d'ethnologie à Columbia, elle, est enseignante au CCNY et fait une thèse sur le suicide des artistes féminines..
Lors d'un voyage avec son père à La Havane, Shayna découvre la pauvreté et la condition des jeunes filles noires. Elle-même, jeune et « marron », au bras de son père, vieux et « beige » suscite les regards et les quolibets.
Cette prise de conscience sera renforcée avec la rencontre de Felisa, une jeune fille d'origine haïtienne qui deviendra sa meilleure amie. Cette partie d'histoire qu'elle sent en elle, elle a besoin de la reconnaître. Et de rencontrer sa vraie mère, Selma Parker.
De la colère d'une jeune femme en rupture avec ses racines, Nancy Huston construit une fresque familiale ancrée dans l'histoire du monde. On retrouve dans ce beau roman, ses thèmes de prédilection, notamment le racisme et le féminisme. Mais, elle brasse bien plus largement les couleurs de notre temps en effleurant l'homosexualité, l'inceste et la procréation pour autrui. Avec toujours ce regard critique sur l'histoire des États-Unis de la fin de la seconde guerre mondiale à nos jours en passant par les guerres, le 11 septembre, la crise des subprimes . Un pays qui a construit sa richesse sur l'esclavage, oubliant parfois que cette main d'oeuvre arrachée à l'Afrique est venue avec ses croyances et sa couleur de peau.
Lien : https://surlaroutedejostein...

L'arbre de l'oubli fut autrefois une des étapes de la longue marche pratiquée par les futurs esclaves avant de rejoindre les vaisseaux négriers qui les conduisaient en Amérique. Avant d'embarquer, les esclaves faisaient le tour de l'Arbre de l'oubli, censé recueillir et conserver leurs souvenirs jusqu'à leur retour… Cet arbre est aujourd'hui remplacé par une statue et constitue un lieu de mémoire.
Le roman est une sorte de représentation de cet arbre, dans le sens où il rend hommage à des populations martyrisées dans l'histoire, à travers une famille que l'on suit sur plusieurs générations.
Joël est né de parents juifs seuls survivants de la Shoah parmi leurs proches, ayant quitté la Tchécoslovaquie pour New York au bon moment. Après des années de célibat, il épouse Lily-Rose, dont l'enfance et ses traumatismes sont racontés également. Tous deux ont une fille grâce à une GPA, Shayna : Shayna est afro-américaine, et connait une forte crise existentielle lorsqu'elle comprend qu'elle ne peut pas être la fille de Lily-Rose…
Shayna traverse son adolescence et sa vie de jeune femme en rébellion et en colère contre sa mère adoptive qui à ses yeux représente l'Amérique blanche, ou plutôt « beige » : elle lui reproche d'avoir utilisé le corps d'une afro-américaine comme les blancs ont abusé du corps des esclaves pendant des siècles.
Construit en une alternance de points de vue, de lieux et de temporalités différentes, l'Arbre de l'oubli porte la voix de femmes aux corps blessés ; témoigne des souffrances atroces subies par des millions d'esclaves dont les corps ont été vendus et exploités sans scrupules. C'est parfois un véritable cri de colère.
Admirablement construit, l'arbre de l'oubli invite à se souvenir des horreurs commises dans le passé, et témoigne des souffrances subies par les corps des femmes et des hommes. Il évoque l'importance des racines pour comprendre qui l'on est, et fait la part belle à de très fortes personnalités féminines, impossibles à oublier.

Il est dit dans ce livre que "l'arbre de l'oubli", planté dans la ville d'Ouidah au Bénin, évoque un rituel auquel se sont livrés pendant trois siècles les futurs esclaves avant leur départ pour l'Amérique. Ils en faisaient le tour plusieurs fois pour y déposer leurs souvenirs afin que l'arbre en prenne soin jusqu'à leur retour. Mais, il est dit aussi que, las d'attendre ce retour, l'arbre a fini par disparaître lui aussi.
Il paraît utile de relater cette histoire ancienne pour comprendre, me semble t'il ce roman qui s'ouvre sur l'arrivée en Afrique de Shayna, d'origine afro-américaine, et de son ami haïtien membre d'une ONG qui projette en 2016 la plantation de plusieurs milliers d'arbrisseaux. Une belle symbolique que Nancy Houston donne à méditer.
Mais ce roman va bien au delà. En remontant l'histoire personnelle de Shayna, l'héroïne du livre, et de sa famille, l'auteure évoque des sujets très actuels, le racisme "ordinaire" aux Etats Unis, l'exploitation sexuelle de la pauvreté, la gestation pour autrui et l'inévitable quête identitaire pour l'enfant qui est né par ce procédé, la transmission des valeurs religieuses et familiales, l'amour qui peut peut-être triompher de tout. Shayna, mais aussi Lili Rose, sa mère non biologique, portent en elles tous ces questionnements.
"Arbre de l'oubli" est un très beau roman; Un bémol toutefois qui tient à la forme originale du récit avec, au fil des chapitres, ces déplacements constants de lieux et de dates, ce qui peut déstabiliser le lecteur au départ et qui nécessite une lecture suivie.

Voilà un roman qui m'a beaucoup plu. Un roman ambitieux qui lie deux familles au travers de plusieurs générations sur différentes périodes.
Chaque famille a ses croyances, ses douleurs qui les ont façonnées.
Beaucoup de sujets sont abordés, homosexualité, esclavage... On remonte dans l'histoire pour mieux comprendre la vie de Shayna.
J'ai été happée par l'écriture et cette histoire. Mon premier roman de cette auteure et sans doute pas le dernier.