AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Le meilleur des mondes (624)

On gouverne avec le cerveau et avec les fesses, jamais avec les poings.
Commenter  J’apprécie          10
Oui, tout le monde est heureux à présent, fit Lenina en écho. Ils avaient entendu ces mots, répétés cent cinquante fois toutes les nuits pendant douze ans
Commenter  J’apprécie          40
Tel est le but de tout conditionnement : faire aimer aux gens la destination sociale à laquelle ils ne peuvent échapper.
Commenter  J’apprécie          30
-Vous n'avez pas le désir d'être libre, Lenina?
-Je ne sais pas ce que vous voulez dire. Je le suis, libre. Libre de me payer du bon temps, le meilleur qui soit. "Tout le monde est heureux, à présent!".
Il se mit à rire.
-Oui, "tout le monde est heureux à présent!" Nous commençons à servir cela aux enfants de cinq ans. Mais n'éprouvez-vous pas le désir d'être libre de quelque autre manière, Lenina? D'une manière qui vous soit propre, par exemple; pas à la manière de tous les autres.
Commenter  J’apprécie          00
— Parfois, mille instruments sonnants chantonnent à mon oreille, et parfois des voix.
Le visage du Sauvage s'éclaira d'un plaisir soudain.
— Vous l'avez lu, vous aussi ? demanda-t-il. Je croyais que personne n'avait entendu parler de ce livre-là, ici en Angleterre.
— Pour ainsi dire personne. Je suis l'une des très rares exceptions. Il est interdit, n'est-ce pas. Mais comme c'est moi qui fais les lois ici, je puis également les enfreindre. Avec impunité, Mr. Marx, ajouta-t-il, se tournant vers Bernard. Alors que, je le crains bien, vous ne pouvez pas en faire autant, vous.
Bernard fut plongé dans un état de misère encore plus désespérée.
— Mais pourquoi est-il interdit ? demanda le Sauvage. Dans son émotion de se trouver en présence d'un homme qui avait lu Shakespeare, il avait momentanément oublié toute autre chose.
L'Administrateur haussa les épaules.
— Parce qu'il est vieux, voilà la raison principale. Ici, nous n'avons pas l'emploi des vieilles choses.
— Même si elles sont belles ?
— Surtout si elles sont belles. La beauté attire, et nous ne voulons pas qu'on soit attiré par les vieilles choses. Nous voulons qu'on aime les neuves.
— Mais les neuves sont si stupides, si affreuses ! Ces spectacles, où il n'y a rien que des hélicoptères volant de tous côtés, et où l'on sent les gens qui s'embrassent ! — Il fit la grimace. — Des boucs et des singes ! — Ce n'est qu'en répétant les paroles d'Othello qu'il put donner cours convenablement à son mépris et à sa haine.
— Des animaux bien gentils, pas méchants, en tout cas, murmura l'Administrateur en manière de parenthèse.
— Pourquoi ne leur faites-vous pas plutôt voir Othello ?
— Je vous l'ai dit : c'est vieux. D'ailleurs, ils ne le comprendraient pas.
Oui, c'était vrai. Il se rappela comment Helmholtz avait ri de Roméo et Juliette.
— Eh bien, alors, dit-il, après un silence, quelque chose de neuf qui ressemble à Othello, et qu'ils soient en état de comprendre.
— C'est là ce que nous avons tous désiré d'écrire, dit Helmholtz, rompant un silence prolongé.
— Et c'est ce que vous n'écrirez jamais, dit l'Administrateur, parce que, si cela ressemblait réellement à Othello, personne ne serait en état de le comprendre. Et si c'était nouveau, il ne se pourrait pas que cela ressemblât à Othello.
— Pourquoi pas ?
— Oui, pourquoi pas ? répéta Helmholtz. Il oubliait, lui aussi, les réalités de la situation. Vert d'inquiétude et d'appréhension, Bernard seul s'en souvenait ; les autres ne faisaient pas attention à lui. — Pourquoi pas ?
— Parce que notre monde n'est pas le même que celui d'Othello. On ne peut pas faire de tacots sans acier, et l'on ne peut pas faire de tragédies sans instabilité sociale. Le monde est stable, à présent. Les gens sont heureux ; ils obtiennent ce qu'ils veulent, et ils ne veulent jamais ce qu'ils ne peuvent obtenir. Ils sont à l'aise ; ils sont en sécurité ; ils ne sont jamais malades ; ils n'ont pas peur de la mort ; ils sont dans une sereine ignorance de la passion et de la vieillesse ; ils ne sont encombrés de nuls pères ni mères ; ils n'ont pas d'épouses, pas d'enfants, pas d'amants, au sujet desquels ils pourraient éprouver des émotions violentes ; ils sont conditionnés de telle sorte que, pratiquement, ils ne peuvent s'empêcher de se conduire comme il le doivent. Et si par hasard quelque chose allait de travers, il y a le soma — que vous flanquez froidement par la fenêtre au nom de la liberté, monsieur le Sauvage. La liberté ! — Il se mit à rire. — Vous vous attendez à ce que les Deltas sachent ce que c'est que la liberté ! Et voilà que vous vous attendez à ce qu'ils comprennent Othello ! Mon bon ami !
Le sauvage resta un moment silencieux.
— Malgré tout, insista-t-il avec obstination, Othello, c'est bien ; Othello, c'est mieux que ces films sentants.
— Bien entendu, acquiesça l'Administrateur. Mais c'est là la rançon dont il nous faut payer la stabilité. Il faut choisir entre le bonheur et ce qu'on appelait autrefois le grand art. Nous avons sacrifié le grand art. Nous avons à la place les films sentants et l'orgue à parfums.
— Mais ils n'ont aucun sens.
— Ils ont leur sens propre ; ils représentent, pour les spectateurs, un tas de sensations agréables.
— Mais ils... ils sont contés par un idiot.
L'Administrateur se mit à rire.
— Vous n'êtes pas fort poli envers votre ami Mr. Watson. Un de nos Ingénieurs en Émotion les plus distingués...
— Mais il a raison, dit Helmholtz, avec une tristesse sombre. C'est effectivement idiot. Écrire quand il n'y a rien à dire...
— Précisément. Mais cela exige l'habileté la plus énorme. Vous fabriquez des tacots avec le minimum absolu d'acier, des œuvres d'art avec pratiquement rien d'autre que la sensation pure.
Le Sauvage hocha la tête.
— Tout cela me paraît absolument affreux.
— Bien entendu. Le bonheur effectif paraît toujours assez sordide en comparaison des larges compensations qu'on trouve à la misère. Il va de soi que la stabilité, en tant que spectacle, n'arrive pas à la cheville de l'instabilité. Et le fait d'être satisfait n'a rien du charme magique d'une bonne lutte contre le malheur, rien du pittoresque d'un combat contre la tentation, ou d'une défaite fatale sous les coups de la passion ou du doute. Le bonheur n'est jamais grandiose.
Commenter  J’apprécie          20
Au bruit de son nom, elle se retourna. Ses yeux vagues eurent une lueur de connaissance. Elle lui pressa la main, elle sourit, elle remua les lèvres ; puis tout à coup sa tête retomba en arrière. Elle était endormie. Il resta là à la regarder, à chercher, parmi la chair fatiguée, à chercher et à retrouver ce visage jeune et vif qui s'était penché sur son enfance à Malpais ; à se souvenir (et il ferma les yeux) de sa voix, de ses gestes, de tous les événements de leur vie commune. «Sur mon streptocoque ailé — Volez à Banbury T...» Comme ses chants avaient été beaux ! Et ces vers enfantins, comme ils étaient magiquement étranges et mystérieux !

A, B, C, Vitamine D.
L'huile est au foie, la morue a nagé.

Il sentit les larmes brûlantes lui sourdre derrière les paupières tandis qu'il se rappelait les paroles et la voix de Linda les répétant. Et puis, les leçons de lecture : le chat est sur le plat, le rôt est dans le pot ; et les Instructions Élémentaires à l'usage des Travailleurs Bêtas-Moins du Dépôt d'Embryons. Et les longues soirées au coin du feu, ou, en été, sur le toit de la petite maison, pendant lesquelles elle lui contait ces histoires de Là-Bas, d'en dehors de la Réserve, de Là-Bas merveilleux, merveilleux, dont il conservait encore le souvenir comme d'un paradis de bonté et de beauté, complet et intact, impollué par le contact avec la réalité de ce Londres réel, de ces hommes et de ces femmes effectivement civilisés.
Commenter  J’apprécie          00
Elle porta la main à son cou et tira d'un long geste vertical ; sa blouse blanche de marin était ouverte jusqu'au bord inférieur ; le soupçon se condensa en réalité solide, par trop solide.
— Lenina, ah ! Que faites-vous ?
Zip, zip ! Sa réponse se passa de paroles. Elle se dégagea de son pantalon à pattes d'éléphant. Sa combinaison-culotte à fermeture éclair était d'un rose pâle de coquillage. Le T d'or de l'Archi-Chantre pendait sur sa poitrine.
«Car ces mamelles qui, au travers des barreaux des fenêtres, percent les yeux des hommes...» Les paroles chantantes, grondantes, magiques, la faisaient paraître doublement dangereuse, doublement tentante. Douces, douces, mais combien perçantes ! Perçant et forant la raison, creusant un tunnel à travers la résolution. — «Les serments les plus puissants ne sont que paille pour le feu qui est dans le sang. Pratique plus d'abstinence, sinon...»
Zip ! La rondeur rose s'ouvrit comme une pomme proprement tranchée. Un frétillement des bras, le soulèvement d'abord du pied droit, ensuite du gauche : la combinaison-culotte à fermeture éclair gisait à terre sans vie, comme si elle eût été dégonflée.
Vêtue encore de ses chaussettes et de ses souliers, et coiffée de son béret blanc crânement planté de côté, elle s'avança vers lui.
— Chéri, Chéri ! Si seulement vous aviez dit cela plutôt ! — Elle tendit les bras.
Mais au lieu de dire, lui aussi : «Chérie !» et de tendre les bras à son tour, le Sauvage, terrorisé, battit en retraite, agitant les mains vers elle comme s'il essayait de chasser quelque animal importun et dangereux. Quatre pas en arrière, et il fut acculé contre le mur.
— Mon coco ! dit Lenina, et, lui posant ses mains sur les épaules, elle se serra contre lui. — Entoure-moi de tes bras, ordonna-t-elle, presse-moi, blesse-moi, caresse-moi sans cesse. — Elle avait, elle aussi, de la poésie à son service, elle connaissait des mots qui chantaient, qui exerçaient une envoûte et faisaient un battement de tambours. — Embrasse-moi... — Elle ferma les yeux, sa voix ne fut plus qu'un murmure ensommeillé. — Embrasse-moi jusqu'au coma ; presse-moi sans faiblesse, caresse-moi...
Le Sauvage l'agrippa par les poignets, arracha de ses épaules les mains de Lenina, la rejeta brutalement à bout de bras.
— Aïe, tu me fais mal, tu... oh ! — Elle se tut soudain. Prise de terreur, elle en oublia la douleur. Ouvrant les yeux, elle avait vu ce visage, non pas le visage de John, mais celui d'un étranger féroce, tordu, convulsé de quelque fureur insensée, inexplicable. Épouvantée : — Mais qu'y a-t-il donc, John ? chuchota-t-elle. — Il ne répondit pas, se contentant de la dévisager de ses yeux déments. Les mains qui tenaient les poignets de Lenina étaient tremblantes. John respirait par bouffées profondes et irrégulières. Faiblement, au point d'être un bruit à peine perceptible, mais effrayant, elle l'entendit soudain grincer des dents. — Qu'y a-t-il ? fit-elle, presque dans un hurlement.
Et comme s'il avait été réveillé par son cri, il la prit par les épaules et la secoua.
— Catin ! hurla-t-il. — Catin ! Impudente courtisane !
— Oh ! non, non..., protesta-t-elle d'une voix rendue grotesquement tremblante par les secousses qu'il lui donnait.
—Catin !
— Je vous en supplie-ie !
— Maudite catin !
— Avec un centicu... ube..., commença-t-elle.
Le Sauvage la repoussa avec une telle violence qu'elle trébucha et tomba.
— Va-t'en, vociféra-t-il, debout à côté d'elle et la dominant d'un regard menaçant, hors de ma vue, ou je te tue ! Il serra les poings.
Lenina leva le bras pour s'en couvrir le visage.
— Non, je vous en prie, John...
— Dépêche-toi... Vite !
Le bras toujours levé, et suivant d'un œil terrifié chacun des mouvements de John, elle se remit sur ses pieds accroupie et se couvrant toujours la tête, elle bondit vers la salle de bains.
Le bruit de la claque prodigieuse par laquelle son départ fut accéléré fut pareil à un coup de pistolet.
— Aïe ! et Lenina bondit en avant.
Arrivée en sécurité dans la salle de bains, où elle s'enferma à clef, elle eut le loisir de passer en revue ses blessures. Debout, le dos au miroir, elle tordit la tête en arrière. Regardant par-dessus son épaule gauche, elle voyait l'empreinte d'une main ouverte se détacher, distincte et cramoisie, sur la chair nacrée. Délicatement, elle frotta la région meurtrie.
Commenter  J’apprécie          00
— Eh bien, j'aimerais mieux être malheureux que de connaître cette espèce de bonheur faux et menteur dont vous jouissez ici !
Commenter  J’apprécie          10
«Comme ce serait amusant, musa-t-il, si l'on n'était pas obligé de songer au bonheur !»
Commenter  J’apprécie          20
Et, en effet, quatre-vingt-trois Deltas brachycéphales noirs, presque privés de nez, étaient occupés à l'emboutissage à froid. Les cinquante-six tours à mandrins et à quatre broches étaient desservis par cinquante-six Gammas aquilins de couleur gingembre. Cent sept Sénégalais Epsilons conditionnés à la chaleur travaillaient dans la fonderie. Trente-trois femmes Deltas, à tête allongée, couleur de sable, au pelvis étroit, et ayant toutes, à 20 millimètres près, une taille de 1,69 m, taillaient des vis. Dans la salle de montage, les dynamos étaient assemblées par deux équipes de nains Gammas-Plus. Les deux établis bas se faisaient face ; entre eux s'avançait lentement le transporteur à courroie avec sa charge de pièces détachées ; quarante-sept têtes blondes faisaient face à quarante-sept brunes ; quarante-sept nez épatés, à quarante-sept nez crochus ; quarante-sept mentons fuyants, à quarante-sept mentons prognathes. Les mécanismes complètement montés étaient examinés par dix-huit jeunes filles aux cheveux châtains et bouclés, vêtues de vert Gamma, emballés dans des cadres par trente-quatre hommes Deltas-Moins courts sur jambes et gauchers, et chargés sur les plates-formes et les camions en attente par soixante-trois Epsilons semi-Avortons aux yeux bleus, aux cheveux filasses et au teint plein de tâches de rousseur.
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (54962) Voir plus



    Quiz Voir plus

    QUIZ le meilleur des mondes

    Comment s'appelle le procédé utilisé pour créer les bébés ?

    bogdanov
    bokanovsky
    baklo
    baki

    13 questions
    54 lecteurs ont répondu
    Thème : Le meilleur des mondes de Aldous HuxleyCréer un quiz sur ce livre

    {* *}