Les BD sont absentes sur ce blog depuis plus d'un an, non que j'aie cessé d'en lire, et d'enthousiasmantes, mais la paresse est là. Cependant il s'agit d'une bête hors normes, 1120 pages (non numérotées, quelqu'un d'autre s'est chargé de les compter il faut croire), un gabarit dictionnaire, tiens ça tombe bien, les 26 chapitres sont nommés de A à Z...
Tout d'abord, c'est le graphisme qui attire l'oeil : personnages en ombres noires, différenciés par leur coiffure, barbe, ou couvre-chef. Les têtes sont des cercles noirs, avec parfois une bouche, et le challenge était de rendre lisibles des expressions ou des sentiments. Pari réussi : c'est fou ce que l'auteur peut faire passer, juste par une inclinaison dudit cercle noir...
Les pages ne sont pas uniformes, parfois juste une case, parfois plusieurs. Ou les mêmes. L'impression de sentir le temps qui passe, ou la réflexion d'un personnage.
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Alors l'histoire? Eh oui, il y en a une, et bien menée en plus! Milch habite à l'écart de la ville, sa femme est décédée, et il voir son fantôme. Aux alentours un couple est à la recherche d'un manuscrit de leur grand père décédé dans un crash d'avion il y a des décennies. le grand père, comme l'épouse de Milch, apparaissent en blanc, font connaissance, d'autres spectres apparaissent, la situation déborde! Entre temps Milch avait consulté, en vain, médecin et psychiatre. Tout se mêle mais on ne s'emmêle pas.
Mais surtout les dialogues sont franchement remarquables : drôles, absurdes, de véritables sketches aux chutes souvent inattendues...
Le couple qui cherche dans la cave. Lui parle en premier.
"-J'ai trouvé un truc. - Quoi comme truc? -Ben, un truc, quoi... -Montre...
-Effectivement c'est un truc. -Ben oui. Tu t'attendais à quoi? -Oh à rien de spécial. Enfin, des fois, les trucs, c'est quelque chose. Mais là, pas vraiment. Bon, je m'attaque à quoi?
-Attends, mais ce truc, c'est quelque chose, vu que c'est un truc. - Non, mais évidemment tout est quelque chose. Par contre on ne dit pas "c'est quelque chose" à propos de n'importe quel truc. Tu vois? Comme quand on dit "machin, c'est quelqu'un". Je veux dire, tout le monde est quelqu'un. Mais si on dit "machin, c'est quelqu'un", c'est que machin, c'est pas n'importe qui.
-Machin?"
Les gendarmes arrivent, et font leur rapport au maire.
"Mais comme ils ont voulu qu'on l'emmène, le nombre de passagers excédait les capacités officielles de notre véhicule.
-Et?
-Ben avec les collègues on a discuté un moment pour savoir si on devait s'autoverbaliser ou pas.
Y parait qu'y faut qu'on montre l'exemple...
-Et qu'est ce que vous avez fait finalement?
- Ben pour cette fois on a passé l'éponge."
Conclusion : une bonne lecture, roborative, drôle, poétique, originale!
L'auteur : Mathieu Baillif alias
Ibn al Rabin, né en 1975 à Genève est un auteur debande dessinée suisse. C'est un des grands représentants de la bande dessinée minimaliste francophone des années 2000. (merci wikipedia)
Il a participé à l'
OuBaPo, acronyme d'Ouvroir de Bande-dessinée Potentielle
Lien :
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