Mon avancée dans le
théâtre d'
Henrik Ibsen se poursuit. Volume II, de ses douze dernières pièces aux Éditions de l'Imprimerie Nationale, collection...le spectateur français.
Qu'à donc à apprendre le spectateur- lecteur français du 21e siècle du
théâtre des textes d'
Ibsen, auteur norvégien de la fin du 19e siècle ? Beaucoup. Beaucoup de lui même et du monde qui l'entoure. Trois pièces, donc. « Une ennemi du peuple », «
le canard sauvage », «
Rosmersholm ».
«
Un ennemi du peuple » :
Ibsen avait bien décortiqué le statut du lanceur d'alerte. de celui qui parle, celui qui décide de ne pas se taire. Au nom de tous. Dire stop, dire non. Au nom de tous, cela sous entend , au minimum au nom de la majorité.
Mais de quoi donc est faite cette majorité ? Va t elle suivre va t elle le protéger, va telle combattre à ses côtés ?
Lui, bienfaiteur de l'humanité, devient en quelques heures l'ennemi du peuple. Celui par qui le scandale arrive.
L'ennemi économique, financier, et donc politique. Évidement à la lecteur de cette pièce nous sommes frappés par la lucidité de la mise en garde que nous adresse
Ibsen.
Un médecin, employé par des thermes , payé par une municipalité, s'aperçoit que l'eau censée soigner n'est en fait qu'un poison mortel.
Il décide de parler. de dénoncer. Il a les preuves. Il a les solutions.
Mais la majorité se met en émoi. le thermes sont la richesse de la ville, son veau d'or, l'espoir de son développement. Fermer les thermes ? C'est tuer la manne financière. Alors la majorité, n'écoute pas. Elle fait le choix. Chaque parti fait le choix et l'on voit même toutes les coalitions faire preuve de compromission, de bassesse, d'alliances presque contre nature pour s'opposer au dessein de ce fou, de ce dangereux, de cet ennemi du peuple, de ce bienfaiteur. Quel est le bien commun, quel est l'intérêt général ? A qui appartient il ? Sur quelles valeurs reposent ils ? Whistleblower, klokkenluider, ... bien des anges sont ardiens de notre survie .
« Tout n'est pas perdu, parce que les êtres humains, capables de se dégrader à l'extrême, peuvent aussi se surmonter, opter de nouveau pour le bien et se régénérer, au-delà de tous les conditionnements mentaux et sociaux qu'on leur impose. Ils sont capables de se regarder eux-mêmes avec honnêteté, de révéler au grand jour leur propre dégoût, et d'initier de nouveaux chemins vers la vraie liberté » (LS 205), Laudato si', extrait, encyclique du pape François. 2015...
«
Rosmersholm »
est peut être celle des trois pièces qui m'a paru la plus étrange. Drame politique et à la fois intime. Drame d'un l'homme épris de liberté, à revers de tout ce qui semblait l'asseoir dans la certitude de ses origines, de sa foi, de ses sentiments amicaux et amoureux, . Combat. Revirement. Nous voilà sur ce chemin du Nord, pays au du bord de mer, du bord de côte.. Ce bord, cette limite qui donne le vertige, comme le parapet d'un pont. Pays où le galop des chevaux blancs annonce l'arrivée des âmes errantes. Une atmosphère étrange règne dans ce manoir. La vérité d'être soi même, de soi même, par soi même… Jusqu'où ? Quelle limite, quelle frontière faut il vaincre, quel pont doit on traverser, quelle rive ne sera t elle jamais atteinte ?
Quels sont les mains, les mots, les absences qui vous retiennent ou vous entraînent ?
La vérité peut elle être le symbole de la pureté, de la folie, de l'innocence, ou est elle l'écuyère des chevaux blancs ?...
«
Le canard Sauvage »
Vérité. Vérité encore. C'est une quête, une interrogation persistante chez
Ibsen.
Combattre l'hypocrisie, le mensonge, mais à quel prix ? Où l'homme met il son honneur ? L'amour peut il résister à l'abnégation ? C'est sous les traits, dans le regard faiblissant d'une enfant qu'
Ibsen a choisi d'inscrire ce point d'interrogation. Et c'est sous les traits d'un ami qui voulait se faire redresseur de torts, qu'
Ibsen a inscrit le mal.
Le mal a toujours bonne conscience.
Même dans les actes qui se veulent croire les plus nobles se cachent parfois la main du diable.
Tout dire, tout bouleverser, tout détruire, pour le bien que l'on dit « de l'autre », et que l'on tricote inconsciemment pour soi même.
A chacun de faire le choix de dire sa vérité, ou de la taire. Doit on à coup sur faire justice de l'autre est ce pour l'autre, est ce pour soi ?
La pièce la plus dramatique que j'ai pu lire d'
Ibsen jusqu'à maintenant.
Et qui laisse devant les yeux le goût amer de l'injustice qui vient frapper en plein coeur l'innocence.
Ce canard sauvage, qui blessé, s'accroche aux herbiers du fond et décide de ne plus jamais remonter. Mort ou Vif . Il fait le choix. Ce don, Vif : se vouloir vivre en se voulant être aimé sans blessure. Doit on reconnaître la vérité au risque de se connaître soi même et perdre les autres ?
Plaisir donc renouvelé à la lecture de ces trois nouvelles pièces. Je suis à mi chemin. Je progresse vers le Nord.
Astrid Shriqui Garain