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EAN : 9782253079583
336 pages
Le Livre de Poche (03/03/2021)
3.89/5   1631 notes
Résumé :
LES GRANDS EMBRASEMENTS NAISSENT DE PETITES ÉTINCELLES

La jeune Phoenix, 23 ans, a le goût de la provocation, des rêves bien enfouis, et une faille terrible : il y a trois ans, son père, un scientifique, s’est tué dans un accident de voiture en allant rejoindre une autre femme que sa mère.
Depuis, Phoenix le déteste. À cause de lui, elle a abandonné études et passions et enchaîne les petits boulots. Mais un jour, dans un carton qui dort à la c... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (278) Voir plus Ajouter une critique
3,89

sur 1631 notes
Cela fait trois ans que son père est mort dans un accident de voiture en Colombie où, selon les apparences, il rejoignait une maîtresse, lorsque Phoenix découvre qu'il se sentait menacé : scientifique convaincu de la dangerosité sanitaire des pesticides produits par une puissante multinationale, il n'aurait pas été le premier lanceur d'alerte à se voir imposer le silence…


Je pensais me plonger dans un thriller économique et écologique. Je me suis retrouvée dans un roman feel good, dont le sujet à la mode et le suspense relatif ne manqueront sans doute pas de séduire les adeptes du genre. Malheureusement pour moi, preuve est faite une fois de plus que je n'en fais pas partie : l'intrigue improbable et superficielle, la romance niaise à l'eau de rose, les personnages caricaturaux et sans épaisseur, le tout conjugué à un style désespérément plat, ont eu raison de mon intérêt pour le sujet traité et m'ont reléguée dans un ennui teinté d'étonnement quant à la si grande diversité des goûts littéraires ! (1/5)

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Les romans de Julien Sandrel ont cette particularité qu'ils traitent de sujets graves (du moins ceux que j'ai lus), mais sur un ton suffisammment léger pour constituer de bons intermèdes entre deux lectures plus difficiles ou plombantes. Ici on parle quand même de catastrophe écologique liée à l'utilisation d'un pesticide largement diffué par une multinationale aux moyens quasiment illimités et jouissant d'un pouvoir planétaire grâce aux intérêts économiques qu'elle brasse... Ca vous rappelle quelque chose ? Meuhhh non, l'auteur précise bien que toute ressemblance, etc.
Heureusement, il existe ce qu'on appelle les lanceurs d'alerte, et ici ce sont trois jeunes gens qui vont tenir ce rôle : Phoenix, fille d'un scientifique décédé trois ans plus tôt en Amérique du Sud, lors d'un voyage où il allait semble-t-il rejoindre une certaine Serena (sa maîtresse ? en tout cas c'est ce que la famille a pensé...). Caesar, frère de Phoenix, petit génie du hacking, et enfin, pour compléter la fine équipe, Victor, cadre à un poste stratégique dans la fameuse multinationale.
Après avoir trouvé un mystérieux message caché par son père dans un walkman, Phoenix va commencer à enquêter sur les circonstances de son décès. Et elle va bien vite tomber sur une affaire aux ramifications internationales qui la dépasse. Elle va d'abord embringuer son frère dans l'histoire, puis se débrouiller pour trouver un moyen d'entrer au siège français de l'entreprise. Je m'arrête là pour le résumé, sinon on va m'accuser de divulgâcher. Je vous rassure, la plupart de ces éléments sont très vite dévoilés, c'est la suite qui vous fera vraiment rentrer dans le coeur de l'histoire.

Une histoire qui se lit d'un trait, divisée en six grandes parties aux titres évocateurs d'une notice d'utilisation d'un produit phytosanitaire. jusqu'à la moitié du livre, c'est Phoenix qui raconte, ensuite son point de vue alterne avec celui de Victor, le cadre dont elle a fait la connaissance. J'ai d'ailleurs préféré cette alternance, le rythme est un peu moins linéaire, ce qui me convient mieux.
Au niveau de l'écriture, malgré un certain nombre de clichés et de "facilités" pour faire avancer l'intrigue, c'est toujours agréable, sans avoir besoin de trop réfléchir, exactement ce qu'il me fallait à ce moment-là.
Pourquoi seulement 3 étoiles et demi ? Parce que je pense que j'aurais oublié ce roman assez vite, et parce que malheureusement, dans la vraie vie les choses sont loin d'être aussi faciles...
Cependant je le recommande, tout comme les autres romans de l'auteur, à celles et ceux qui aiment lire sur des thèmes d'actualité sans pour autant se prendre la tête.
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Phoenix, une jeune fille de 20 ans passionnée de piano, son frère Caesar, une peu plus jeune , doué en informatique, leur grand-mère 80 ans originale et vive à souhait et Marianne, leur mère voient leur vie basculer.
Le père, Charlie, Charles Lanceney, chercheur scientifique pour la firme "Lumière", meurt dans un accident en Colombie.
Marianne informe la famille qu'il n'était pas celui qu'elle croyait. Il la trompait avec une certaine Serena qu'il allait rejoindre.
Trois ans plus tard, un peu sous l'impulsion de sa grand-mère, Phoenix fouille dans une boîte ayant appartenu à son père et trouve un message mystérieux que son frère Caesar va déchiffrer.
Ils découvrent que leur père était en danger de mort.
Il avait découvert que sa firme fabriquait un produit phytosanitaire capable de tuer des personnes .
Phoenix va mener son enquête avec Victor, un cadre de l'entreprise avec qui le courant est bien passé.
Je ne peux pas trop dévoiler l'intrigue, ce n'est déjà pas mal ainsi.
On ne peut s'empêcher de penser à la firme Monsanto et son désherbant interdit en Belgique chez les privés mais encore largement utilisé dans le monde.
J'ai aussi pensé à l'excellent film "Erin Brokovitch" où Julia Roberts défend les habitants d'une ville, buvant l'eau empoisonnée par les rejets toxiques d'une usine proche.
Tous ces grands intérêts financiers font bien des dégâts et Julien Sandrel a choisi un sujet d'actualité.
Je crains fort que la réalité ne soit bien plus cruelle que dans le roman.
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Voilà que je découvre enfin la plume de Julien Sandrel. Et oui, miieux vaut tard que jamais ;) Son premier roman, « La chambre des merveilles », a connu un énorme succès dont de nombreux lecteurs vantaient ses nombreuses qualités et son florilège d'émotions.

Comme beaucoup d'entre vous, lecteurs, nous connaissons tous le manque de temps qui nous empêche de lire tous les livres que nous souhaiterions découvrir. Donc je ne voulais pas laisser passer ma chance de - enfin - découvrir le style de Julien Sandrel. C'est dorénavant chose faite par ce troisième roman, « Les étincelles » après « La vie qui m'attendait ».

Ce livre écrit avec beaucoup de sensibilité, j'avais tout de même quelques appréhensions avant de le débuter. Pourquoi? Tout simplement à cause de la quatrième de couverture. En effet, celle-ci nous informe que le héros principal ou plutôt l'héroïne principale, devrais-je, dire est justement une fille. Quand un écrivain masculin se met dans la peau d'une fille (et ce, aussi inversement), j'appréhende toujours un peu la justesse des sentiments et la psychologie des personnages. J'ai toujours un peu peur que l'auteur tombe trop facilement dans les clichés. Heureusement, ce n'a pas été le cas.

Tout commence avec Phoenix, une jeune fille de 23 ans, tant rebelle dans l'âme que dans son apparence physique. le décès de son père lors d'un voyage en Colombie pour y rejoindre sa maîtresse l'a anéanti. Trois ans plus tard, alors que la colère ne l'a toujours pas quittée, elle abandonne ses études de pianiste pour se tourner vers la biologie et trouve un job dans le nettoyage des bureaux. Par une découverte fortuite, c'est l'ensemble de ses certitudes qui vont être bouleversées, toutes comme celles de sa famille. Je ne vous en dis pas plus de l'histoire afin de vous laisser la surprise.

L'auteur rend un très bel hommage aux lanceurs d'alerte, aux personnes aux convictions et idéaux forts qui sont prêtes à tout pour les défendre. Par une plume dotée d'une grande sensibilité, Julien Sandrel nous offre une histoire remplie d'espoirs et d'émois. Tout en lisant cette oeuvre de fiction, on ne peut s'empêcher d'y trouver des similitudes avec certains engrais (dont je ne citerai pas la marque) dont leurs toxicités ont très souvent été remises en cause.

Malgré un petit manque de surprises, la bonne dose de suspens fait que l'on dévore rapidement le récit. Ce livre solaire permettra de vous mettre du baume au coeur et de regagner un peu foi en l'humanité. Il enjolivera vos journées de lecture durant cette période assez morose.

Je remercie les éditions Calmann Lévy ainsi que Sarah Altenloh pour leur confiance.
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Sur la piste du père disparu

Après La Chambre des merveilles et La vie qui m'attendait, Julien Sandrel nous propose de suivre une narratrice de 23 ans qui s'interroge sur la disparition de son père en Colombie et fait une nouvelle démonstration de son talent à construire des intrigues addictives.

On sait le potentiel des secrets de famille à donner une matière romanesque passionnante. Julien Sandrel, dont La chambre des merveilles nous avait ravi en 2018 et qui avait confirmé l'an passé avec La vie qui m'attendait en fait une nouvelle fois une démonstration éclatante. Il faut dire qu'en trois romans il est quasiment devenu un maître de la construction d'histoires aux vertus addictives.
Il a cette fois imaginé une narratrice de 23 ans qui, aux côtés de sa mère, tente de se reconstruire trois ans après la disparition de son père. Un accident de voiture sur les routes colombiennes avait brutalement fait exploser la famille car, au-delà du décès en lui-même, tout porte à croire qu'il avait pris la route de l'Amérique latine pour y retrouver Serena, sa maîtresse. du coup, le sujet était devenu tabou dans la famille.
À l'initiative de sa grand-mère, Phoenix décide d'ouvrir le carton où les derniers souvenirs avaient été enfouis et y retrouve un walkman et, coincé entre la cassette audio et le corps de l'appareil, un bout de papier, légèrement déchiré.
Le message dit Suntem uciși în tăcere. Ajută-ne. Comme le fait la narratrice dans le roman, je l'ai recopié dans la barre de recherche de Google et j'ai obtenu cette traduction: «nous sommes tués en silence. Aidez-nous». En revanche, pour l'autre côté du papier et cette formule: (6x6)BR.IERNIPX.IPAH.2L.NOC08¤££¤15Serena11¤££¤ le moteur de recherche n'a rien pu me dire de plus que la source de cet écrit.
Bien entendu, la sagacité de Phoenix fera le reste quelques dizaines de pages plus loin… Car la jeune femme entend désormais faire toute la lumière sur cette affaire. Elle va remuer le passé, consulter des archives, retrouver des collègues de son père, se pencher sur ses recherches et, peu à peu, voir apparaître une réalité toute autre. Est-ce que le Clear, un produit destiné à l'agriculture, mais dont les effets sur la santé humaine sont désastreux, ne serait pas à l'origine de son départ plutôt qu'une escapade amoureuse? Notre Sherlock Holmes en jupons n'aura de cesse de vouloir faire toute la lumière sur ce dossier, aidé en cela par son frère César. Sans le dire à sa mère, elle prend l'avion pour la Colombie.
Je vous laisse découvrir avec elle ce qui s'est vraiment joué en 2012. J'ajouterai simplement que la trame sur laquelle le roman a été construit pourrait fort bien être réelle, les histoires de défenseurs de l'environnement et lanceurs d'alerte écrasés par le poids des multinationales qu'ils dénoncent étant malheureusement fort nombreuses.
De l'histoire familiale on passe au thriller économique, de la remise en cause d'une vérité établie à la découverte d'une version propre à secouer tous les acteurs. Une fois de plus, Julien Sandrel fait preuve d'une belle dextérité pour rassembler les pièces du puzzle et agencer un roman dans lequel les émotions vont secouer le lecteur. du grand art!


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critiques presse (1)
LeJournaldeQuebec
20 juillet 2020
Fidèle à lui-même, l’écrivain français Julien Sandrel nous offre une histoire à la fois facile à lire et pleine de rebondissements. Bref, une histoire parfaite pour les vacances !
Lire la critique sur le site : LeJournaldeQuebec
Citations et extraits (112) Voir plus Ajouter une citation
J’ouvre le clapet et découvre, coincé entre la cassette audio et le corps de l’appareil, un bout de papier, légèrement déchiré.
Je déplie ma fragile trouvaille avec délicatesse. Il y a quelque chose dessus.
Ça ressemble à une phrase, griffonnée à l’encre bleue sur un cahier d’écolier, dans une langue que je ne sais pas identifier, d’une écriture que je ne connais pas :
Suntem uciși în tăcere. Ajută-ne.
Je ne comprends rien de ce qui est écrit, mais je sens monter en moi un malaise indéfinissable. En repliant le petit morceau de mystère, je constate que le verso est, lui aussi, couvert de caractères.
Je frémis.
De ce côté-ci, l’écriture est nette, précise.
Et c’est surtout celle de mon père.
Ce que je vois apparaître n’a aucun sens. D’abord, il y a une suite de caractères, incompréhensible :
(6x6) BR.IERNIPX.IPAH.2L.NOC08MNEOA9AENDV.
Ce qui est écrit juste en dessous est en revanche parfaitement limpide. Il y a un numéro de téléphone, avec l’indicatif d’un pays étranger. Et un prénom, qui me dévore les entrailles : Serena. Le prénom de la maîtresse de mon père. p. 35-36
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Notre étage ressemble à une arène. Les salariés sont disposés en cercles concentriques, autour de ce PC monstrueux que l'on surnomme La Bête. Les seuls espaces de travail fermés - mais entièrement vitrés - sont les bureaux des directeurs : ils encadrent , tant symboliquement que physiquement, tous les autres. C'est étrange mais finalement très astucieux, cette géographie circulaire ouverte. Une idée d'Herbert : « La transparence de nos activités, jusqu'au bout » était son slogan, lorsque les cloisons des années 2000 ont été abattues. Désormais, je remplacerais bien le mot « transparence » par celui, plus approprié, de « surveillance » : chaque supérieur hiérarchique observe à loisir les membres de son équipe, et tout le monde aperçoit tout le monde, sans même le vouloir.
P 260
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INCIPIT
La lumière est tellement forte. Charlie a tellement chaud. Le paysage en devient presque flou. Ou bien est-ce la vitesse de la voiture qui brouille ses sens ?
C’est étrange, cette sensation qui l’envahit, au moment où le véhicule quitte la route. La terreur sourde se mêle à une forme de beauté. Oui, c’est cela, il y a quelque chose d’infiniment gracieux dans ce temps suspendu, ces secondes de chute.
Sept, six, cinq.
La voiture pique du nez.
Dans quelques instants, ce sera le choc. Charlie le sait.
Ses muscles se crispent.
L’ensemble de son corps se tend.
Il n’avait pas imaginé que sa vie finirait ici.
Quatre, trois.
Charlie pense à sa femme, à ses enfants, à sa mère aussi. Il voudrait leur dire qu’il les aime. Leur donner la force d’avancer sans lui.
Mon Dieu, c’est tellement injuste.
Charlie se met à pleurer. De peur. De rage. De tristesse.
Deux, un.
Charlie regarde le ciel. Sa pureté, curieusement, l’apaise.
Il prend une grande inspiration.
Puis il ferme les yeux.
La voiture heurte le sol une première fois.
Le fracas de la tôle réveille les quelques oiseaux qui sommeillaient alentour, étourdis par la chaleur de cette fin d’été.
Certains auront le temps de s’envoler.
Le souffle de l’explosion aura raison des autres.

OUVRIR AVEC PRÉCAUTION
— Tu sais, Phoenix, quand je joue ce morceau, j’entends la mer, la pluie qui tombe. Ça me fait un bien fou.
Ma grand-mère me sourit et range ses partitions dans une chemise cartonnée. C’est aussi pour ses fulgurances poétiques que j’aime venir ici.
— Si Chopin t’entendait, je suis sûre qu’il aimerait beaucoup ce que tu viens de dire. Pour la semaine prochaine, tu peux te concentrer sur la seconde partie.
— D’accord, ma chérie.
Je la connais par cœur, je sais exactement ce qu’elle s’apprête à dire.
— Et si nous allions boire un café, maintenant ?
Dans le mille.
— Le cinquième de la journée ?
— Tu me sous-estimes. Ce sera le septième.
Ma grand-mère adore le café, elle en boit des litres, et j’ai hérité ça d’elle.
Elle s’appelle Sandra, et je trouve ça hyper moderne, presque décalé pour une femme de quatre-vingts ans. Elle est un peu atypique et ne fait pas son âge. Lorsque quelqu’un lui propose sa place dans un bus, elle rétorque systématiquement : « Vous ne voulez pas dire que je suis vieille, tout de même ? »
Deux fois par semaine, je donne des cours de piano aux Gais-Lurons, une sorte de centre aéré pour dames respectables. J’ai une dizaine d’élèves, dont Sandra, qui insiste pour me régler ses cours « comme les autres, il n’y a pas de raison ». J’ai protesté, au début. J’ai laissé tomber depuis.
Bref.
Je ferme la porte de la salle de musique, nous descendons dans l’espace commun du rez-de-chaussée, et je vais nous chercher deux cafés allongés sans sucre.
En ma présence, les animatrices évitent les « Vous n’allez pas réussir à dormir, Sandra, tout ce café ça vous tuera ! » et autres « Vous devriez manger moins de bonbons, vos artères se bouchent ! ». Elles savent que je déteste ce type d’intervention, et puis elles ont sûrement un peu peur de moi depuis que j’ai rajouté deux piercings à mon arcade sourcilière gauche. Comme j’ai bien compris leur gêne, j’accentue mon côté badass quand je viens ici : je force sur le khôl, enfile un débardeur serré sur un pantalon large, et tout ça me donnerait presque des allures de Lara Croft, si seulement j’avais des seins, des flingues, et le temps de chercher des putains de trésors dans des tombes peuplées de tarés démoniaques.
Bref (oui, je dis souvent bref).
Lorsque je reviens les mains chargées de liquide brûlant, mamie est installée à sa place habituelle. Un peu à l’écart des autres, dans son fauteuil Chesterfield fétiche, un plaid blanc sur les jambes, un roman de Stephen King entre les mains.
Je l’embrasse par surprise, elle sursaute, et son visage s’éclaire.
Je lui tends sa tasse.
— Merci, ma princesse. Dis-moi, tu n’as pas école aujourd’hui ?
Mamie dit toujours « école », comme si j’étais en maternelle alors que je viens de finir ma troisième année de fac.
— Je n’avais cours que le matin. Je commence le boulot à dix-huit heures, et entre-temps… c’est piano !
Elle sait tout ça, mais quelquefois, elle oublie.
— Ça me fait plaisir que tu viennes me voir, tu sais.
— Ça me fait plaisir de venir te voir, tu sais.
Mamie esquisse un sourire, mais je vois un léger voile passer devant ses yeux. Un tremblement de la rétine. Imperceptible, sauf pour moi.
Je sais ce qu’elle pense, car je pense la même chose.
Lorsqu’elle me regarde, elle voit son fils. Et lorsque je la vois, elle me rappelle mon père. On se ressemble tellement, tous les trois. Trois générations. Ça n’est pas normal que ce soit lui qui soit mort. Ça n’est pas dans l’ordre des choses. Ça aurait dû être elle. Voilà ce qu’il y a dans cette microseconde, ce nuage dans son regard. C’était bien trop tôt pour lui, bien trop tôt pour nous tous. Et tellement soudain. Trois ans plus tard, nous n’arrivons toujours pas à en parler.
Je ne suis pas certaine de me souvenir de la voix de mon père. Je donnerais tout ce que j’ai pour entendre ce son, sa voix grave, douce et chaude à la fois. Sa voix qui me disait que j’étais faite pour la musique, qui m’encourageait, me rassurait, m’insufflait une dose de force lorsque je pensais ne plus en avoir. C’est mon père qui m’avait inscrite au conservatoire, lorsque j’avais tout juste six ans. Le piano, c’était lui, définitivement.
Il est mort en 2012, la veille de mon entrée en deuxième année de fac de musique. Depuis son décès, je ne peux plus toucher un clavier. Lorsque mes mains s’en approchent, elles se mettent à trembler. Je ne parviens pas à les contrôler, c’est irrationnel. Ici, je conseille, je guide les mains hésitantes, mais il m’est impossible de jouer.
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" Je ne peux pas éternellement faire comme si rien de mes dix-neuf premières années avec mon père n'avait jamais existé. Alors je dois tenir cette promesse. Laisser ma peine se mêler à la lumière froide de nos bonheurs passés. Lui rendre sa place dans mon cœur, dans mon présent aux pieds d'argile.
Je sais exactement quoi faire. Je vais aller fouiller à la cave, dans le carton estampillé " à oublier " .
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Il garde le silence, soulève l'ordinateur - incroyable comme c'est léger ces petites choses là - et il nous sourit comme un bêta, tout en avançant, et tout en continuant à pleurer. Je regarde Victor, mais lui aussi fait des mimiques fantaisistes.
Eh bien dis donc, on est pas rendus avec ces deux là ! César s'assit sur le canapé, entre sa mère, et moi, l'ordinateur sur ses genoux. Marianne penche sa tête vers l'écran, pousse un cri, et fond en larmes. Mais qu'est ce qu'ils ont tous, à la fin?
-Bon sang de bonsoir laissez moi voir ce que...
Je m'arrête net.
Je reconnais immédiatement ses yeux.
Une mère ça n'oublie pas les yeux de son enfant. Ils sont gravés dans la chair.
Ses yeux si beaux, si parfaits.
Je le contemple. Il m'observe en retour.
Il sourit. Et puis, il dit:
-Bonjour, maman.
Mon regard se trouble.
Moi je vois toujours ses yeux. Je ne vois qu'eux. Ses yeux qui n'ont jamais quitté mes pensées. Ses yeux clairs si sensibles, auxquels j'essayais tant bien que mal de faire porter des lunettes de soleil l'été, sur la plage des Pesquiers. Ses yeux délicats, qui m'ont toujours regardée comme si j'étais la septième merveille de l'univers. Qui me remplissait d'amour, de joie, de fierté.
J'aurais donne ma vie pour revoir ses yeux.
Ils sont là, devants moi. Irréels.
Et moi, je suis toujours vivante?
Je ne sais pas si je dois me taire ou crier. Alors je me penche vers l'écran et je répond simplement:
-Bonjour, mon fils.
(Extrait des "Les étincelles" de Julien Sandrel 2021).
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Vidéo de Julien Sandrel
Atelier Journée Professionnelle du Festival du Livre de Paris
C'est l'histoire d'une succès story. En mars 2018, les éditions Calmann-Lévy publiaient le premier roman de Julien Sandrel, "La chambre des merveilles". En quelques semaines ce livre caracolait en tête des ventes. Vendu à plusieurs centaines de millier d'exemplaires, cette histoire magnifique du combat d'une mère pour sauver son fils est traduit dans plus de vingt langues. En mars 2023, ce rôle fort est incarné par Alexandra Lamy sur le grand écran. Rencontrez les artisans de cette trajectoire merveilleuse.
Avec : Julien SANDREL, Auteur chez Calmann-Levy Philippe ROBINET, Directeur Général de Calmann-Levy Eric JEHELMANN, producteur de l'adaptation La Chambre des Merveilles chez Jérico Films Juliette SALES et Fabien SUAREZ, Scénaristes Modération : Laurent COTILLON, Directeur exécutif du Film Français
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