MADAME LYNGE. En effet, madame Bernick a aussi une demi-sœur.
MADAME RUMMEL. A eu, heureusement ! C'est fini. Celle-là était une originale... Figurez-vous qu'elle portait des cheveux coupés court et que, quand il pleuvait, elle sortait avec des bottes d'homme !
MADAME HOLT. Et quand son demi-frère, le mauvais sujet, est parti pour l'Amérique, alors que toute la ville était indignée contre lui, savez-vous ce qu'elle a fait, elle ? Elle est partie avec lui.
MADAME RUMMEL. Et le scandale qu'elle a causé avant son départ, madame Holt ?
MADAME HOLT. Ne parlez pas de cela.
MADAME LYNGE. Dieu ! Elle a aussi causé un scandale ?
MADAME RUMMEL. Oui, madame Lynge. Bernick venait de se fiancer avec Betty Tønnesen, et, juste comme il arrivait, sa fiancée au bras, chez la tante de celle-ci pour lui faire part de...
MADAME HOLT. Il faut que vous sachiez que les Tønnesen étaient orphelins.
MADAME RUMMEL. Voilà que Lona Hessel se lève et qu'elle donne au beau Karsten Bernick un soufflet tel qu'il en a vu trente-six chandelles.
MADAME LYNGE. A-t-on idée de choses pareilles ?
MADAME HOLT. C'est ainsi.
MADAME RUMMEL. C'est après cela qu'elle a bouclé ses malles et qu'elle est partie pour l'Amérique.
MADAME LYNGE. Elle avait donc des prétentions sur lui ?
MADAME RUMMEL. Vous pouvez bien penser. Elle se figurait qu'il l'épouserait dès son retour de Paris.
MADAME HOLT. Peut-on concevoir semblable audace ? Bernick, l'élégant homme du monde, le cavalier accompli, le favori de toutes les dames...
MADAME RUMMEL. Et si convenable avec cela, si moral !
MADAME LYNGE. Qu'est devenue cette demoiselle Hessel en Amérique ?
MADAME RUMMEL. Oh ! là-dessus, comme le dit si bien mon mari, flotte un voile qu'il est difficile de soulever.
MADAME LYNGE. Comment cela ?
MADAME RUMMEL. Elle a cessé tous rapports avec sa famille. Ce que toute la ville sait, pourtant, c'est qu'elle a chanté pour de l'argent dans des cafés.
MADAME HOLT. Et qu'elle a fait des conférences dans des salles publiques.
MADAME RUMMEL. Et qu'elle a publié un livre qui est tout à fait fou.
MADAME LYNGE. Pas possible !
Les Piliers de la société, Acte premier
LE DOCTEUR STOCKMANN : C'est la grande majorité de notre population qui me prive de ma liberté et veut m'empêcher de dire la vérité.
HOVSTAD : La majorité a toujours le droit pour elle.
BILLING : Et la vérité, elle l'a aussi pour elle, Dieu me damne !
LE DOCTEUR STOCKMANN : La majorité n'a jamais le droit pour elle. Jamais, vous dis-je ! C'est là un de ces mensonges sociaux contre lesquels un homme libre et capable de penser doit nécessairement s'insurger. Qui est-ce qui constitue la majorité des habitants d'un pays ? Les gens intelligents ou les imbéciles ? Nous sommes, je pense, tous d'accord pour affirmer que, si l'on considère le globe terrestre dans son ensemble, les imbéciles y forment une écrasante majorité. Mais alors, quand le diable y serait, il n'y a pas de droit au monde qui mette les gens intelligents sous la dépendance des imbéciles !
UN ENNEMI DU PEUPLE, Acte IV.
HELMER. - Il a fait des faux. Comprends-tu ce que cela veut dire ?
NORA. - N'a-t-il pas pu y être poussé par la misère ?
HELMER. - Oui, ou il a agi par légèreté, comme tant d'autres. Je ne suis pas assez cruel pour condamner un homme sans pitié sur un seul fait de ce genre.
NORA. - Non, n'est-ce pas, Torvald ?
HELMER. - Plus d'un peut se relever, moralement, à condition de confesser son crime et de subir sa peine.
NORA. - Sa peine ?...
HELMER. - Mais ce chemin, Krogstad ne l'a pas choisi. Il a cherché à se tirer d'affaire avec des expédients et de l'adresse ; c'est cela qui l'a moralement perdu.
NORA. - Tu crois que...
HELMER. - Pense seulement : un pareil être, avec la conscience de son crime, doit mentir et dissimuler sans cesse. Il est forcé de porter un masque même dans sa propre famille : oui, devant sa femme et ses enfants. Et quand on songe aux enfants, c'est épouvantable.
NORA. - Pourquoi ?
HELMER. - Parce qu'une pareille atmosphère de mensonge apporte une contagion et des principes malsains dans toute une vie de famille. Chaque fois que les enfants respirent, ils absorbent des germes du mal.
NORA, se rapprochant de lui. - Tu en es sûr ?
HELMER. - Mais oui, chère. J'ai eu souvent l'occasion de le constater comme avocat. Presque tous les gens dépravés de bonne heure ont eu des mères menteuses.
NORA. - Pourquoi justement des mères ?
HELMER.- Cela provient le plus fréquemment des mères[.]
Une maison de poupée
RØRLUND. - Qui vous a parlé de cela ?
DINA. - Personne. On ne parle pas avec moi. Pourquoi ne parle-t-on pas avec moi ? Oh ! On est aussi prudent avec moi que si je devais me brise comme verre. Ah ! que je hais ces bienveillances !
RØRLUND. - Chère Dina, je comprends très bien que vous soyez gênée ici, mais...
DINA. - Si je pouvais m'en aller ! Je saurais bien faire mon chemin dans le monde, et je ne vivrais pas avec des gens si... si...
RØRLUND. - Si ?...
DINA. - Si convenables et si moraux.
Les piliers de la société
HELMER : Tu es malade, Nora. Tu as la fièvre. Je crois presque que tu n'as plus tout ton bon sens.
NORA : Je ne me suis jamais sentie aussi lucide et aussi sûre de moi que cette nuit.
HELMER : Et c'est avec lucidité et assurance que tu quittes ton mari et tes enfants ?
NORA : Oui, tu l'as dit.
HELMER : Eh bien, je ne vois qu'une explication à cela.
NORA : Laquelle ?
HELMER : Tu ne m'aimes plus.
NORA : Non, justement.
HELMER : Nora !... Les bras m'en tombent !
NORA : Oh ! cela me fait beaucoup de peine, Torvald, parce que tu as toujours été très gentil avec moi. Mais je n'y peux rien. Je ne t'aime plus.
UNE MAISON DE POUPÉE.
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Connaissez-vous la pièce de théâtre qui illustre le mieux l'émancipation d'une femme jusque-là considérée comme une poupée, enfermée dans les contraintes de son foyer ?
« Une maison de poupée », Henrik Ibsen, c'est à lire en poche chez Folio.