Heinola est une ville de vingt mille habitants, située à une centaine de kilomètres au nord d'Helsinki, en Finlande. Comme beaucoup, elle a souffert de la crise de 2008 qui a dépecé son industrie. Depuis, au milieu des bois, on s'y emmerde ferme et on organise régulièrement les plus foireux de tous les championnats du monde, dont celui de sauna.
Une centaine de candidats enfermés sous 110°C. le dernier à sortir de la boîte a gagné.
Igor Azarof, (1,59m, 58kg) vice champion trois années consécutives, le
Poulidor de la compétition, est arrivé de sa Russie natale. Il espère battre son éternel rival, Niko Tanner (1,89m, 110kg), la star locale, accessoirement acteur de films pornographiques. Ils sont les Laurel et Hardy de la discipline ; le soldat et le performeur.
Dans cet amoncellement d'absurdité,
Joseph Incardona introduit bientôt un soupçon de dramaturgie. Igor a une fille, Alexandra, qui ne veut plus le voir depuis longtemps, mais à qui on apprend que cette fois, son père va triompher. Parce qu'il n'a plus rien à perdre. Parce qu'il va mourir…
En un peu plus d'une centaine de pages,
Joseph Incardona nous livre un roman percutant qui ne s'embarrasse pas de fioritures et court à l'essentiel. Avec son style léché, il nous dresse, sur fond d'un absurde championnat, le portrait de deux hommes, voire deux mondes, que tout oppose.
D'un côté ce « petit » Russe méthodique, taiseux, solitaire, un ancien militaire aux méthodes stakhanovistes qui ne supporte plus d'être l'éternel second. Face à lui, le « grand » viking européen dans toute sa splendeur, hédoniste, bordélique, sans autre valeur que celle du corps parfait, entouré de sa cohorte de blondes « tunées » au silicone.
Pas de cerveau, pas de migraine.
Bien sûr, sur l'estrade et sous les projecteurs il y a ce sauna chauffé à blanc et les candidats qui défilent pour y cuire, mais la vérité se joue ailleurs. Igor et Niko sont les deux maillons d'une même chaîne qui les lie et les entrave. Ces « chiens de faïence » ne sont rien l'un sans l'autre, ils sont les deux faces d'une monnaie qui se déprécie, et le « peine à jouir » n'a rien à envier au hardeur en fin de parcours.
Ce n'est bien sûr pas un hasard si le sexe est omniprésent et traverse le texte de part en part, touchant tous les personnages un à un, secondaires y compris. On pourrait s'en étonner, y voir une forme de perversion, mais comment évoquer les affres de la nature humaine sans aborder le sujet de l'exultation des corps. Plaisir… Or not plaisir…
Chaleur se lit d'une traite. C'est un trait saillant qui vous transperce. Une pépite à l'humour noir, parfois cynique, qui fait naître de l'absurdité la plus crasse une fable au doux parfum philosophique. C'est entendu : les plus belles roses poussent sur le fumier…
PS : Évidemment ce championnat du monde sauna a eu réellement lieu dans la ville d'Heinola entre 1999 et 2010, année où, suite au décès d'un des finalistes, les organisateurs décidèrent — enfin — d'arrêter le massacre.
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