L'interrogatoire lui même est un peu une pièce de théâtre. La scène est délimitée, les acteurs peu nombreux, l'intrigue est dramatique et, comme toujours, le plus mauvais acteur a un gage.
Vous. Les gens riches. Vous croyez que la vie n'est qu'un jeu et qu'on n'a jamais besoin d'assumer les conséquences.
Papa a eu le temps de faire ses adieux et de mettre ses affaires en ordre, et il a attendu pendant de longues nuits pleines de souffrances que la mort vienne le chercher. Il a réglé ses comptes avec la vie et même s'il n'était pas content d'avoir le dessous et de mourir, il savait qui était son ennemi.
Je pense parfois que sans doute je retomberais encore dans le panneau, si seulement j'en avais l'occasion. Ils sont très corrects envers moi, ici. Je n'ai ni journaux, ni radio, ni télévision, comme ça je n'ai pas les informations. Je ne reçois pas non plus de visites. Mon avocat vient me voir de temps en temps, le plus souvent pour me dire qu'il n'y a aucun espoir en vue. Je ne le connais pas bien. Il a une grande expérience, mais il reconnaît lui-même que ce procès risque de le dépasser. Il a parlé avec les femmes dont j'ai trouvé l'adresse, pensant qu'elles pourraient m'aider, mais il dit que c'est plus que douteux. Dans tout ce dont elles peuvent témoigner, très peu de choses concernent l'affaire elle-même.
J'ai demandé un stylo et quelques feuilles de papier. Le pire, dans cet endroit, c'est le calme. Il règne un silence qui m'enveloppe comme une couverture épaisse. Tout est réglé comme du papier à musique. Ils m'apportent à manger à heure fixe. Je prends une douche tous les jours. Ensuite, il y a les interrogatoires. Ils éteignent la lumière pendant la nuit. C'est là que je me sens le plus mal. Dans l'obscurité avec toutes ces pensées. Je m'en veux terriblement d'avoir permis qu'on m'utilise. J'aurais dû le prévoir.
J'aurais dû le prévoir.
Et pendant la nuit, dans l'obscurité, voilà que le désir fou, le désir fou de la revoir m'envahit. Si seulement je pouvais la revoir une fois encore. Si seulement nous pouvions être ensemble, ne serait-ce qu'une fois encore.
Malgré tout.
Toute sa vie, elle avait mené les gens par le bout du nez et elle était tellement habile qu'on ne s'en apercevait que lorsqu'on se retrouvait dans ses bras.
Je ne sais pas comment parler de ça.Dans tout ce qui m'est arrivé et ans les guêpiers où j'ai pu me fourrer, il n'y a rien de plus douloureux que le viol, et je suis absolument incapable de raconter ce qui s'est passé. C'est une douleur lancinante qui me transperce. La seule méthode que j'ai pour en venir à bout, c'est de refouler ça aussi loin que possible au tréfonds de mon âme.
Des lambeaux de cette horreur remontent parfois à la surface et me font crisper d'épouvante.
Betty.
Je n'ai jamais aussi bien connu une femme et pourtant, aucune ne m'a été autant étrangère. Elle a été pour moi comme un livre ouvert et en même temps une énigme absolument indéchiffrable.
J'ai l'impression que c'est comme ça que ça s'est passé. Peut-être que je me faisais des illusions, je n'en sais rien.
J'avais trop confiance en elle (...). Je n'ai jamais vu l'image en entier, uniquement le petit point que j'étais et en fait, je n'ai jamais su avec certitude où se trouvait mon lopin de terre sur la carte géographique de Betty. Je ne l'ai vu que lorsqu'il était trop tard. J'avais confiance en elle.
Je lui aurais confié ma vie.
J'ai horreur des hommes comme Tomas Ottoson Zaëga, qui jettent un regard condescendant sur tout ce qui les entoure et qui considèrent que personne n'est à leur niveau.