Citations sur Les formes multiples de l'expérience religieuse. Essai .. (67)
Je crois […] que, par la communion avec l’idéal, une nouvelle énergie pénètre dans le monde, et donne naissance à des phénomènes nouveaux.
Le moi subconscient est un fait généralement admis par les psychologues contemporains : il me semble qu’il peut servir de trait d’union entre la religion et la science.
L’état de conscience est un fait peut-être insignifiant, mais plein ; il appartient à la catégorie des réalités véritables, des énergies qui meuvent le monde ; il est une maille du réseau qu’elles forment entre elles. Le sentiment incommunicable qu’éprouve chaque homme au moment critique où son sort va se décider peut être taxé d’égoïsme et considéré comme dépourvu de toute valeur scientifique ; il n’en reste pas moins que par lui seul notre existence concrète achève de se réaliser ; tout être privé d’un tel sentiment ne serait qu’une demi-réalité.
L’expérience religieuse présente en outre deux caractères importants :
1- Une nouvelle saveur s’ajoutant à la vie comme une pure grâce, et qui suscite soit un enthousiasme lyrique, soit un héroïsme exalté.
2- Une sécurité, une paix intérieure qui se manifeste au dehors par les effusions de la charité.
La conscience subliminale nourrit aussi la vie spirituelle. Chez les hommes où cette vie est intense, la conscience subliminale semble avoir pris une activité qui n’est pas ordinaire : c’est là qu’ont pris naissance certaines expériences religieuses dont le retentissement a été considérable dans l’histoire de l’humanité.
En somme, on peut dire que tous les initiateurs sont sujets à de pareils phénomènes d’automatisme : ils ne seraient pas ce qu’ils sont s’ils n’avaient plus ou moins un tempérament de névropathe, c’est-à-dire de soudaines illuminations et des impulsions obsédantes.
Après comme avant notre étude du mysticisme et de la philosophie religieuse, les fruits de la vie spirituelle nous apparaissent comme le meilleur critère de sa valeur ; nous en revenons à la méthode empirique : la doctrine la plus féconde sera la plus vraie.
L’union de notre intelligence et de notre volonté avec l’intelligence et la volonté divine n’est pas le but de la religion ni son espérance, c’est son point de départ : c’est par là qu’elle naît dans l’âme. La vie religieuse commence où se termine la lutte morale. L’acte par lequel elle débute […] implique la fusion de la vine finie et d la vie éternelle. La vie religieuse est sans doute progressive ; mais son progrès n’est pas une marche vers l’infini, c’est un développement au sein de l’Infini. Elle n’est pas une vaine tentative pour acquérir un trésor Infini pièce à pièce, c’est la résolution de posséder pleinement, par un constant effort spirituel, le patrimoine infini que nous possédons déjà. Toute la vie religieuse est implicitement contenue dans son germe. Une fois qu’il y est entré, l’homme sait que le mal, l’erreur, l’imperfection ne font pas vraiment partie de sa nature : ce sont de pures excroissances qui sont déjà virtuellement anéanties et dont l’abolition graduelle est un moyen de progrès spirituel. Sans être exempte de tentations et de luttes, l’âme religieuse a déjà remporté la victoire. Dans chacune de ses pulsations se manifeste la vie de Dieu.
La raison discursive fonctionne en théologie comme elle fonctionne dans l’amour, le patriotisme, les opinions politiques, et dans toute forme d’activité où nos croyances sont prédéterminées par nos passions. La raison trouve sans doute des arguments pour défendre ces croyances, car elle doit les trouver. Elle les agrandit en les précisant ; elle leur donne de la dignité avec les mots et la cohérence logique ; elle ne saurait ni les produire, ni nous en garantir la possession.
Un état de conscience, par cela seul qu’il est mystique, ne jouit donc d’aucune autorité particulière ; mais les plus hautes manifestations du mysticisme sont orientées vers un but auquel tendent déjà les sentiments religieux des hommes les moins mystiques. Elles nous parlent de la suprématie de l’idéal ; elles nous parlent d’union avec l’infini, de sécurité, de repos. Elles nous présentent des hypothèses, dont nous pouvons ne pas tenir compte, mais que nos raisonnements ne sauraient renverser. Le supranaturalisme optimiste auquel elles nous amènent pourrait bien être après tout la formule la plus juste du sens de la vie.