Curieusement notre espèce, tout en y participant activement, est assez rétive au chaos… La nature, la vie font un gâchis énorme, se disait-il. Il y a bien une intention, mais pas de cohérence, un procédé mais pas de suivi. C’est le règne du grand n’importe quoi. L’être humain essaie de ranger, de mettre un peu d’ordre […] Evidemment, il échoue et ça le rend malheureux. Dommage qu’il ait perdu cette intelligence animale qui consiste à ne pas trop se soucier des détails et à aller de l’avant. Non, lui veut comprendre. Il n’y parvient presque jamais. C’est logique, il n’y a rien à comprendre, ou si peu.
mais Paul traînait son corps vers le bord de l’étang, il n’écoutait pas ce qui le martyrisait , il ne ressentait plus avec ses sens, il n’était plus qu’une ligne tendue vers la berge, un fil d’araignée, le plus solide qui soit, un trait tiré entre sa mort et la vie qui l’attendait, courte sans doute, douloureuse et décourageante, mais aussi intense que le regard de Céleste posé sur lui, aussi douce que sa peau, aussi enivrante que son sourire d’amoureuse.
il n’avait plus besoin de se ménager, il n’était plus dans ce temps où l’on peut préférer le non ou oui, le rien à quelque chose. Il voulait entendre ce récit, quelle que fût la morsure qu’il pourrait lui infliger. D’ailleurs qu’avait-il à craindre ? Céleste lui parlerait d’elle et donc de lui, par ricochet.
Il pensait que la vie coulait en lui, tel un torrent vif et clair, et qu'il devait en jouir intensément, que ce fût dans le plaisir ou la douleur, en jouir comme d'un cadeau inestimable.