Si on en était capable, on n'écrirait qu'en se fixant une contrainte comme le fait, une fois encore,
Christine Jeanney, oui mais il n'est pas donné à tout le monde d'y trouver appui pour fantaisie, gravité masquée ou, comme ici, profondeur. Contrainte donc, qui enchâsse l'émotion, la met à distance tout en lui donnant forme, intensité.
À partir d'un feuilleton ancien, presque mythique, assez célèbre pour que même les gens qui, comme moi, n'ont jamais eu de télévision, et n'en parlaient pas, connaissent son existence : «le Prisonnier», qui se déroule dans un monde qui baigne dans l'étrangeté, l'effacement de l'identité, le formatage sous un aspect de normalité, elle tisse le souvenir de son enfance, regardant, assise sur les genoux vêtus de velours de son père.. et le monde de cette enfance, les rapports père fille.
Notre façon d'être dans le monde aussi, en appui sur ceux qui nous précèdent, le besoin de liberté, de justice, de liens.
Elle suit le déroulement du feuilleton, découpé en chapitres, qui l'amènent à la mort du père, à la vie sans lui, et l'on passe dans le texte de la fiction à ces souvenirs, d'un temps à un autre, dans le feuilleton et dans son univers propre, avec toujours cette langue sensible et inventive.
C'est très beau.