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sur 611 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Alexis Jenni est un jeune auteur, au sens où c'est son premier roman publié. Mais ce prof de sciences-nat de 48 ans n'a rien d'un jeune premier (sans vouloir offenser les profs de SVT ou les quadra pré quinqua...)

Le roman s'articule comme un double miroir (oui, j'ai envie de faire dans la métaphore) (pardon, je ne digresserai plus, à copier 20 fois) un miroir qui renvoi les reflets de deux générations, de diverses périodes de troubles et de deux hommes au milieu de l'Histoire, telle qu'elle s'écrit.

Le narrateur est un presque marginal, invisible parmi les invisibles des laissés pour compte de notre société, plus prompte à rassurer les marchés que ses citoyens. Revenu de tout, il se tourne vers la peinture comme nouveau projet. Par hasard il tombe sur Victorien Salagnon, un vieux peintre qui vend ses toiles sur un marché. le narrateur demande à apprendre la peinture avec lui. Victorien accepte, en échange de quoi le jeune homme devra écrire l'histoire de Victorien Salagnon.

Commence ainsi un récit, en miroir. Treize chapitres qui alterneront entre la biographie du vétéran militaire Victorien Salagnon, et le commentaire actualisé des nouvelles formes de guerres.

Car le coeur de l'histoire est là. La guerre est au coeur de tout. La guerre sur les différents fronts, vécue par Salagnon est un écho ancien aux nouvelles guerres, sociales, économiques, pétrolières, qu'on vit aujourd'hui. Les émeutes des « banlieues » françaises, et les émeutes de la Casbah d' Alger, les sales guerres se répètent dans des miroirs trop répétitifs.

Les chapitres sur Victorien et ses expériences militaires, sont parfois difficiles, étouffants, moites, le réalisme d'un soldat au fond du trou est incroyablement retranscris. Rien n'est oublié ou pardonné : le pathétique de certaines situation, le sordide, le sale. On a dit réalisme. J'ai aimé ce réalisme.

Les chapitres de « réflexion », sont quand même mes favoris. le narrateur fait à voix haute l'analyse et le procès d'une société en dérive. La dérive de la nation, de l'identité et de la transmission. Il fait le procès du mythe de la Grandeur. Qu'est ce que la grandeur d'un pays ? Quels principes et quel héritage, et quelle image souhaite-t-on transmettre aux autres, à ses citoyens et au monde ? Quelle est la force de notre identité, et que recouvre-t-elle ? Ce sont autant de questions que le narrateur explore et les quelques réponses qu'il donne sont celles d'un homme désabusé certes, mais aussi plein de fierté pour ce est vraiment l'honneur et la beauté de toute nation : sa langue, sa culture.

J'ai aimé ce souffle épique qui animait les propos du narrateur, cette volonté d'explorer, de donner un avis et de s'engager. Quitte à être parfois péremptoire, voire un peu répétitif.

Un grand roman !
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Imaginez- vous dans le métro, plongé(e) dans un pavé de 630 pages sobrement intitulé « L'art français de la guerre ». Je vous assure que vos voisins ne vous regardent pas de la même façon un Gavalda à la main. Grâce au livre d'Alexis Jenni, j'avais enfin plus de chances de me faire aborder par un fringant intellectuel à barbe de trois jours que par un cinquantenaire bedonnant tout émoustillé par les lignes roses d'Anna. On en pensera ce qu'on voudra, mais s'il est bien une chose sur laquelle on peut se mettre d'accord, c'est que ce premier roman sort sacrément du lot. Enfin une bouffée d'air qui rafraîchit la moiteur de la jungle de la rentrée littéraire. La jungle, Alexis Jenni en parle, et en parle bien. Son récit évoque la Première Guerre Mondiale avant de se plonger dans la Seconde, puis se lance à travers l'Indochine et les déserts d'Algérie, prêt à atterrir doucement dans notre France d'aujourd'hui. Roman magistral qui se transforme parfois en essai, l'histoire d'avant éclaire celle de maintenant. Ce livre est un ovni ; il mélange tout, l'horreur et l'amour, la saleté et la beauté, sans aucune sorte de complexe. Car oui, leur remède à l'horreur et au découragement, ils l'ont trouvé, dans l'art et l'amour. « L'encre me protégeait ; et je peignais pour Eurydice. » Plus de détails :
Lien : http://prixvirilo.com/2011/0..
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Il est souvent reproché à la littérature française actuelle son nombrilisme, son penchant désolant vers l'égotisme, ou le culte de l'égocentrisme systématique .

Avec L'art français de la guerre d'Alexis Jenni, nous tournons résolument le dos à ce travers pour nous diriger vers des questions de fond : la place de la guerre dans l'histoire récente de la France, la place de la violence dans la société française , le rôle de l'histoire dans la conscience d'une nation. Et nous entrons dans le vif du sujet dès les premières lignes du roman .Le récit part de la rencontre d'un jeune habitant de la région lyonnaise un jour de 1991, situé aux débuts de la guerre du Golfe .Ce garçon rencontre Victorien Salagnon, ancien maquisard, engagé volontaire dans l'armée et combattant des guerres d'Indochine et d'Algérie.

L'habileté d'Alexis Jenni est d'éviter l'écueil, qui aurait consisté à élaborer un récit romanesque, un de plus, de ces guerres .Le roman oscille entre la restitution des échanges entre ce jeune homme et Victorien Salagnon, accompagné de la femme de sa vie, Eurydice, dont il a fait la connaissance en Algérie, et d'autres relations, parmi lesquelles un certain Mariani, compagnon d'armes.

Le fil conducteur du roman est le suivant : La France a, peu ou prou, conduit depuis 1945 jusqu'à 1962 la même guerre : « -Vous ne l'avez pas remarquée la guerre de vingt ans ? La guerre sans fin, mal commencée et mal finie ; une guerre bégayante qui peut-être dure encore. La guerre était perpétuelle, s'infiltrait dans tous nos actes, mais personne ne le sait .Le début est flou : vers 40 ou 42, on peut hésiter. Mais la fin est nette : 62, pas une année de plus .Et aussitôt, on a feint que rien ne se soit passé. »

Autre fil conducteur du roman :la référence à Sun-Tsu , auteur de L'art de la guerre, auquel Alexis Jenni fait référence implicitement dans le titre de son roman .Après avoir évoqué un dialogue de Sun-Tsu avec un empereur de Chine, il décrit le rôle destructeur de la ,peur dans l'accomplissement des guerres : « Nous , les gens, nous avons des jus psychiques et volatils qui agissent comme des odeurs et les partager est ce que nous aimons le plus .Quand nous sommes ensemble, ainsi unis, nous pouvons sans penser à rien d'autre courir , massacre, nous battre à un contre cent. »

On peut relever au cours du livre la présence répétée de propos acerbes à l'encontre du Général de Gaulle : « Il nous donna, parce qu'il les inventa, les raisons de vivre ensemble et d'être fiers de nous .Et nous vivons dans les ruines de qu'il construisit, dans les pages déchirées de ce roman qu'il écrivit, que nous prîmes pour une encyclopédie, que nous prîmes pour l'image claire de la réalité alors qu'il ne s'agissait que d'une invention ;une invention en laquelle il était doux de croire . »
On le voit , l'histoire de France , dans ses épisodes les plus cruels, est omniprésente .Ce qui sauve Victorien Salagnon de la barbarie et de la cruauté, c'est la peinture , art auquel il s'adonne entre deux combats , qui le distancie des événements, qui le pousse à élaborer , par ses desseins et ses peintures, des souvenirs , sources de rééquilibrage psychologique pour lui.
On trouve aussi, dans ce roman, de très éclairantes réflexions sur les liens existants entre ce passé, un peu lointain peut-être pour certains, et l'actualité sociale de la France :
« Nous avons manqué à l'humanité .Nous l'avons séparée, alors qu'elle n'a aucune raison de l'être .Nous avons crée un monde où selon la forme du visage, selon la façon de prononcer le nom, selon la manière de moduler une langue qui nous était commune, on était sujet ou citoyen. Chacun consigné à sa place, cette place s'héritait et se lisait sur les visages. »
C'est probablement un des meilleurs romans sur ce sujet : le rapport de la France à son passé colonial, à son art de la guerre.
A lire absolument.



Lien : http://bretstephan.over-blog..
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