Dans ma ville natale, il reste encore quelques séquoias géants que j'ai toujours aimé observer, à une autre échelle que ceux contre les troncs desquels
John Muir s'endormait en Californie, je ressens encore néanmoins en passant à côté de ces grands arbres, ces frémissements qu'il a éprouvés au contact de la Nature immense, celle du wilderness, dite de la Grande Sauvagerie par
Alexis Jenni.
Celui-ci développe dans ce court ouvrage, trop court car on aimerait rester au plus près de cet homme fantastique le plus longtemps possible, une très belle biographie d'un amoureux de la nature. Il approche le plus intime de
John Muir sans se précipiter sur les lieux par lui fréquentés, en s'imprégnant de ses écrits, et le résultat est à la hauteur de cette belle démarche.
Ainsi, de l'Ecosse à la Californie,
Alexis Jenni propose une découverte paisible de
John Muir, glorifiant ses voyages tranquilles, marchant lentement, ouvrant les yeux immensément devant les merveilles découvertes, retrouvant à travers la peinture l'ambiance apaisante des montagnes, rivières, torrents, cascades, partageant lors de ses rencontres son attachement aux espaces sauvages, jusqu'au Président Theodore Roosevelt qui vint brièvement le rejoindre.
Ainsi est retracée l'enfance familiale presbytérienne, l'opiniâtreté au travail du père et sa justice, la traversée vers l'Amérique et puis, tout à coup, l'éblouissement au Yosemite, la vallée glaciaire, les cascades démesurées, les ours qui surgissent inopinément, chaque journée apportant sa splendeur dans l'attente de la suivante, au sein de ce qu'il ne pourra quasiment plus quitter, la Nature.
Il est aussi question de l'Alaska et de ses espaces glaciaires que Muir prit la peine et le plaisir d'étudier avec soin, mesurant les infimes mais obstinés déplacements de ces masses , entendant les effondrements modifiant le paysage en lui conférant en quelques secondes une nouvelle immobilité pour des siècles, des millénaires peut-être.
L'ascension du mont Shasta, en Californie, est un autre grand moment de la vie de
John Muir, réalisée dans des conditions hivernales, sans rien du matériel qui équipe aujourd'hui les ascensionnistes.
Et puis un émouvant retour en Ecosse, famille au complet, pour accompagner la mort du père, revoir la côte, les ruisseaux, une autre nature qui restera à jamais proche de lui.
Enfin, une très belle touche finale sur l'impossibilité de découvrir de nouveaux lieux du monde qui n'aient été déjà foulés, mais avec l'optimisme qui doit animer chacun de nous qui peut accéder à ce qu'
Alexis Jenni appelle la petite sauvagerie, pré, herbe, forêt, haie.
Ce livre vous donnera envie de découvrir les écrits de
John Muir qui sont abondants, pas toujours traduits en français, mais lire ses propres mots, en utilisant sans doute de temps à autre le dictionnaire, doit favoriser une approche encore plus profonde de cet homme exceptionnel.