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La vieillesse , une décrépitude sans fin, rarement heureuse vu l'état physique qui décline, est abordée dans ce très beau livre de l'écrivaine portugaise Lydia Jorge, par Maria Alberta une vieille dame chanceuse qui pu garder ses facultés mentales intactes. Favorisée par un tempérament qui veux trop, donne trop d'ordres, surtout à sa fille 😊, aime trop quelque chose hors de sa portée et quand il ne l'atteint pas, cherche désespérément à transformer ce qui existe de façon à rapprocher l'objet défectueux de la réalité inatteignable, Maria Alberta valorise l'enchantement , la connaissance, saisit les instants de bonheur comme des bouées de sauvetage…
Résultat , un livre qui brille de l'éclat de la vie, au contraire de nombre de livres très sombres sur le sujet, bilans de vie qui additionnent les faits d'une existence pour en tirer un trait, et mettre fin à l'addition . Maria Alberta qui vit dans une maison de retraite appelé Hôtel Paradis est directement inspirée de la figure réelle et concrète de la mère de l'écrivaine, qui lui demande d'écrire un livre intitulé Misericórdia, en en parlant tout au long de son séjour à l'Hotel Paradis, mais surtout le dernier jour comme un ordre où elles se verront pour la dernière fois sans qu'aucune des deux ne le sache . La fille au premier abord ne prend pas cette demande de la mère au sérieux jusqu'à ce que cette dernière finalement disparaissant , elle réalise que l'ordre était son testament. À partir de ce moment-là, partant d'un monde fictif elle essayera de raconter la réalité que vivait sa mère, s'appuyant sur la « transcription d'une archive audio » de presque quarante heures de « témoignages » de Maria Alberta Nunes Amado, enregistrés pendant un an quasiment jour pour jour entre avril 2018 et avril 2019 . Jorge précise « Bien entendu, il s'agit là d'une autre réalité, comme cela se produit dans la construction de toute oeuvre de fiction. Il m'est très difficile de démêler , il existe une zone de transfusion entre le vécu et le vécu rêvé qui est difficile à dissocier. »
Misericórdia suscite également une réflexion sur le moment dans lequel nous vivons et sur la manière dont la condition humaine y réagit. En pleine conscience de ses capacités diminuées d'où découle sa situation de dépendance, où son intimité corporelle n'existe plus, Maria Alberta arrive encore à se frayer un chemin dans l'existence, s'attachant à ses pensées, ses ressentis qui lui donnent une joie de vivre attisée par son tempérament de curieuse « une belle personne a le pouvoir de tempérer la laideur du monde par la beauté. Dans un autre registre, ici déjà, à l'Hôtel Paradis, j'ai vérifié qu'une simple corbeille de fruits roses suffit à transformer un espace triste aux murs gris en une enceinte accueillante. »
Bien que très réaliste aucune note macabre dans ce récit très intime, où poésie, rêves, et zestes de fantastique comme l'invasion de la maison de retraite par les fourmis se chevauchent. Tant que la vie continue et qu'on possède encore les moyens de penser, rêver, aimer, détester….il faut en profiter. Un très beau livre émouvant où j'ai passé des moments délicieux en compagnie de Maria Alberta qui en plus d'être futée a le sens de l'humour 😊!

« Être en vie c'est me souvenir des mouvements du temps et du rythme de la floraison. »

Un grand grand merci aux Éditions Metaillé et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce très beau livre !
# Misericordia #NetGalleyFrance
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Il y a des lectures qui s'imposent à vous, des livres qui sont dans votre PAL depuis quelque temps, et un jour, il faut absolument les ouvrir. Celui-ci en fait partie. Il m'a accompagnée tout ce mois de Novembre, dans l'attente de l'anniversaire de ce jour il y a deux ans aujourd'hui, et dont l'écho résonne encore douloureusement en moi.

Misericordia est beaucoup de choses, et aborde beaucoup de sujets.

C'est l'histoire d'une vieille dame, dépendante physiquement, mais avec toute sa tête, une femme en exil dans cet hôtel Paradis, nom paradoxal pour ce qui constitue pour ses pensionnaires l'antichambre de la mort.

C'est l'histoire au jour le jour de cet établissement, avec ses différents pensionnaires, les menus ou grands évènements qui se passent, de l'invasion de fourmis à la visite d'un photographe, du départ des aides-soignantes vers des boulots mieux payés à l'arrivée de nouveaux bras, étrangers et heureux de travailler, de menus larcins, d'amour aussi entre pensionnaires, d'une soignante enceinte, d'une autre surnommée Bosch, d'une directrice peut-être trop jeune.
C'est le quotidien vu par cette vieille dame de tous ces personnages, des sorties appréciées dans le jardin, du piano que l'on écoute grâce à un des résidents, de la nuit où certains résidents errent dans les couloirs tandis que d'autres s'aiment encore…
C'est aussi l'arrivée du Covid, alors peu connu et qui fera des ravages.

Une vieille dame forte, au tempérament affirmé, qui veut encore tout régenter, qui perd parfois un peu la mémoire, qui doit faire avec la déchéance de ce corps, qui a décidé de ne plus suivre les nouvelles parce qu'elle ne croit plus que le monde puisse changer en bien, mais qui nous enchante par ses réflexions, quelquefois drôles, souvent poétiques, toujours étonnantes, suscitant en écho chez le lecteur questions et introspection, refusant de se laisser abattre malgré les larmes qui perlent parfois, malgré les défaillances du personnel, malgré la douleur, malgré la mort qui rode la nuit …

C'est tout cela ce livre, mais cela a été d'abord pour moi une formidable histoire d'amour, l'amour d'une mère pour sa fille, l'amour d'une fille pour sa mère, un amour qui ne se dément pas malgré les disputes, les reproches, les incompréhensions aussi souvent :
« Ma fille peut dire des choses bizarres, mais c'est la créature la plus importante qui existe sur Terre, l'être le plus précieux de tout L Univers. Si je devais choisir entre L Univers avec la Terre au centre, et tous les habitants existants et elle, elle seule en tant qu'être humain, je choisirais ma fille. »
Et c'est en cela qu'il m'a bouleversée.

Merci à NetGalley et aux éditions Métailié pour ce partage, et à Idil et Eric (Bookycooky et Merik) qui les premiers ont attiré mon attention sur ce roman.
#Misericordia #NetGalleyFrance
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La narratrice est une vieille dame qui réside à la maison de retraite « Hôtel Paradis », quelque part au Portugal. Un endroit au nom douteux, dont on ne sait s'il veut désigner un lieu paradisiaque pour la fin de vie, ou un purgatoire permettant d'obtenir un hypothétique éden post-mortem.
Mais soit.
Dona Alberti n'a plus l'usage de ses jambes et à peine celui de ses mains, mais il lui reste toute sa tête et son sens aigu de l'observation. Sa fille lui a offert un petit magnétophone sur lequel la vieille dame a enregistré une sorte de journal vocal, entre avril 2019 et avril 2020.
Dans Misericordia, Lídia Jorge a retranscrit, en les mettant en ordre et en forme, ces 38 heures d'enregistrement de la voix de sa mère (puisque c'est bien d'elle qu'il s'agit), qui témoigne ainsi d'une année de vie en maison de retraite. Un microcosme fait d'amours et de chamailleries entre résidents, d'amitié et de solidarité, de ragots et de mesquineries. Dona Alberti évoque aussi l'attitude du personnel soignant, attentif mais dépassé en raison d'un manque chronique d'effectifs, sa relation avec sa fille, cette écrivaine qu'elle ne comprend pas, sa résistance à la Mort et à son avatar, la Nuit, à laquelle elle livre des combats acharnés, et l'arrivée du Covid et du confinement au début de l'année 2020.
Dépossédée de sa vie d'avant dans sa maison et son jardin, et de son corps qui l'abandonne, Dona Alberti est également confrontée aux étourderies du personnel soignant qui ne répond pas aux appels pendant la nuit, ou qui l'oublie pendant des heures dans son fauteuil roulant au bout d'un couloir désert, sans compter la débandade de certains au début du Covid et le manque d'information à propos de la situation et des mesures de confinement. Il y aurait de quoi se révolter, parce que même si on peut comprendre que le personnel soit débordé, ces situations où les résidents sont infantilisés, déshumanisés, sont intolérables, et n'en constituent pas moins de la maltraitance et des atteintes à la dignité et l'intégrité humaines (ce qui a le don de me mettre en rage, mais c'est une autre histoire).
Mais il n'y a aucune amertume à cet égard dans le récit de Dona Alberti. Elle s'exprime avec lucidité, humour et ironie, avec de la joie et quelques larmes, mais sans « nourrir la mélancolie ». Elle ne se résigne pas, elle veut vivre, se battre contre la mort et l'oubli, et de fait, Lídia Jorge en fait un personnage inoubliable.
Misericordia est un livre fort, un très beau plaidoyer pour la résistance, l'espoir et la vie, et un superbe hommage, sensible et bouleversant, de Lídia Jorge à sa mère. Un grand livre.

En partenariat avec les Editions Métailié.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Crrrrouiiicccc, cccrrrouuuiiicccc, la chaise roulante avance dans le couloir.
Dona Maria Alberta Amado dite Alberti, Hôtel Paradis, chambre 210, secteur B, se redresse, la tête haute lorsqu'elle avance dans la grande salle à manger. Ses amis sont déjà installés à table et lui adressent un signe de tête à son approche.
Maria est soucieuse, son dialogue la veille au soir avec la nuit ne s'est pas bien passé, elle s'est retrouvée incapable de répondre à sa question, de quel pays Bakou est-elle la capitale ?
Sa main sur le buzzer est restée inerte, et même si Julien Lepers n'était pas là pour la tancer, Maria Alberta vit comme un signe terrible de décrépitude son incapacité à répondre, elle qui a tant voyagé grâce à son atlas.
Ce personnage de Dona Alberti s'avère touchant dans ses batailles silencieuses contre la mort, contre l'oubli, contre son impression de devenir de plus en plus transparente aux yeux des autres, elle lutte pour ne pas s'effacer, quand ils rentrent dans la chambre de l'EHPAD sans lui adresser la parole, sans la regarder, sans lui répondre quand elle leur pose une question ou leur fait une demande.
J'ai trouvé un juste équilibre dans les petits bonheurs auxquels Maria se raccroche de toutes ses forces de ses mains maintenant ridées, tachées et abimées, et les frustrations et les colères du quotidien ; ne pas être entendue, perdre toute intimité, tant pour la toilette que pour ses affaires dans lesquelles tout le monde fouille allégrement, prend ce qui lui plait vêtements comme argent… Et puis bien sûr l'omniprésence de la mort, qui fait sa ronde de nuit comme de jour dans les couloirs, guettant le moindre faux pas, en embuscade parfois aussi pour les plus valeureux et les plus appréciés des résidents.
Malgré ses nombreuses qualités et un sujet qui avait tout pour me plaire, j'ai un peu trainé dans ma lecture. J'espérais un coup de coeur qui n'a pas été au rendez-vous.
Je n'ai pas trouvé la plume fluide, certaines pensées revenaient parfois avec un peu trop d'insistance, même s'il est sûr que le quotidien d'une personne en EPHAD est celui d'un jour sans fin, monotone et répétitif, avec bien peu de faits saillants, permettant de se repérer dans le temps.
Les incompréhensions mère-fille sont touchantes, si sa fille vient lui rendre visite avec les meilleures intentions, souvent la conversation dérape et les critiques de Maria Alberta se font acerbes à l'encontre de sa progéniture pas assez ambitieuse à ses yeux.
Bon alors, vous avez toujours la main sur le buzzer ? Julien est en train de faire le décompte, là, plus que quelques secondes ! Ça y est vous l'avez ou vous avez déjà triché en allant pianoter sur le portable ? sinon, il ne vous reste plus qu'à lire le livre ou à ouvrir votre plus bel atlas dans la bibliothèque…
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Elle s'appelle Maria Alberta Nunes Amado et elle parle, elle parle beaucoup en plus d'écrire des petits agencements de mots tels des haïkus, 38 heures d'enregistrements audio face à un Olympus Note Corder DP-20 sans croire forcément qu'on écoutera ses mots. « Du vent parlé à un petit objet de rien du tout » pense-t-elle même depuis sa résidence à l'Hôtel Paradis. On sera prévenu en exergue de la « transcription infidèle » par sa fille elle-même, Lidia Jorge, dans un geste littéraire où il sera question de  ré-agencement, de respect du rythme et de la respiration, et c'est peu dire que l'autrice a donné corps et âme à sa mère tant on la sentira palpiter Dona Alberti, dans ce récit d'une année de vie et de réflexions au sein de son Ehpad portugaise partagée avec 70 résidents.
Oui ça palpite de vie malgré la fin supposée proche, entre histoires de coeur, disputes, cirque, vols ou maltraitances aussi. Et ça commence par les habitudes de Dona Alberti, dont celle d'engager des discussions avec la nuit qui « connaît les douleurs de son âme », prête à débattre avec elle sur ce qu'est l'amour, à se demander sans son Atlas sous la main de quel pays Bakou est la capitale. Une nuit en partenaire d'insomnie pour celle qui ne sait plus où mettre les pensées « qui sont beaucoup trop vastes pour le vase » de sa tête et de son coeur, débordant parfois de mensonges. Ainsi les grandes choses comme la mort pourront être symbolisées, ici par la nuit, et les petites sembleront vivantes pour qui est «engagée dans le monde des riens ». Mais il y aura d'autres personnages issus de cette «humanité avec deux espèces uniquement, les fiables et les agresseurs » : Lilimunde précédée de ses effluves de bergamote, Dona Joaninha et ses amants renouvelés avec persévérance, Mr To et ses velléités révolutionnaires, Dona Rita de Lyon et son pilote de fils soutenu par un ange gardien... Sans oublier Lidia Jorge en personne, une fille écrivaine qui fait « l'amour avec L Univers » et qui reçoit de sa mère les exhortations à une ambition plus grande dans ses livres, en s'intéressant à des personnages emblématiques.

Elle a certainement tort sur ce point, Dona Alberti. Lidia Jorge s'en sort très bien dans son histoire d'amour avec L Univers et nous livre à travers les mots de sa mère un récit à coeur ouvert sur l'humanité, sa condition, ses joies et ses tourments, éloigné des caricatures accommodantes sur la vieillesse. Il serait certes surprenant de voir caracoler ce livre au milieu des titres phares de cette rentrée (quoique...), tant le sujet suscite inquiétude, angoisse ou rejet. Il est probable qu'on flirte avec la sérénité grâce à cette lecture, qu'il faudra prendre le temps de déguster en marge de la frénésie pour profiter au mieux de son condensé de vie, sur le fil enivrant d'une littérature au service d'un enregistrement pour redonner corps et âmes. Prendre le temps oui, de lire cette chronique lumineuse sur la vieillesse, habitée par l'esprit de Sepulveda, pour goûter à la singularité de ses réflexions sur le bonheur, l'amour, la joie ou la tristesse, L Univers, la nuit, la littérature, toutes ses grandes choses de la vie... Sans oublier les petites.

« 14 novembre 2019

Danse et redanse, ma petite âme
une parmi tant et si
seule – Ton secret
dans ton petit sac. »
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Une naissance réjouit
D'avantage que la fin de vie
A "l'hôtel Paradis"
C'est l'exil pour le reste de sa vie
Car on le sait "avec le temps va, tout s'en va"
Et pourtant "Misericordia"
C'est un livre sur la bataille de vie et la résistance à l'effacement.
C'est ce que j'ai ressenti et très vite j'ai compris que les fins de vie ne se résument pas à une lente déchéance, même en maison de retraite
Mais tant qu'on est en lien avec les autres, on est vivant !

Lydia Jorge dédie ce livre à sa mère qui lui a demandé d'écrire cette histoire. Elle nous relate la dernière année de sa vie.
Maria Alberta Nunes Amado a décidé de quitter sa grande maison, après une chute : elle ne peut plus vivre seule. Elle va terminer sa vie au sein d'une maison de retraite "l'hôtel Paradis" :
"Cette résidence est un parterre magnifique et les résidents nos pétales chéris".
A travers ce personnage principal, on plonge dans l'intimité des fragiles qui malgré leur faiblesse, gardent une grande capacité de résistance et leurs rêves !
"Etre en vie c'est me souvenir des mouvements du temps et du rythme de la floraison."
Maria ne supporte plus la télévision ou les journaux
"Dans la vie, naturellement le bien succède au mal, dans les journaux, au contraire, on ne fait qu'ajouter du mal au mal."
Elle possédait un atlas et connaissait tous les pays et capitales.
Parfois sa mémoire toussote et elle s'obstine à faire fonctionner son esprit. Elle veut garder une mémoire intacte.
Le jour la prépare à affronter la nuit.
Car la nuit, angoissante, elle dialogue avec la mort comme un adversaire qu'elle veut vaincre !
Maria est cultivée, intelligente, très digne, elle déteste la vulgarité.
Mais elle a aussi un caractère bien trempé ! un mélange de vitalité, d'humour, d'indignation et de bienveillance envers les autres.
"Je ne sais pas ou mettre mes pensées qui sont beaucoup trop vastes pour le vase de ma tête et la taille de mon coeur."
Sa relation avec sa fille écrivaine est compliquée. Elle veut la conseiller, voir la diriger, sur sa façon d'écrire ses livres. Elle lui reproche que ses livres ne parlent que de misérables anonymes et sa fille répond :
« Exactement, tu m'as ôté les mots de la bouche, je suis un chien de l'Histoire, je vis pour flairer ses mouvements, la dénoncer, la mordre, la trahir. Je ne suis pas de sa famille, je suis son adversaire.” »
Sa fille face aux reproches maternels prétend qu'écrire serait faire l'amour à l'univers.
« Dans l'amour, il n'y a pas d'échange, tout est offert »
Et dans cette maison de retraite, il existe des histoires d'amour et d'amitié belles et tragiques à la fois et chaque relation aussi ténue soit-elle se limite parfois à un regard, un parfum, un geste : le peu et le petit comme révélateur du merveilleux de la vie.
ces moments de grâce avec le chant, la musique la remplit de joie !
"La tendresse
C'est bien moins haut que votre paradis
C'est tout au fond du ventre enfoui
La tendresse ...

Il n'est pas question d'occulter la maltraitance, le turnover du personnel, mais aussi ceux qui sont attentionnés et dévoués, les vols
il n'existe plus de lieu inviolable :
« Et il n'y a plus rien qui ne soit qu'à moi, ni mon corps, ni mon esprit », constate-t-elle avec tristesse.
Elle constate que leur vie à tous n'a pas moins d'intérêt ou de richesse que la vie de n'importe qui et que leur présent n'est pas moins important que leur passé. C'est toute la poésie de ce récit, un mélange de larmes et de rire
C'est un discours de révolte mais aussi de dérision et d'espoir dans la vie.
« Je suis de ces personnes qui ne pensent pas que l'espoir est le dernier à mourir.  Je pense que l'espoir est simplement immortel. ».

Une lecture que je n'oublierai pas !
Ce moment passé avec Maria m'a fait voyager dans mes souvenirs
et retrouver ma grand-mère : de belles émotions ! ...

La tendresse
C'est ce qu'on avait en naissant
Lorsque l'on était innocent
La tendresse
C'est tout ce qui nous reste encore
Pour faire un pied de nez à la mort
La tendresse .....
Henri Tachan





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J'ai toujours beaucoup aimé l'écriture de Lydia Jorge.

D'elle j'avais lu en 2017 « La dernière femme », et je me souviens très bien le choc littéraire que sa lecture m'avait provoqué, et que j'avais tenté de restituer dans un billet. La grande autrice portugaise a écrit de nombreux romans que j'ai et aimé, comme « le vent qui siffle dans les grues », que je vous recommande, ou « le Rivage des murmures », ou bien encore, à propos de la Révolution des oeillets, « les Mémorables ».

Misericordia » est "un pas de côté" dans l'oeuvre de la grande autrice portugaise.

Qui a déjà essayé en effet de décrire le quotidien d'une vie en EPAHD à la première personne ? C'est le défi qu'a relevé Lidia Jorge, en s'inspirant directement de sa propre expérience de sa relation à sa mère, disparue pendant le COVID, en la romançant.

Dona Maria Alberta est une femme d'un certain âge, comme on dit pudiquement, dotée d'un sacré caractère. Elle vit dans cet Hôtel Paradis, un établissement pour personnes âgées. Elle attend régulièrement la venue de sa fille écrivain, même si parfois ces visites lui causent bien du tourment.
Le matin elle a droit à la toilette effectuée par le personnel soignant, toujours trop rapide comme dans toute maison de retraite, puis elle est conduite en fauteuil roulant auprès des autres résidentes, puisqu'elle n'a plus l'usage ni de ses jambes ni de ses mains.

Et il se passe plein de choses dans cet établissement, ce tout petit univers avec ses 70 résidents qui constituent l'Alpha et l'Omega de son espace personnel, renonçant par exemple, contrairement à la pression de son gendre, à regarder la télévision qui lui donne des nouvelles d'un monde qui ne l'intéresse plus du tout.

Un beau sergent tourne la tête de sa voisine de table, Dona Joaninha. Une jeune femme d'origine brésilienne, Lilimunde qui sent bon la bergamote quand elle vient la voir, lui assure qu'elle ne connaîtra jamais aucun homme, mais va tomber amoureuse d'un Hongrois. Des fourmis attaquent les résidents et se retrouvent dans les lits et dans les plats qu'on leur sert – il faudra faire venir une entreprise de désinsectisation. Et puis il y en a qui disparaissent. Comme ce Sergent, peut-être mort d'une crise cardiaque suite à une nuit d'ivresse avec Dona Joaninha, mais la narratrice n'en dira rien et couvrira les frasques de son amie.

Il y est question de mystérieux vols aussi – des bottes disparaissent et réapparaissent. Et puis, comme dans tout EPAHD, on recherche du personnel qui accepte de faire ces travaux ingrats. Une arrivée de plusieurs travailleurs étrangers permettra à l'Etablissement de survivre.
Le Sergent sera remplacé par un certain Mr To, qui tente de soulever les résidents contre la direction de l'établissement, fédérant une colère sourde contre l'absence de prise en considération de leurs besoins réels.

Et puis il y a les fantômes. Ceux que Dona Alberta surnomme « la nuit » puisqu'ils arrivent avec l'obscurité, surtout si elle refuse d'avaler les somnifères qu'on lui prescrit. Commence alors un long combat contre ses forces du mal qui s'adressent directement avec elle et avec qui elle dialogue.

C'est à la foi ironique, poétique – Dona Maria Alberti a une véritable attention réelle à la beauté du monde – parfois brutal. On passe du rire aux larmes, et on est touchés.

Avec une question centrale : qu'est-ce que la mère d'une écrivaine peut conseiller à sa fille en matière d'écriture ? Elle se désole qu'elle ne prenne pas des personnages célèbres comme personnages centraux de ses romans. Ou qu'au moins le roman se termine bien.
Sa fille lui résume ce qu'elle fait en une phrase « je fais l'Amour avec L Univers ». Est-ce donc cela, le secret de la littérature ?

De tout cela on comprendra à la fin que ce sont 38 minutes d'enregistrement que la mère de Lidia Jorge a livré à la postérité. Dans une forme d'exploit littéraire qui consiste à se mettre dans la peau de celle qui lui a donné la vie, notamment dans son dialogue parfois douloureux avec sa fille écrivain. Curieux effet de miroir, que de se regarder au travers du regard de sa propre mère vieillissante ….

« Elle m'a dit qu'il fallait que j'écrive pour que les gens éprouvent de la compassion pour ceux qui ne peuvent plus dominer leurs corps », raconte Lidia Jorge.

En refermant « Misericordia », on a l'impression d'avoir rencontré une femme hors du commun, une femme qui a une volonté de fer et un humour et une ironie parfois mordante, et surtout une furieuse envie d'en découdre encore et de ne pas rendre les armes à tous les fantômes de la nuit qui la tirent vers le monde d'après.

Et on en est ressort profondément touchés.

Lien : https://versionlibreorg.blog..
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Maria Alberta Nunes Amado est une sérieuse concurrente pour Miss Marple. Elles ont en commun de savoir que le monde n'a pas besoin des confins de l'univers pour se déployer. L'une prétend que son village de St. Mary Mead est un précipité d'humanité où elle a tout appris de ses semblables; l'autre, délestée de ses atlas, découvre que le monde entier se retrouve dans sa maison de retraite: aides-soignants de toute nationalité, pensionnaires de tous milieux, et elle qui regarde et prend des notes, qui découvre des secrets et, comme son illustre devancière, résout des mystères (car qui d'autre qu'elle pour régler la mort du sergent Joao Almeida?) et recueille les confidences amoureuses, surtout celles des jeunes filles qui sentent la bergamote.
On ne s'ennuie donc pas à l'Ehpad du Paradis, quand une invasion de fourmis tourne à l'Iliade domestique et qu'un désir de suicide nécessite des ruses d'agent secret.
On ne s'y ennuie pas mais rien ne permet d'y oublier la décrépitude physique: ni la coiffeuse qui ne veut plus exercer, puisqu'on lui reproche de ne pouvoir ressusciter une beauté irrémédiablement fanée, ni le photographe qui veut exhiber les tares de la vieillesse pour faire de l'art, ni les jambes qui ne portent plus, ni les poignets devenus inertes, ni les employés qui vous déposent comme un paquet, tournée contre le mur pour ne pas gêner le passage.
N'est-ce pas cela surtout qui fait peur dans la vieillesse, de perdre toute autonomie, et toute intimité, de ne plus rien avoir à soi, d'être dépossédé de tout objet comme de son corps, qui appartiennent désormais autant aux autres qu'à soi-même?
Mais Alberti a trouvé la solution : "Je me suis dit que l'Hôtel Paradis, de temps en temps, cessait d'être un lieu d'exil pour être un jardin d'enfants". Puisque, aussi incapable qu'un nourrisson, elle est langée, nourrie, promenée, soignée (et qu'elle ne s'avise pas de recracher sa pilule du soir), elle retrouve les armes du premier âge: elle râle, rouspète, proteste, fulmine, rouscaille et refuse résolument tout. le globe lumineux que lui apporte son gendre. Nan. Les conceptions littéraires de sa fille. Nan. le bonnet de Noël des fêtes de fin d'année. Nan. C'est là son libre-arbitre. C'est ce qui lui permet d'exister, d'être autre que ce que les gens autour d'elle veulent qu'elle soit. Et ça balance sec. Ensuite, ma foi, elle acceptera que son gendre lui installe la télé, que sa fille écrive des livres qui finissent trop mal pour qu'on les achète et sera ravie de regarder le feu d'artifice de la Saint-Sylvestre., (telle Isa qui dans "Les Poupées russes" jure qu'elle ne participera jamais à une chenille avant de devenir la plus frénétique des invités sur la piste de bal).
Mais pourquoi Alberti ne ressemble-t-elle jamais à l'odieuse petite fille qu'on a tous eu envie de baffer un jour de long trajet ferroviaire? C'est qu'elle est infiniment drôle, qu'elle se moque d'elle-même avec un aplomb jamais pris en défaut, d'avoir crié au voleur pour un objet qu'elle avait trop bien caché, d'avoir confondu son poudrier avec un gâteau dodu, d'avoir prévu une entrée de drama queen quand personne ne s'était aperçu qu'elle avait failli mourir...
Mais toute cette autodérision ne m'a pas empêchée d'avoir la gorge serrée quand Alberti a été atteinte du Covid. J'ai reconnu mon chagrin d'enfant, quand la chèvre de M. Seguin s'était battue jusqu'à l'aube pour un combat perdu d'avance. Maria Alberta Nunes Amado a laissé sa chronique et ses bouts-pas-toujours-rimés en plan et sans doute que d'avoir fini par dire oui après tant de nons farouches a dû la faire sourire.
((Merci Booky, merci Florence)
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De retour d'un long voyage, je reprends doucement le cours de Babelio, à l'endroit où il est, comme un nouveau départ.
Misericordia est une expérience de lecture très particulière. J'ai lâché plusieurs fois le livre de Lidia Jorge mais il s'est accroché à moi et ne m'a plus vraiment quitté. Je pense encore souvent à Maria Alberta Nunes Amado, la résidente de l'Hôtel Paradis.
Les circonstances de l'écriture de ce texte sont singulières. La mère de l'auteure est décédée pendant le COVID dans l'EHPAD où elle séjournait depuis trois ans. Elle aurait demander à sa fille de retranscrire des notes enregistrées pendant un an, d'Avril 2019 à Avril 2020. Lidia Jorge a alors réalisé une sorte de « squiggle », c'est à dire une adaptation romancée des notes en question où elles s'engage aussi en tant que personnage. La plupart des chapitres sont conclus par des « notes écrites » qui sont en fait de sublimes haïkus condensant poétiquement l'état d'esprit du moment.
Le résultat est stupéfiant.
Rentrer dans le quotidien d'un EHPAD et dans la tête d'une personne âgée à la fin de sa vie est à la fois une épreuve exigeante et un trésor d'informations fines, drôles et constamment émouvantes.
Lorsqu'on est véritablement rentré dans ce pavé littéraire, le processus d'identification joue à fond. Maria n'est pas la plus facile des résidentes et la relation à sa fille est compliquée. On apprend qu'elle l'a élevée seule et qu'elle ne cautionne pas son style de vie. En fait les éléments biographiques de la résidente et de sa fille s'assemblent comme un puzzle au fil des pages, formant ainsi petit à petit une toile de fond sur laquelle s'imprime le quotidien de Maria.
Ce quotidien est d'une richesse inouïe même lorsqu'il est envahi par la désolation, la dépression et la maladie.
Maria tisse des relations fortes avec ses compagnes de table et certaines aides-soignantes. Mais le turnover est incessant tant du coté des malades (qui partent en ambulance pour ne plus revenir) que des soignants (qui quittent l'établissement pour de meilleurs emplois, remplacés par des migrants de toutes origines).
Dans ce quotidien il y a des amitiés, des amours, des rancunes, de l'homophobie, des racontars, des disputes, de la politique etc.
Maria a une conscience aiguë de la diminution de ses capacités physiques, de sa dépendance absolue ( elle est parfois laissée en plan, au milieu d'un couloir, pour l'après-midi) . Il n'y a plus d'intimité corporelle, elle doit sans cesse implorer qu'on rende sa sonnette accessible et tout est bien sur à l'avenant.
Elle évoque la rudesse de certaines auxiliaires, les situations de maltraitance, de vols et d'abandon. Mais elle se raccroche à un besoin persistant de connaissances, à son acuité à percevoir la beauté là où elle peut encore surgir, dans un vase, dans une coupe de fruit ou encore dans un feu d'artifice.
Maria Alberta et Lidia Jorge nous livrent un récit teinté d'humour, d'onirisme et de poésie tendre. de réalisme aussi, surtout lorsqu'un mystérieux virus venu de Chine fait son apparition.
Pour la plupart des gens, la nuit sert à préparer le jour. Pour Maria c'est l'inverse : le jour la prépare à affronter la nuit. Et dans la nuit il y a la Nuit, monstrueusement angoissante, métaphore de la mort bien sur, mais comme incarnée dans la reviviscence de tous les monstres infantiles contre lesquels la lutte est épuisante.
Et puis ce livre, on l'a déjà dit, nous parle d'amour. Amour pour sa fille au delà des disputes, des absences et des incompréhensions ( Écrire, dit sa fille, c'est faire l'amour à l'Univers !) , amour qu'elle réactualise dans une relation privilégiée avec une jeune auxiliaire mineure (Lilimunde), et…enceinte.
« Dans l'amour, il n'y a pas d'échange, tout est offert. » nous dit-elle.
D'une infinie richesse ce livre m'a profondément ému. Mais il est terrifiant. Les dernières pages sont implacables.
C'est avant tout une ode à l'humour, à la connaissance et à la tendresse:
« À bien y réfléchir, si ce lieu d'exil ne se transforme pas parfois en cour de récréation, en école, en cirque, en théâtre, en bordel, en asile, cette grande maison serait insupportable… »
Un immense livre sur la vieillesse et la dignité.
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Hôtel Paradis, chambre 210, une année pas triste du tout.

Prix Médicis étranger 2023.
La pandémie - je rajoute, ‘et plus encore les « lois » instaurées en son nom par les états' - n'a vraiment pas été sympa avec les personnes en Ehpad, et c'est peu de le dire ainsi. Comme les malades en fin de vie dans les hôpitaux, ces personnes âgées ont dû trouver une énergie toute particulière pour ne pas sombrer. Je frissonne toujours encore en y repensant.
Ne parlons ici que de la vieillesse, et là Lidia Jorge a su décoder beaucoup de choses. Elle avait pour support des enregistrements ainsi que quelques billets laissés par cette maman. C'est ainsi que, durant une période allant du 19 avril 2019 au 20 avril 2020, le lecteur va côtoyer aussi bien le coeur d'une fille aimante que celui de sa mère qui s'amuse pour ne pas saigner. La patte de l'excellente romancière a fait le reste car l'aspect romancé fonctionne main dans la main avec la réalité relatée par la vieille dame.

Maria Alberta Nunes Amado est décédée du Covid le 19 avril 2020 dans un Hôtel un peu spécial puisqu'il s'agit d'une maison de retraite de la chaine portugaise ayant pour nom Santa Casa de Misericordia. L'autrice la fera vivre dans ce roman sous le nom que sa mère préférait, à savoir Dona Alberti.

Pour parler de ce livre il faut tout autant parler du lieu car cet Hôtel Paradis est, quelque part, lui aussi un personnage. Très vite on se pose une vilaine question : cet hôtel protège-t-il réellement les résidents du troisième âge ? du vent et la pluie certainement, mais pas assez de l'effondrement psychologique, ni de la tristesse que peut générer l'idée même d'une mort prochaine. Grâce au ciel, un grand nombre de résidents se protègent en illuminant le moindre joli moment de leur journée. Belle leçon en passant.

Dans cet hôtel, Dona Alberti va croiser quelques jolies personnes qui y travaillent et y accompagnent les aînés dans leurs gestes de tous les jours. Leurs conditions de vie sont loin d'être correctes. L'autrice ne nous épargne pas l'immersion dans ces mondes parallèles qu'exploitent certaines entreprises sans foi ni loi. Mais grâce à Dona Alberti et son caractère bien trempé, chacun sera scruté et mis en lumière jusqu'à nous donner l'impression d'être dans un roman autant que dans celui d'un témoignage de vie.

La mamie est une adepte de géographie et c'est sur ce thème que s'ouvre le livre. Elle se bataille avec la Nuit, au sens propre comme au sens figuré. Elle veut garder son esprit et son cerveau en bon ordre de marche. La géographie les garde éveillés tous les deux.
Son oeil est tout autant mis à contribution lorsqu'il essaie de deviner ce qui se cache derrière les êtres qu'elle croise, résidents comme personnel.
Quitter sa maison, ses plantes, ses livres, ses voisins et ses souvenirs n'a pas été facile. Son caractère pas toujours agréable envers sa fille, il faut le concéder, est peut-être une des clés pour traverser une période aussi pénible et angoissante.

L'autrice a su accompagner cette dernière année de vie de sa maman, non seulement par les visites qu'elle lui rendait, mais surtout au travers de l'hommage rendu aux personnes âgées.
La vieillesse m'est apparue plus ensoleillée et plus drôle qu'attendue.

Citations :
« Je ne veux pas penser à la tristesse et à la douleur, seulement à la joie qui, parce qu'elle est la plus fragile des trois, est celle qui me fait vivre.»
« Elle a dit ''Eh bien non, une écrivaine est seulement une femme qui utilise les mots pour faire l'amour avec l'Univers entier. Et ça lui suffit''. Je me suis mise à réfléchir et je ne savais pas quoi dire. J'ai demandé : ‘'Et cet Univers, que lui donne-t-il ?''.»
« Toutes les composantes de la vie gardent la même nature et la même intensité, seules les proportions entre les parties sont modifiées.»
« Je suis pleine d'énergie, je veux retourner dans la cour d'école et sauter jusqu'à ce que mon chapeau s'envole. ‘'Ah ah, le petit âne n'est mort. le petit âne ne ressuscitera pas''. »
« Là où je suis, même le printemps, quand les jours ont d'ordinaire la même durée que les nuits, la nuit est toujours plus longue que le jour. »
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