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Geneviève Leibrich (Traducteur)
EAN : 9782864246794
448 pages
Editions Métailié (02/04/2009)
3.7/5   28 notes
Résumé :
Le Vent qui siffle dans les grues
Dans un Algarve tragique et sauvage, Milène évolue entre une famille attachée à ses privilèges et à son image sociale et une tribu cap-verdienne vivace pour laquelle la musique irrigue la vie.

Milène nous conduit à travers la mort vers un amour impensable, un crime, une trahison et un silence à jamais scellé. Son regard toujours neuf sur la vie, le bien et le mal, sa vision de la valeur du monde constituent la... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Septième roman de Lidia Jorge, considérée comme l'un des auteurs les plus importants de son pays, le vent qui siffle dans les grues a été publié au Portugal en 2002 et sa traduction française est sortie à peine deux ans plus tard.

Situé dans l'Algarve, région dont l'auteure est originaire, le roman raconte au-delà du destin de son personnage principal, Milène, l'histoire du Portugal récent et dresse un tableau sociologique de son époque. Milène est issue d'une famille riche et influente, mais son père est mort, et elle a l'esprit et l'intelligence d'une jeune fille de 15 ans dans un corps de trentenaire. Suite à la mort de sa grand-mère, avec qui elle vivait, elle entre en contact avec une famille-tribu cap-verdienne, les Mata, qui habite dans l'usine désaffectée qui a été à l'origine de la fortune de sa famille. Et elle se retrouve également livrée à elle-même, ses tantes, oncles et cousins, n'ayant pas vraiment le temps ni l'envie de s'occuper d'elle. Ils ont mieux à faire, comme par exemple tenter de vendre au plus offrant la vieille usine familiale. Milène noue une trame amoureuse avec Antonino, l'un des membres de ce que sa famille nomme « la troisième vague », c'est à dire les derniers occupants de l'usine, venus des îles africaines jadis colonisées. La désapprobation de sa famille va se manifester de manière perverse et insidieuse.

Nous voyons en arrière fond de cette histoire, le passé et la situation sociale actuelle du Portugal. La révolution industrielle et son lot d'exploitation et de maltraitance ; la tentative avortée de donner davantage de pouvoir aux ouvriers eux-mêmes, puis l'affairisme, qui vise un enrichissement le plus rapide possible sans rien produire. L'histoire coloniale portugaise et ses conséquences, avec les morts, et aussi ces populations qui viennent se mêler aux anciens colonisateurs, sans avoir réellement leur place. le mirage d'une réussite par la musique (on pourrait sans doute remplacer par le sport), dont on découvre à quel point il est gangrené par les affaires occultes. L'impossibilité à accepter la différence, autrement que pour la façade, pour la communication.

C'est sans conteste un livre très réussi, très dense. L'auteure ne dévoile que progressivement son propos, nous suivons Milène, sa façon embarrassée de s'exprimer, sa vision intuitive et naïve en apparence. Cela prend donc du temps de nous montrer par ses yeux, d'entendre par sa bouche ce que Lidia Jorge veut nous dire et mettre en évidence. C'est un peu lent au début, il faut le temps de commencer à saisir. Il ne faut pas être pressé, et accepter d'être un peu égaré au début. Ce n'est qu'à la fin que l'on découvre à quel point la trame romanesque est pensée et maîtrisée par l'auteure.

Il y a côté conte, enchantement, mais derrière toute la cruauté du monde, une cruauté qui ne dit surtout pas son nom, qui se cache derrière les apparences de respectabilité, qui utilise les métaphores et éléments de langage de la bien-pensance de surface, qui dissimule la brutalité et la violence qu'elle inflige sous les manières policées des normes sociales en vigueur. Peut-être juste que le livre pourrait être un peu plus ramassé, en particulier dans la première moitié où j'ai mis un peu de temps à voir où l'auteur voulait nous amener.
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Lídia Jorge est une brodeuse. Avec patience et minutie, elle construit son texte un rang après l'autre, s'attardant méticuleusement sur chacun, et ce n'est qu'une fois l'ouvrage terminé, après de longues heures d'élaboration tatillonne, que peuvent être perçus, dans toute leur ampleur, la cohérence et la beauté de l'ensemble...

C'est pourquoi, dans un premier temps, le lecteur se sent un peu perdu. Drôle de coïncidence -ou pas-, l'héroïne du roman elle-même s'égare... Elle s'égare en tergiversations, en pensées a priori chaotiques mais qui répondent finalement à une certaine logique, elle perd ses moyens et ses mots, hantée par une angoisse fébrile.
Vous ne comprenez rien ? C'est normal ! Il faut un temps d'adaptation pour appréhender le contexte du "Vent qui siffle dans les grues".

Le narrateur, qui parle au nom d'un "nous" difficile à cerner au départ, relate cette histoire deux ans après qu'elle se soit produite. Il a reconstitué des événements pour lesquels existaient plusieurs versions, basées sur des rumeurs infondées, nourries de préjugés simplistes.
Tout ce que l'on sait, c'est que notre conteur est le cousin -ou la cousine, puisqu'on ne sait pas si la personne qui s'exprime est un homme ou une femme- de Milene Leandro, personnage central de cette histoire.

Il y a deux ans, donc, la cousine Milene s'est retrouvée dans une situation pour le moins embarrassante. Sa grand-mère Regina, avec qui elle vivait, s'est enfuie de l'ambulance qui la ramenait chez elle, pour aller mourir devant la porte de la vieille fabrique de conserves dont elle était la propriétaire, fabrique qui ne fabriquait plus rien depuis longtemps, mais où logeaient, en accord avec la grand-mère Régina, une modeste famille de cap-verdiens, les Mata.
En ce torride mois d'août qui assèche le petit village d'Algarve où se déroule notre histoire, tous les enfants de Regina sont loin, en vacances, et injoignables. Milene doit, seule, faire face à cette mort. Milene est une jeune femme différente. Malgré ses trente ans passés, elle raisonne et se conduit comme une adolescente de quinze ans. le monde autour d'elle va souvent trop vite, et, incapable de suivre le rythme que lui imposent les autres, elle reste souvent muette, par manque de temps pour trouver les bons mots, par manque de temps pour exprimer avec le plus de justesse possible les idées tourbillonnantes qui peuplent son esprit.
En attendant le retour de ces oncles et tantes qu'elle n'est pas parvenue à joindre, Milene s'angoisse : comment va-t-elle pouvoir expliquer la mort de la grand-mère ? A la recherche d'indices pour se justifier vis-à-vis de la famille, mais aussi pour reconstituer l'incroyable et agonisant parcours de Regina (comment cette femme à l'article de la mort a-t-elle pu parcourir deux kilomètres à pieds ?), elle se rend à la fabrique, elle aussi désertée, et s'installe dans la cour, à l'abri derrière les draps mis à y sécher. C'est là que les Mata, de retour de Lisbonne où ils ont laissé l'un des leurs à l'aube d'une carrière de chanteur célèbre, la trouvent.

"Le vent qui siffle dans les grues" est un récit foisonnant, qui s'apprivoise peu à peu, dont la conquête est parfois difficile. Lídia Jorge écrit certes très joliment, mais elle écrit aussi beaucoup, et si cette prolixité donne à son récit un rythme particulier, une torpeur envoûtante, il rend aussi parfois la lecture laborieuse.

Pourtant, je dois bien avouer que le charme, indéniablement, a pris... On ne peut que s'attacher au personnage de Milene, que sa différence rend vulnérable, mais aussi d'une ingénuité touchante. Milene est à l'opposé des valeurs revendiquées par une famille conservatrice fortement attachée à ses biens et à son rang social, pour le maintien duquel elle est capable de commettre les pires horreurs.
Par son intermédiaire, le lecteur appréhende les différences qui séparent les deux mondes que représentent les Leandro et les Mata, mais aussi leurs points communs. La notion de clan, notamment, semble importante pour les deux familles, et génère chez certains un rejet total de tout ce qui peut venir bouleverser un ordre implicitement établi, consistant à ne pas mélanger les races et les milieux...
Portugal Romans
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Milène Lino Leandro est recueillie par la famille Mata, des Cap-Verdiens qui résident dans l'ancienne usine de sa grand-mère qui vient de décéder.
L'idée de base était intéressante, mais l'intrigue a été trop lentement mise en place. L'ensemble m'a semblé confus et déroutant : mélange de voix, italiques, flash-back...
Le manque de réactivité de la part de la protagoniste dépasse l'effet de surprise. Pourquoi un tel "état de choc" ? Ou bien est-elle simplement une personne impassible ?
Les incessantes répétitions auraient pu donner au style un tour très personnel, mais trop nombreuses donc, elles en sont devenues lassantes.
Mon incurable curiosité m'a poussée jusqu'à la page 100, mais j'ai été au regret d'arrêter ma lecture au chapitre 4.
Peut-être la reprendrai-je à un autre moment, plus propice.
anne.vacquant.free.fr/av/
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Lidia Jorge affirme son talent au fil de son livre, par ce roman parfaitement maîtrisé, qui colle au plus près de la réalité, avec des thèmes qui lui sont chers ' les préjugés sociaux, ainsi que sa terre natale : l'Algarve lui donne une puissante inspiration.
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Notre monde contemporain, mû par un instinct sauvage de l'avenir, croise dans ce roman un monde plus ancien dans lequel une vieille usine abrite le destin d'une famille nombreuse récemment arrivée d'Afrique. Des mondes apparemment inconciliables que le hasard met en contact par l'intermédiaire de Milena Leandro, l'étrange jeune fille aux yeux de laquelle tout naît pour la première fois et dont la simplicité va tout bouleverser.

Dans un Algarve tragique et sauvage, Milena évolue entre une famille attachée à ses privilèges et à son image sociale et une tribu cap-verdienne vivace pour laquelle la musique irrigue la vie.

Milena nous conduit à travers la mort vers un amour impensable, un crime, une trahison et un silence à jamais scellé. Son regard toujours neuf sur la vie, le bien et le mal, sa vision de la valeur du monde constituent la matière même de ce roman.

Dans son oeuvre, Lídia Jorge fouiIle toujours au plus profond de la cruauté primaire des êtres. Ici, pour la première fois, elle nous découvre la perversité et la lâcheté qui l'accompagnent.

Cet extraordinaire roman a reçu le Prix de l'APE, l'un des prix littéraires les plus prestigieux du Portugal.

PRIX DES LECTEURS 2005 du Salon de la Littérature Européenne de Cognac
Lien : http://editions-metailie.com..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Elle comprenait tout. Elle venait d'entrer dans le vaste groupe de femmes qui se plaignaient d'avoir donné le jour à des bébés parés de volants et de dentelles et dix-huit ans plus tard, au lieu d'enfants modèles, des hommes efflanqués aux dents pourries se présentaient à la porte, traînant des boîtes en carton qui faisaient office de maison et des mouchoirs pour tout mobilier, leur quémandant leurs derniers sous et leurs disant qu'ils étaient leurs fils. Mensonge. Ils n'étaient pas leurs fils. Ce n'était pas ces fils-là que ces mères avaient mis au monde.
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Ils dirent cela certainement pour salir sa vie, anéantir son mystère dans l'intention de la repousser vers l'insignifiance et l'obscurité, là où tout se perd et s'annule avant terme. Mais nous les avons pas laissé faire.
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Elle avait horreur de souffrir longtemps. D'ailleurs elle détestait souffrir, elle ne voulait pas souffrir, il en avait toujours été ainsi, il en serait toujours ainsi. Cette histoire venait d'avoir un dénouement. Cette histoire était finie.
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Ensuite tout avait changé de place et les murs extérieurs avaient englouti la douce pénombre qui avait entouré Milène depuis onze heures du matin. Les saints glissaient. Tout changeait d'apparence. Elle aussi était transportée par cette énorme voiture. C'était indéniable. Milène ferma les yeux, elle sentit un moteur sous le siège, autour d'elle les fleurs occupèrent l'espace, elles se serrèrent contre les vitres et remuèrent comme si elles étaient des bêtes vivantes prêtes à respirer, s'installant, changeant de place et de forme, les gardénias au dessus des glaïeuls, et Milène aperçut le paysage de la rue blanche de Sao Francisco, très paisible et très solide, à travers le verre fumé qui protégeait les yeux contre la clarté intense de l'après-midi, comme si toute la voiture n'était plus qu'une grande lunette de soleil.
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Le corps s'imposait. Sa chair, ses os, sa graisse. Ses tumeurs qui n'étaient qu'une floraison exubérante du corps, une prolifération de jacinthes au fond des eaux. La nature dans son fonctionnement déchaîné, sa luxuriance organique, ses emballements biologiques, ses excédents tissulaires.
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