AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,73

sur 177 notes
5
26 avis
4
22 avis
3
8 avis
2
0 avis
1
0 avis

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Elle s'appelle Maria Alberta Nunes Amado et elle parle, elle parle beaucoup en plus d'écrire des petits agencements de mots tels des haïkus, 38 heures d'enregistrements audio face à un Olympus Note Corder DP-20 sans croire forcément qu'on écoutera ses mots. « Du vent parlé à un petit objet de rien du tout » pense-t-elle même depuis sa résidence à l'Hôtel Paradis. On sera prévenu en exergue de la « transcription infidèle » par sa fille elle-même, Lidia Jorge, dans un geste littéraire où il sera question de  ré-agencement, de respect du rythme et de la respiration, et c'est peu dire que l'autrice a donné corps et âme à sa mère tant on la sentira palpiter Dona Alberti, dans ce récit d'une année de vie et de réflexions au sein de son Ehpad portugaise partagée avec 70 résidents.
Oui ça palpite de vie malgré la fin supposée proche, entre histoires de coeur, disputes, cirque, vols ou maltraitances aussi. Et ça commence par les habitudes de Dona Alberti, dont celle d'engager des discussions avec la nuit qui « connaît les douleurs de son âme », prête à débattre avec elle sur ce qu'est l'amour, à se demander sans son Atlas sous la main de quel pays Bakou est la capitale. Une nuit en partenaire d'insomnie pour celle qui ne sait plus où mettre les pensées « qui sont beaucoup trop vastes pour le vase » de sa tête et de son coeur, débordant parfois de mensonges. Ainsi les grandes choses comme la mort pourront être symbolisées, ici par la nuit, et les petites sembleront vivantes pour qui est «engagée dans le monde des riens ». Mais il y aura d'autres personnages issus de cette «humanité avec deux espèces uniquement, les fiables et les agresseurs » : Lilimunde précédée de ses effluves de bergamote, Dona Joaninha et ses amants renouvelés avec persévérance, Mr To et ses velléités révolutionnaires, Dona Rita de Lyon et son pilote de fils soutenu par un ange gardien... Sans oublier Lidia Jorge en personne, une fille écrivaine qui fait « l'amour avec L Univers » et qui reçoit de sa mère les exhortations à une ambition plus grande dans ses livres, en s'intéressant à des personnages emblématiques.

Elle a certainement tort sur ce point, Dona Alberti. Lidia Jorge s'en sort très bien dans son histoire d'amour avec L Univers et nous livre à travers les mots de sa mère un récit à coeur ouvert sur l'humanité, sa condition, ses joies et ses tourments, éloigné des caricatures accommodantes sur la vieillesse. Il serait certes surprenant de voir caracoler ce livre au milieu des titres phares de cette rentrée (quoique...), tant le sujet suscite inquiétude, angoisse ou rejet. Il est probable qu'on flirte avec la sérénité grâce à cette lecture, qu'il faudra prendre le temps de déguster en marge de la frénésie pour profiter au mieux de son condensé de vie, sur le fil enivrant d'une littérature au service d'un enregistrement pour redonner corps et âmes. Prendre le temps oui, de lire cette chronique lumineuse sur la vieillesse, habitée par l'esprit de Sepulveda, pour goûter à la singularité de ses réflexions sur le bonheur, l'amour, la joie ou la tristesse, L Univers, la nuit, la littérature, toutes ses grandes choses de la vie... Sans oublier les petites.

« 14 novembre 2019

Danse et redanse, ma petite âme
une parmi tant et si
seule – Ton secret
dans ton petit sac. »
Commenter  J’apprécie          659
Maria Alberta Nunes Amado est une sérieuse concurrente pour Miss Marple. Elles ont en commun de savoir que le monde n'a pas besoin des confins de l'univers pour se déployer. L'une prétend que son village de St. Mary Mead est un précipité d'humanité où elle a tout appris de ses semblables; l'autre, délestée de ses atlas, découvre que le monde entier se retrouve dans sa maison de retraite: aides-soignants de toute nationalité, pensionnaires de tous milieux, et elle qui regarde et prend des notes, qui découvre des secrets et, comme son illustre devancière, résout des mystères (car qui d'autre qu'elle pour régler la mort du sergent Joao Almeida?) et recueille les confidences amoureuses, surtout celles des jeunes filles qui sentent la bergamote.
On ne s'ennuie donc pas à l'Ehpad du Paradis, quand une invasion de fourmis tourne à l'Iliade domestique et qu'un désir de suicide nécessite des ruses d'agent secret.
On ne s'y ennuie pas mais rien ne permet d'y oublier la décrépitude physique: ni la coiffeuse qui ne veut plus exercer, puisqu'on lui reproche de ne pouvoir ressusciter une beauté irrémédiablement fanée, ni le photographe qui veut exhiber les tares de la vieillesse pour faire de l'art, ni les jambes qui ne portent plus, ni les poignets devenus inertes, ni les employés qui vous déposent comme un paquet, tournée contre le mur pour ne pas gêner le passage.
N'est-ce pas cela surtout qui fait peur dans la vieillesse, de perdre toute autonomie, et toute intimité, de ne plus rien avoir à soi, d'être dépossédé de tout objet comme de son corps, qui appartiennent désormais autant aux autres qu'à soi-même?
Mais Alberti a trouvé la solution : "Je me suis dit que l'Hôtel Paradis, de temps en temps, cessait d'être un lieu d'exil pour être un jardin d'enfants". Puisque, aussi incapable qu'un nourrisson, elle est langée, nourrie, promenée, soignée (et qu'elle ne s'avise pas de recracher sa pilule du soir), elle retrouve les armes du premier âge: elle râle, rouspète, proteste, fulmine, rouscaille et refuse résolument tout. le globe lumineux que lui apporte son gendre. Nan. Les conceptions littéraires de sa fille. Nan. le bonnet de Noël des fêtes de fin d'année. Nan. C'est là son libre-arbitre. C'est ce qui lui permet d'exister, d'être autre que ce que les gens autour d'elle veulent qu'elle soit. Et ça balance sec. Ensuite, ma foi, elle acceptera que son gendre lui installe la télé, que sa fille écrive des livres qui finissent trop mal pour qu'on les achète et sera ravie de regarder le feu d'artifice de la Saint-Sylvestre., (telle Isa qui dans "Les Poupées russes" jure qu'elle ne participera jamais à une chenille avant de devenir la plus frénétique des invités sur la piste de bal).
Mais pourquoi Alberti ne ressemble-t-elle jamais à l'odieuse petite fille qu'on a tous eu envie de baffer un jour de long trajet ferroviaire? C'est qu'elle est infiniment drôle, qu'elle se moque d'elle-même avec un aplomb jamais pris en défaut, d'avoir crié au voleur pour un objet qu'elle avait trop bien caché, d'avoir confondu son poudrier avec un gâteau dodu, d'avoir prévu une entrée de drama queen quand personne ne s'était aperçu qu'elle avait failli mourir...
Mais toute cette autodérision ne m'a pas empêchée d'avoir la gorge serrée quand Alberti a été atteinte du Covid. J'ai reconnu mon chagrin d'enfant, quand la chèvre de M. Seguin s'était battue jusqu'à l'aube pour un combat perdu d'avance. Maria Alberta Nunes Amado a laissé sa chronique et ses bouts-pas-toujours-rimés en plan et sans doute que d'avoir fini par dire oui après tant de nons farouches a dû la faire sourire.
((Merci Booky, merci Florence)
Commenter  J’apprécie          446
Hôtel Paradis, chambre 210, une année pas triste du tout.

Prix Médicis étranger 2023.
La pandémie - je rajoute, ‘et plus encore les « lois » instaurées en son nom par les états' - n'a vraiment pas été sympa avec les personnes en Ehpad, et c'est peu de le dire ainsi. Comme les malades en fin de vie dans les hôpitaux, ces personnes âgées ont dû trouver une énergie toute particulière pour ne pas sombrer. Je frissonne toujours encore en y repensant.
Ne parlons ici que de la vieillesse, et là Lidia Jorge a su décoder beaucoup de choses. Elle avait pour support des enregistrements ainsi que quelques billets laissés par cette maman. C'est ainsi que, durant une période allant du 19 avril 2019 au 20 avril 2020, le lecteur va côtoyer aussi bien le coeur d'une fille aimante que celui de sa mère qui s'amuse pour ne pas saigner. La patte de l'excellente romancière a fait le reste car l'aspect romancé fonctionne main dans la main avec la réalité relatée par la vieille dame.

Maria Alberta Nunes Amado est décédée du Covid le 19 avril 2020 dans un Hôtel un peu spécial puisqu'il s'agit d'une maison de retraite de la chaine portugaise ayant pour nom Santa Casa de Misericordia. L'autrice la fera vivre dans ce roman sous le nom que sa mère préférait, à savoir Dona Alberti.

Pour parler de ce livre il faut tout autant parler du lieu car cet Hôtel Paradis est, quelque part, lui aussi un personnage. Très vite on se pose une vilaine question : cet hôtel protège-t-il réellement les résidents du troisième âge ? du vent et la pluie certainement, mais pas assez de l'effondrement psychologique, ni de la tristesse que peut générer l'idée même d'une mort prochaine. Grâce au ciel, un grand nombre de résidents se protègent en illuminant le moindre joli moment de leur journée. Belle leçon en passant.

Dans cet hôtel, Dona Alberti va croiser quelques jolies personnes qui y travaillent et y accompagnent les aînés dans leurs gestes de tous les jours. Leurs conditions de vie sont loin d'être correctes. L'autrice ne nous épargne pas l'immersion dans ces mondes parallèles qu'exploitent certaines entreprises sans foi ni loi. Mais grâce à Dona Alberti et son caractère bien trempé, chacun sera scruté et mis en lumière jusqu'à nous donner l'impression d'être dans un roman autant que dans celui d'un témoignage de vie.

La mamie est une adepte de géographie et c'est sur ce thème que s'ouvre le livre. Elle se bataille avec la Nuit, au sens propre comme au sens figuré. Elle veut garder son esprit et son cerveau en bon ordre de marche. La géographie les garde éveillés tous les deux.
Son oeil est tout autant mis à contribution lorsqu'il essaie de deviner ce qui se cache derrière les êtres qu'elle croise, résidents comme personnel.
Quitter sa maison, ses plantes, ses livres, ses voisins et ses souvenirs n'a pas été facile. Son caractère pas toujours agréable envers sa fille, il faut le concéder, est peut-être une des clés pour traverser une période aussi pénible et angoissante.

L'autrice a su accompagner cette dernière année de vie de sa maman, non seulement par les visites qu'elle lui rendait, mais surtout au travers de l'hommage rendu aux personnes âgées.
La vieillesse m'est apparue plus ensoleillée et plus drôle qu'attendue.

Citations :
« Je ne veux pas penser à la tristesse et à la douleur, seulement à la joie qui, parce qu'elle est la plus fragile des trois, est celle qui me fait vivre.»
« Elle a dit ''Eh bien non, une écrivaine est seulement une femme qui utilise les mots pour faire l'amour avec l'Univers entier. Et ça lui suffit''. Je me suis mise à réfléchir et je ne savais pas quoi dire. J'ai demandé : ‘'Et cet Univers, que lui donne-t-il ?''.»
« Toutes les composantes de la vie gardent la même nature et la même intensité, seules les proportions entre les parties sont modifiées.»
« Je suis pleine d'énergie, je veux retourner dans la cour d'école et sauter jusqu'à ce que mon chapeau s'envole. ‘'Ah ah, le petit âne n'est mort. le petit âne ne ressuscitera pas''. »
« Là où je suis, même le printemps, quand les jours ont d'ordinaire la même durée que les nuits, la nuit est toujours plus longue que le jour. »
Commenter  J’apprécie          4225
" Vous n'avez jamais lu un texte comme celui-là !" ..

Je ne peux que plussoyer à cette affirmation!

L' Hôtel paradis est à présent une résidence pour personnes âgées. Dona Alberti est l'une des pensionnaires. Suite à une chute elle ne pouvait plus vivre à demeure dans sa maison, elle a décidé alors de déménager. Depuis elle vit dans cette résidence, et même si elle ne se déplace qu'en fauteuil roulant, elle a gardé intact son sens de l'observation, son audition, sa sagacité et son franc-parler. A présent qu'elle ne peut plus lire , que ses mains ne peuvent plus écrire, si elle se plonge de plus en plus souvent dans ses souvenirs elle prête volontiers une oreille attentive et discrète à ceux qui l'entourent. A défaut d'écrire son journal elle l'enregistre sur un petit magnétophone. A sa fille elle confie le soin de le mettre en pages...
Que de monde dans cet Hôtel Paradis.On y trouve certes les pensionnaires, hommes et femmes âgés mais aussi les indispensables , ceux qui nuit et jour prennent soin d'eux
.
Venus d'ici ou d'ailleurs, plus souvent d'ailleurs que d'ici en pratique, ces aidants en quête d'un travail, d'un toit où s'abriter, apportent avec eux leur jeunesse, leur sourire , leur envie de vivre. Ils sont le lien qui relient ces personnes âgées au monde extérieur, ce monde dont ils sont à présent exclus car trop âgés et non "productifs".

Ne croyez pas que Dona Alberti ait baissé les bras en entrant en résidence. Surtout pas , elle est bien décidée à affronter la nuit et à ne pas se laisser emporter vers l'au-delà sans se battre jusqu'au bout. Diminuée physiquement mais toujours aussi avide de joie et de bonheur ..

Ce livre est le récit de ce combat .

Je vous propose de découvrir la très belle interview de Lidia Jorge : https://www.babelio.com/auteur/Lidia-Jorge/41525

Commenter  J’apprécie          412
Une vieille dame, en maison de retraite à l'hôtel Paradis, raconte ses journées, à l'aide d'un dictaphone parce qu'elle a des difficultés à écrire, pour elle-même, et pour sa fille, Lidia Jorge, écrivaine. Elle mourra en 2020 du Covid. Pendant un an, elle a raconté son quotidien, ses souhaits, ses cauchemars, et la vie qui coule lentement au fil des jours. C'est un superbe hommage de Lidia Jorge à sa mère, mais, sans être d'une lecture ardue, ce texte nécessite d'accrocher au personnage de Maria Alberta Nunes Amado, qui pourrait fort bien être notre mère ou notre grand-mère. Ses pensées sont parfois confuses, au moins au premier abord. D'où un texte qui manque de fluidité et dont le rythme n'est pas toujours agréable. Elle a peur de la nuit, encore plus avec des somnifères. Elle est diminuée physiquement mais est restée très observatrice et pleine de vivacité intellectuelle. Personnellement je l'ai trouvé très attachante. Elle évoque les lieux qu'elle a quittés, ses nouveaux amis, puis leur disparition. Sa façon de prendre la vie est saine et simple, elle est exigeante mais pas difficile, plutôt conciliante. Visiblement les EHPAD du Portugal ont bien des points communs avec les nôtres! Bien des comportements du personnel sont choquants, mais, même si rien de ce qui est pénible pour Alberta n'est omis, ce n'est pas l'essentiel. Lidia Jorge a réussi a faire de ce récit intime de sa mère (qui souhaitait qu'elle en fasse un livre) un beau roman sur le vieillissement, très original et assez inoubliable.
Commenter  J’apprécie          362
Maria Alberta Nunes Amado réside à l'Hôtel Paradis, transformé en maison de retraite. Elle regrette sa maison, là-bas, et se souvient des plantes, des livres, des voisins, de petites et grandes choses qui s'y sont déroulées !

L'état de ses mains l'empêche d'écrire plus que quelques mots et elle utilise un magnétophone pour relater ses journées, ses pensées, ses rêves et ses cauchemars mais aussi les événements et petites histoires de la maison de retraite. Ce témoignage va se dérouler sur un an et prendra fin en avril 2020 pendant la pandémie. C'est cette période que sa fille va retranscrire dans ce livre.

Nous découvrons Dona Alberti à travers sa perception d'elle-même et ses rapports aux autres, partagés en deux catégories “les fiables” et “les agresseurs” ! La nuit est la personnification de la Mort qui vient la voir quand elle ne dort pas et tente de l'attirer dans ses filets par des questions insidieuses. Chaque matin est une victoire, qui nous permet de profiter de l'attention qu'elle met dans chaque observation, chaque moment partagé avec ses compagnes de table, les soignantes ou sa fille !

Sa lucidité est redoutable et il est étonnant qu'elle soit restée “avec toute sa tête" à l'arrivée de la pandémie et pendant le confinement car aucune information ne leur a été donnée et le manque de personnel les a mis en grand danger. Il est étonnant de constater qu'elle était capable de dédramatiser certaines situations mais qu'elle grossissait jusqu'au conflit des faits mineurs racontés de sa fille.

Il est évident que l'autrice a dû remanier les paroles et les quelques écrits de sa mère, afin de pouvoir partager cette dernière année de vie avec ses hauts, ses bas et ses surprises !

Dona Alberti était une femme très étonnante, pas toujours sympathique, surtout avec sa fille, mais assurément intéressante et curieuse et il est rarement donné d'avoir accès à ce genre de propos ! Je ne peux que vous conseiller de le lire, il n'y a pas de misérabilisme et c'est une vraie ode à la vie.... jusqu'à la mort !!

#Misericordia #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2023

Challenge Féminin 2022/2023
Challenge Entre Deux Thèmes 2023
Lecture Thématique septembre 2023 : Découverte auteur
Commenter  J’apprécie          350
« Quand je lisais, j'aimais les gros livres, ceux qui ressemblent à la vie d'une personne qui se déploie au long du temps. Et j'aimais lire des livres sur des personnages remarquables et non sur des instituteurs qui meurent vaincus, sans faire d'histoire. »
Citation faite par elle-même et qui lui sied parfaitement, à la Maria Alberti de ce roman, inspirée fortement par la mère de Lidia Jorge, l'autrice de ce roman singulier.

En effet, celui-ci est la retranscription des enregistrements que cette vieille dame alerte, mais dont les mains usées la rendent désormais incapable d'écrire, fera de sa vie, de ses pensées, sur les deux dernières années de sa vie en maison de retraite.
Il en ressort un portrait de femme assez extraordinaire, très courageuse puisqu'elle ne se plaint jamais, au caractère entier et exigeant, qui recherche la perfection, surtout avec sa fille qu'elle aime pourtant immensément, et qui a tendance à tordre la réalité afin de la faire correspondre à ses idéaux.

Sans être un brûlot sur ce type d'établissements — ce n'est pas du tout l'objectif du roman —, est dépeint ce que l'on en connaît : les gentils aides-soignants (Nina et son espagnol chantant, Limimunde la jeune Brésilienne, avec ses galères assez proches de celles de la jeunesse de la narratrice), les moins sympathiques (comme celles qui s'occupent d'elles sans jamais lui dire bonjour ni même faire l'effort de la voir), une structure débordée par le manque de main d'oeuvre, ce qui entraîne des maltraitances, etc.

J'ai aimé globalement ce roman pour son héroïne si vraie, si honnête dans ses ressentis, dans ses échecs, dans sa volonté de vivre des événements en se demandant si c'est la dernière fois, mais surtout, j'ai été touchée par l'impression d'une dégradation dans le moral de dona Alberti au fur et à mesure que l'on avance dans le roman.
Elle parle beaucoup de joie et de la manière dont elle s'en imprègne au début, jusqu'au moment où elle se dispute avec sa fille au sujet des romans que celle-ci écrit, ce qui l'affecte beaucoup puisqu'elle s'en sent quelque part diminuée (« […] je suis auprès des petites choses, celles qui n'ont ni nom, ni identité. Je suis comme ça depuis qu'elle et moi avons eu notre dernière passe d'armes et qu'elle a parlé de sa liaison avec l'Univers »). Point de départ d'un détachement face au monde et à ses laideurs, elle qui s'y intéressait tant auparavant.
Les relations dans la maison de retraite ne sont pas toujours évidentes non plus, non dénuées de petites mesquineries involontaires qui l'affectent également beaucoup.

« Miséricordia » est ainsi le roman d'une intériorité chancelante, changeante, dont les événements décrits sont perçus à partir de celle-ci. Est-ce une réalité un peu biaisée ? Comme par exemple avec sa fille, qui est en réalité une grande écrivaine mais qui, selon l'héroïne, écrit de petits livres sans intérêt ? Peu importe au final, tant la vieillesse est bien décrite dans ce roman, avec une dignité si élégante.
Commenter  J’apprécie          343
Maria vit en maison de retraite et nous livre grâce à ses enregistrements quotidiens les détails de ses pensées, ses luttes contre la nuit, les douleurs et les faiblesses dues à l'âge.
Surtout, elle nous raconte avec son regard espiègle tous les petits riens qui font la vie en maison de retraite.
C'est un monde que nous conte avec poésie et humour cette vieille dame.
Des soignants aux voisins de chambre, des affections aux désillusions, tout y passe.
Je me suis attachée à Maria décrite avec tellement d'amour par Lidia Jorge.
Loin d'être triste, Misericordia aborde la vie qui irradie partout, quel que soit l'âge, le lieu de vie ou les circonstances.
Merci aux Editions Métailié et à NetGalley pour leur confiance.
#Misericordia #NetGalleyFrance
Commenter  J’apprécie          310
Dona Alberti n'en a pas fini avec la vie
Couronnée par le Prix Medicis étranger, Lidia Jorge raconte dans Misericordia la vie de Dona Alberti, pensionnaire d'une résidence pour personnes âgées. Avec humour, émotion et sensibilité.

Quand la nuit vient l'envelopper, Dona Alberti joue avec elle. Aux questions qu'elle pose, combien y a-t-il de villes au monde? Quelles sont toutes les capitales? de quel pays Bakou est-elle la capitale, il le faut trouver une réponse. Une belle manière d'aiguiser sa mémoire, de se rappeler ce Grand Atlas qu'elle feuilletait quand elle était encore dans sa maison.
Car désormais Dona Alberti vit à l'Hôtel Paradis, une résidence pour personnes âgées. D'avril 2019 à avril 2020, elle a enregistré son quotidien et ses souvenirs sur un magnétophone. Ce roman en est la "transcription infidèle", car les 38 heures sont résumées et livrées sans les sentiments perçus à l'audition, mais aussi structuré et divisé en chapitres, accompagné de titres. En d'autres mots, une manière habile pour Lìdia Jorge de mettre en scène son travail d'autrice.
Voici donc défiler le personnel, entre ceux qui s'impliquent et s'intéressent aux résidents, Salomé, Maria Lina, Lila, Lilimunde et ceux qui préfèrent les ignorer. Lilimunde, sans doute l'une de ses préférées, parce que sa venue s'accompagne d'un parfum de bergamote, de tilleul, de cèdre et de pivoine. Mais on verra au fil du livre combien ces effluves peuvent varier en fonction des occupations et des relations de l'aide-soignante. L'occasion aussi de souligner l'importance des odeurs et des parfums dans ce récit qui éveille à la sensualité.
Voici aussi défiler les autres résidents, avec leur passé, leurs histoires, mais aussi leur quotidien, pas toujours très rose, comme ce jour où M. Paiva avait tenté de fuir et s'était cogné à une vitre. Ou quand un autre résident ne s'est pas relevé. le tableau dans l'entrée où s'affichent les portraits des pensionnaires devient alors une sorte de macabre décompte des décès, à mesure que les photos sont décrochées, comme une sorte d'avertissement.
Voici enfin la vie de Dona Alberti elle-même, au fil des jours et des nuits. Ces nuits qui la hantent et qu'elle combat durant ses insomnies. Ces nuits qui sont la métaphore d'un mot qui n'est jamais prononcé, la mort. Ces nuits peuplées de questions, simples ou métaphysiques, de Bakou à l'univers.
Mais, si elle a parfois du mal à trouver ses mots, elle se bat. Elle va chercher à profiter de chaque instant, d'un (trop) bref coup de fil de sa fille exilée à des milliers de kilomètres, de la visite d'un jeune homme chargé de lui faire la lecture.
Désormais pour elle tous les menus détails de l'existence sont importants. L'invasion des fourmis dans l'établissement puis leur éradication devient une épopée, tout comme ce confinement imposé presque en catimini et qui – malgré les dégâts qu'il cause – va resserrer les liens entre le personnel et les pensionnaires. N'est-ce pas là l'essentiel?
C'est à la demande de sa mère, et en s'inspirant de sa vie, que Lidia Jorge a écrit ce livre. Ce qui donne encore davantage de sel aux réflexions de Dona Alberti sur cette fille qui la délaisse et ne prend plus le temps d'écouter sa mère, sur cette romancière qui n'arrive pas à bien finir ses livres, sur ce pessimisme qui semble l'habiter.
À l'inverse, on peut lire entre les lignes le respect de la fille pour cette mère qui se bat, la culpabilité face à ses absences trop répétées, l'admiration pour les paroles qu'elle découvre, la poésie qui émane des enregistrements ponctués de courts poèmes. Alors le roman devient un hymne à l'écriture, à ces mots que l'on ne veut ou ne peut pas dire et qui trouvent ici toute leur puissance, parce qu'ultimes. Une manière aussi de transcender la mort, de «faire l'amour avec l'univers».
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu jusqu'ici! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024». Enfin, en vous y abonnant, vous serez informé de la parution de toutes mes chroniques.


Lien : https://collectiondelivres.w..
Commenter  J’apprécie          300
« Cette résidence est un parterre magnifique et les résidents nos pétales les plus chéris »

Une vieille dame décide de raconter ses journées sur un dictaphone. Elle vit a l'hôtel Paradis et destine ses audios à sa fille Lidia Jorge qui est écrivaine. Elle raconte son quotidien. Ses rêves, cauchemars, et la vie qui coule lentement au fil des jours qui passent.

Superbe monologue d'une fin de vie, Misericordia est le douzième roman paru en France de la romancière portugaise Lídia Jorge. Une oeuvre magistrale portée par la savoureuse traduction d'Elisabeth Monteiro Rodriguez et couronnée du prix Médicis étranger.

« Je suis de ces personnes qui ne pensent pas que l'espoir est le dernier à mourir. Je pense que l'espoir est simplement immortel. ».

Cette passation de la parole, cruelle et drôle, est la plus belle des fidélités. Comment définir l'espoir, le réconfort, la consolation quand la mort s'approche ?

Poétique et presque métaphysique, Misericordia est un beau texte sur la vieillesse, les derniers mois avant la mort..
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
Commenter  J’apprécie          281





Lecteurs (696) Voir plus



Quiz Voir plus

QUIZ LIBRE (titres à compléter)

John Irving : "Liberté pour les ......................"

ours
buveurs d'eau

12 questions
288 lecteurs ont répondu
Thèmes : roman , littérature , témoignageCréer un quiz sur ce livre

{* *}