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Critique de Denis_76


Eschyle fut le premier et le plus grand, selon Kadaré, puis vinrent les petits jeunes : Sophocle et Euripide.
C'est une belle analyse, originale de ce qu'il reste de l'oeuvre du créateur de la tragédie grecque.
Eschyle le Grec est le grand perdant, car, père de la tragédie au Vè siècle avant JC, il ne reste que 7 de ses oeuvres sur une centaine. Une multitude des recherches ont été faites, mais Kadaré pense qu'il a été victime de la censure politique, à tel point qu'à la fin de sa vie, dégoûté, il partira s'exiler en Sicile. Pourquoi la censure ? Les grecs étaient très sensibles au théâtre, il y avait des concours et des émotions, à tel point que lors d'une représentation d'une pièce de Sophocle, les spectateurs ont failli faire une émeute car le « méchant » en faisait trop ; l'auteur a dû monter sur scène pour rassurer les gens en leur disant qu'il serait « puni » dans la scène suivante !
Eschyle s'est-il inspiré, comme Homère, de la riche mythologie et de la guerre contre Troie ? Kadaré penche plutôt pour les fêtes dionysiaques, avec masques, cérémonies de mariage et cérémonies funèbre : un héros ou un couple de héros, un lieu, une scène, un temps limité, des émotions fortes.
Après un passage sur la peine que lui procure la perte de 90 oeuvres d'un poète capital, Kadaré analyse certaines de ses oeuvres d'un point de vue mythologique, mais pense, et c'est là la grandeur d'Eschyle, que toutes ses pièces avaient un message symbolique pour les dirigeants de la Grèce.
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Après un début difficile pour moi, peu fan du théâtre, je me prends au jeu de suivre l'auteur dans son analyse des pièces, analyse, ou plutôt enquête qui ressemble à celle d'un policier, puis Kadaré se lance dans l'interprétation politique.
Sur les sept oeuvres restantes, quatre me semblent finement analysées :
- « Les Perses »
- « Les sept contre Thèbes »
- « Prométhée enchaîné »
- « L'Orestie »
Je ne rentre pas dans les détails, ce n'est pas le propos ici, mais je soulève plusieurs études très intéressantes de l'auteur :
1 ) Les prédictions d'Eschyle, comme l'invasion par l'est, avec « Les Perses » : vers moins 500, les Perses essayent d'envahir la Grèce. Deux mille ans plus tard, les Ottomans assombrissent les journées des Grecs et des Balkans, pour plusieurs siècles.
2 ) le parallèle entre la culture albanaise jusqu'au milieu du XXè siècle, et les agissements des acteurs de la Grèce antique : le Code Coutumier albanais prévoit la dette de sang, « la reprise de sang », c'est-à-dire que si un membre de ta famille est tué, tu dois reprendre le sang en tuant le meurtrier, et c'est ce qui se passe dans les tragédies grecques.
3 ) « La tragédie grecque s'est suicidée » a dit Nietzsche. Oui, affirme Kadaré, ou plutôt, elle est restée en hibernation à cause de la censure politique grecque, et est réapparue grâce à Shakespeare deux mille ans plus tard ( je m'étonne qu'il n'y ait pas un mot de Corneille ou Racine ).
4 ) La question de la Belle Hélène. le poète Homère, VIII avant JC a traité la guerre de Troie dans « L'Illiade », en disant que celle-ci avait été provoquée par l'enlèvement d'Hélène, femme du roi de Sparte Ménélas par Pâris, prince troyen. Or, pour Ismail Kadaré, selon la version d'Eschyle dans « L'Orestie », c'est faux : c'est l'offense de l'invité Pâris à l'hôte Ménélas, plus que le rapt d'Hélène, qui déclenche cette « première guerre mondiale ». Bon, c'est un peu pareil, sauf que Kadaré précise qu'on reprouve là l'article 460 du fameux droit coutumier albanais. L'Albanie, voisine de la Grèce a gardé, surtout dans ses montagnes inexpugnables, son droit Coutumier qui faisait office de constitution, alors que la Grèce, envahie par les Romains, puis par les Turcs, l'a perdu.
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Bref, on apprend plein de choses, et sous un angle différent de l'oeil occidental, dans cet essai 😊
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