Ce très joli conte aux lectures multiples nous emmène au 14ème siècle, en Albanie, sur les rives de l'Ouyane. L'Ouyane est alors sous le monopole de la compagnie des bacs et radeaux, dont le passage rythme la vie de la population locale.
C'est l'Ancien ordre, celui des petits seigneurs qui morcellent ce territoire dangereusement proche de l'empire ottoman, celui où l'homme ne brave pas les contingences géographiques, et où les rapsodes nourrissent l'imaginaire collectif de mille contes et superstitions.
Ce qui se passe ailleurs, à l'extérieur, n'est qu'un échos lointain, dont les signes se manifestent parfois? Des charrettes qui transportent l'Asphalte.
La machination peut alors commencer? de mystérieux personnages, que l'on sent missionnés par l'imposant voisin, viennent proposer de construire un pont, ce que le seigneur concerné accepte.
Des évènements étranges entourent la construction de ce pont. Un épileptique qui fait une crise, la nuits une main ténébreuses détruit ce qui est fait le jour, et ces évènements étranges sont les symptômes de la lutte entre les tenants de l'ancien ordre (la compagnie des bacs et radeaux) et du nouvel ordre (les constructeur du pont).
Tout s'accélère. Des glaneurs de contes utilisent une ancienne légende (et commettent un meurtre, un sacrifice) pour assoir la suprématie des bâtisseurs de pont.
Mais un pont c'est aussi le symbole du passage, du changement. Vers un ordre nouveau, qui circule et palpite, fait de routes, de foires et de ponts, de mouvements. Vers la domination turque qui plane comme une ombre croissante.
Une très belle histoire.
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Je l'ai perdu ce livre, offert alors que j'effectuais un stage sur la construction d'un pont il y a maintenant près de 30 années!
Je le redécouvre et suis toujours enchanté par ce conte. Plus qu'une histoire sur un pont, il s'agit d'un conte sur l'homme, ses aspirations, ses certitudes et aussi ses incertitudes. La bêtise humaine aussi, il ne manque peut-être qu'un peu d'amour. Oui, en fait , il manquerait l'essentiel. Est-ce voulu?
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Je me suis dit qu'il fallait bien tester la littérature albanaise. Je n'aurai pas cru devoir lire un jour l'histoire de la construction d'un pont au 14eme siècle.
Passé le thème de départ de l'histoire, je me suis vite prise à ce récit.
J'ai beaucoup apprécié l'explication du narrateur sur l'utilisation d'une légende à des fins viciées.
Cela montre la force que peut avoir une croyance, car au final le véritable crime n'est pas puni et la véritable histoire se perd au fil des ans.
Surtout l'auteur nous laisse avec ce suspens de l'invasion progression de l'état Ottoman.
La bourgade s'est réveillée et étonnée de l'arrivée d'un pont sans pour autant agir (les gens étaient pourtant sceptiques au départ). Comme un avant goût de la prise de territoire progressive de la Turquie.
Une bonne lecture au final.
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Ce roman court à une saveur unique et bien personnelle. Mélange de texte historique (factice), de légende racontée et de témoignage historique, c'est une histoire très difficile à raconter, car tout l'intérêt de sa lecture ne réside pas dans ce qui est dit, mais dans la façon de le dire.
Le livre est d'une étrange ambiance, flirtant avec l'humour et le drame, la comédie humaine et la politique, dans une période historique propice à la paranoïa et l'inquiétude. Et d'avoir développé tout cela autour de la construction d'un pont qui mélangera les légendes, les conflits locaux, les autorités et les nouveautés d'un monde qui change, c'est proprement génial. Tout cela s'inscrivant dans un ensemble cohérent mais qui n'a valeur que de background, le livre se finissant avant que tout ceci n'éclate en une guerre, par exemple. Et c'est là, à mon avis, la puissance de ce livre : de développer uniquement sur la construction de ce pont, laissant tout le reste en arrière-plan jusqu'au final. Parce que cette construction devient alors aussi mythologique que les légendes à son propos, qui servent le propos historique.
En somme, le livre se présente comme une fiction historique racontant une légende fausse mais sans véritablement délivrer toutes les clés de cette étrange histoire et l'achevant avant de développer plus avant les propos d'arrière-plan. Et c'est cela qui me plait, l'aspect légendaire de l'ensemble mais avec une volonté de raconter une certaine réalité, ou tout du moins ce que le narrateur en perçoit. L'ensemble forme un tout cohérent qui m'a surpris par son efficacité. Une lecture qui est recommandée, parce qu'elle surprend et que c'est tout ce que je voulais d'un livre de ce genre !
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