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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Un superbe roman, écrit tout en finesse et en douceur, c'est tellement beau ! L'histoire se passe dans l'Irlande des années 1825, une époque où les traditions ancestrales étaient encore bien vivantes. Une époque où les croyances au monde magique, celui des fées et autres créatures, faisaient partie de la vie quotidienne des villageois. Tout y était relié. Que l'on parle de malheurs ou de bonne chance, les Bonnes Gens en étaient responsables. Pour eux, la religion et le monde magique sont deux choses différentes. Au lieu de parler d'anges, on parle de fées. D'ailleurs le curé n'approuve pas du tout ces pratiques et ces croyances ! Mais au fond, le résultat est le même. Que ce soit la volonté de Dieu ou des gobelins d'empêcher les vaches de produire du lait ou les poules de pondre, ça ne change pas grand-chose...

Ici, la grand-mère Nora tente par tous les moyens de récupérer son petit-fils, dont elle croit que le corps est possédé par une de ces créatures. Elle veut le sauver et retrouver le petit garçon tel qu'elle l'a connu il y a de cela quelques années. Pour ce faire, elle fait appel à la guérisseuse de la région, Nance Roche, reconnue pour ses bienfaits mais aussi crainte par les villageois à cause de sa différence et le fait qu'elle vive recluse, en dehors du monde. Au fur-et-à-mesure que l'histoire avance, on peut voir à quel point les superstitions peuvent aller loin et avoir un impact réel sur la vie des gens ! le commérage va bon train. Et le curé qui s'en mêle...On a presque l'impression de revenir au temps des sorcières !

C'est une histoire passionnante, fort bien documentée probablement, qui nous fait apprendre des tas de choses tant sur la nature de l'île que sur les superstitions irlandaises de l'époque. Une histoire choquante aussi de voir à quel point les gens peuvent être crédules. Mais cela est fait d'une façon respectueuse et on a toujours envie d'aller voir plus loin, de connaître l'issue, et les personnages sont tantôt attachants, tantôt haïssables...

Et surtout, c'est d'une belle qualité de plume ! Presque poétique. J'ai adoré "Dans la Vallée" et le recommande sans hésiter ! Une pépite, vraiment !
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Mon coup de coeur pour "A la grâce des hommes" et la plume de Hannah Kent combiné à mes rêves, mes désirs d'Irlande m'ont mise logiquement sur le chemin de "Dans la vallée".
Oui, je sais... ce titre qui donne envie de chanter, qui met tout de suite en tête les premières notes de ce tube qu'on connaît tous encore par coeur, le vent qui souffle sur les plaines de la Bretagne Armoricaine, tout ça… Mais de grâce, oubliez Manau, au moins le temps de rencontrer Norà, Micheàl et la vieille Nance, Mary... Oubliez les et laissez vous envouter par cette histoire tragique, sombre, étouffante... mais fascinante également, enchanteresse pour le meilleur et surtout pour le pire.
1825, sud de l'Irlande. Une vallée isolée, battue par les vents et la famine. Un hameau, à peine un village, niché au creux de la tourbière. C'est ainsi et c'est ainsi que le décor est planté. Ici la pauvreté et le froid se déchirent la survie des habitants que la misère enserre dans ses griffes. La mort aussi et elle frappe d'ailleurs dès le premier chapitre du roman puisqu'il s'ouvre avec celle de Martin, un homme brave et vigoureux, tombé comme par enchantement à la croisée des chemins. Ses compagnons s'empressent alors d'aller annoncer la pauvre nouvelle à sa veuve Norà, que le chagrin transperce. Peu à peu, les voisins et les amis défilent dans la modeste chaumière de cette femme un peu sèche que la fatalité vient d'assommer qui pour la veillée funèbre, qui pour la soutenir et lui apporter un peu de nourriture. Norà, elle , préférerait être seule: pour pleurer bien sûr et parce qu'elle a honte de Micheàl, le petit-fils que Martin et elle avaient recueilli après la mort de leur fille unique. L'enfant, en effet, est étrange, différent: malingre, il ne parle ni ne marche. Parfois, en revanche, il hurle et ses grands yeux sont un peu fiévreux et se promènent étrangement sur ce qui les entourent. Alors oui, Norà a honte et elle tente par tous les moyens de cacher ce gamin que Martin aimait mais qu'elle ne parvient à aimer.
Dans le village, en proie aux superstitions et à la misère, il n'y pas grand chose de plus que les contes et les commérages pour se distraire le soir à la veillée et bientôt ces derniers vont bon train: d'étranges lumières auraient été aperçues juste avant la mort de Martin et après tout on n'a jamais pu expliquer la mort de la fille du couple... Si Micheal est anormal, ce n'est peut-être pas un hasard... Et les poules qui ne pondent plus, les vaches qui ne donnent plus de lait... Cela a commencé quand l'enfant est arrivé dans la vallée. Suivez mon regard... Il est tellement étrange...
Norà cède à la panique mais nul ne peut l'aider: ni le médecin, ni le prêtre. Elle se tourne alors vers Nance, Nance Roche. La vieille femme vit en marge du village, dans une cabane enclose entre les bois et la rivière, c'est une guérisseuse qui connaît le pouvoir des plantes et des fairies en lesquels elle croit fort, comme d'autres croient en dieu. Alors que l'ancien prêtre la tenait en haute estime, le nouvel arrivant ne voit en elle qu'une folle, une sorcière, une païenne et elle est de plus en plus traînée dans la boue par ceux-là mêmes qui faisaient appel à ses services, la respectaient, croyaient en elle et en sa proximité avec les fairies, les créatures des légendes et des temps anciens...
Chaque jour au village la misère avance, un accouchement vire au tragique et la faim tenaille les estomacs et chaque jour, les gens s'en prennent davantage à Nance, "sorcière" qu'ils crient tous!
Elle pourtant chemine, avance, fait ce en quoi elle croit et elle peut aider Norà: Micheàl n'est pas son petit-fils, non, c'est un changeling, une créature féérique qui a pris sa place. Et elle, Nance Roche, sait comment faire revenir le véritable petit garçon.

Encore une fois et dans une langue toujours très belle qui fait la part (très) belle à la nature, aux arbres, aux fleurs et au chant des sources, Hannah Kent nous offre un roman poignant à l'extrême et très immersif. L'atmosphère qui se dégage du roman est certes envoutante, elle confine à la fascination mais elle est aussi lourde, pesante, étouffante. Quant aux personnages, ils sont complexes, profonds et si attachants que j'ai été touchée par le destin de chacun d'entre eux (à l'exception du prêtre!), émue, poignardée. Oui, ils font des erreurs et certains de leurs choix ne peuvent qu'angoisser, que terrifier mais quel empathie on éprouve alors à leur égard! C'est d'ailleurs étrange et parfois inconfortable d'avoir cette compassion pour Norà face aux maltraitances dont elle se rend coupable ou pour Nance dont les rituels sont souvent cruels... Oui mais ces deux femmes sont des fruits de leur époque, de leur société et elles ne font que ce qu'elles pensent être juste, bien. le personnage de Nance m'a particulièrement brisée le coeur, déchirée tant je l'ai trouvé émouvant, complexe avec les pans de son passé que la narration nous révèle progressivement...
J'ai vraiment adoré cette lecture qui va bien au-delà de la figure de la sorcière (que par ailleurs j'affectionne tout particulièrement) et qui interroge le folklore, les croyances mais aussi la rumeur ou encore le deuil. C'est un roman qui ne se contente d'être magnifique et émouvant mais qui a aussi une véritable portée ethnologique et c'est passionnant. A noter qu'il est d'ailleurs inspiré de faits réels et d'un procès qui fit du bruit en son temps et de l'histoire tragique de Bridget Cleary... J'aurai volontiers poussé un peu cette étrange exploration en lisant des ouvrages "scientifiques" sur le folklore irlandais à l'épreuve de la société mais malheureusement, les références que proposent Hannah Kent n'ont pas été traduites... Pas encore.
En attendant, je relirai les légendes.



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Hannah Kent est une grande écrivaine. Après le très bon "A la grâce des hommes", elle récidive et la première impression se confirme.

Il encore question de femmes, dans cette Irlande rurale du début du XIXème siècle. Mais quelles femmes ! le roman tourne autour de trois personnages et des croyances ancestrales qui cimentent encore cette petite société qui vit de peu, à la lisière de l'indigence et du malheur.

Et du malheur, Nora Leahy va en connaître. Après avoir perdu sa fille, son mari décède, et elle se retrouve seule avec son petit-fils de quatre ans, un enfant qui n'a pas l'usage des jambes et qui ne parle pas, qui braille toutes les nuits et se souille à longueur de journée. Or, lorsqu'elle l'avait vu, deux ans auparavant, il croissait normalement.

Et c'est là qu'entre en jeu les esprits, les "bonnes gens", ceux qui ont échangé son petit-fils contre cette créature.

Aidée de Mary, pour les tâches quotidiennes et la tenue de la ferme, et de Nance, la guérisseuse qui possède la don, elle tentera de récupérer son petit-fils.

L'ambiance de cette terre dure, cette vallée un peu isolée, qui a forgé les caractères est soigneusement restituée. le conflit ouvert entre les anciennes croyances populaires et la religion catholique porteuse d'émancipation est permanent. Ce conflit va irriguer toute la société, les relations entre ses membres et les prétextes qui permettent de faire porter la faute de ses malheurs sur l'autre.

Avec ce roman, on oscille sans cesse d'un monde à l'autre. Parfaitement maîtrisé, le récit est captivant porté par des personnages dont on atteint l'âme profonde. Et malgré la cruauté générale de l'environnement, de l'époque et de sa structure (notamment la place des femmes de ce monde là) on aime ces femmes au destin tragique.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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Dans la vallée est un roman qui restera longtemps gravé dans ma mémoire de lectrice. Hannah Kent s'inspire d'un fait divers survenu en Irlande au XIXème siècle pour nous raconter une histoire à la fois fascinante et glaçante, celle de Nora et de Micheal son petit-fils infirme.

Le premier chapitre du roman donne le ton: Nora vient de perdre son mari, Martin. Elle se retrouve seule dans sa pauvre chaumière avec Micheal, son petit-fils qu'elle a adopté après le décès de sa propre fille. L'atmosphère est pesante. Il pleut, il fait noir, le mort est exposé dans la chambre. Les hommes et les femmes du village viennent lui rendre un dernier hommage dans la fumée des pipes et l'odeur de l'alcool local, le poitin. le décor empli de pauvreté et de misère est planté.

Rapidement, on commence à murmurer, à répandre des rumeurs sur la mort de Martin. On l'aurait vu tomber au croisement de deux chemins, près d'un site dédié au petit peuple. On aurait vu des pies et des corbeaux ayant un étrange comportement peu avant qu'il ne meure. Et si les fées y étaient pour quelque chose?

Nance Roche, figure reclus et exclue du village, guérisseuse, interlocutrice privilégiée du petit peuple, vient jeter un voile mystérieux sur cette mort qui devient de plus en plus suspecte lorsque les habitants découvrent le mal mystérieux qui habite Micheal.

Hannah Kent nous emmène au coeur d'une Irlande partagée entre deux croyances: la religion catholique prend de plus en plus d'importance et d'ascendant, tandis que la tradition folklorique des fées et du petit peuple perd de son intensité. Elle raconte à la perfection ce tournant dans la foi des Irlandais. Il y a toutes les traditions, tout ce folklore qu'on continue à perpétuer malgré tout: les cendres dans les poches pour se préserver des tours joués par le petit peuple; le fer croisé sur le berceau du bébé pour l'empêcher d'être enlevé et remplacé par un changelin. Et puis il y a la religion catholique qui prend de plus en plus d'importance sur ces croyances qui deviennent dépassées, ridicules, d'un autre siècle.

L'auteur prend son temps pour poser la situation et montrer l'enjeu de ces croyances qui se télescopent. Nora et son petit-fils vont cristalliser toutes les peurs et toutes les superstitions. Peu à peu, l'atmosphère du roman devient pesante et lourde et sombre. Nora, en essayant de guérir son petit-fils, va se livrer à des actes de plus en plus extrêmes. Nous autres, simples lecteurs, assistons à une progression lente mais inexorable du drame qui se profile à l'horizon sans que nous puissions agir. En lisant ce récit, on ne peut que frissonner.

Nance Roche incarne à la perfection ce déchirement entre deux fois: guérisseuse, accoucheuse, on fait appel à elle pour soigner, pour contrer les mauvais sorts; on la rejette lorsqu'elle échoue, l'accusant de sorcellerie. Figure d'exclue, Nance est un personnage très mystérieux qui va tenter d'aider Nora. Elle se situe à la frontière: est-elle folle ou possède-t-elle le don? Les pages qui accompagnent ce personnage sont très belles et rendent hommage à la nature majestueuse et redoutable.

Dans la vallée est assurément un très beau roman, parfois contemplatif, qui entraîne le lecteur au coeur des croyances irlandaises entre folklore et superstition.
Lien : https://carolivre.wordpress...
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Dans la vallée était le titre qui m'interpellait le plus lors de sa publication au moment de la rentrée littéraire de septembre. C'est l'avis très enthousiaste de Carolivre qui m'a poussée à l'acquérir dès que l'occasion se présenterait… ce qui n'a pas tardé ! Sitôt acheté, sitôt entamé. Et quelle émotion lors de cette lecture !

Campagne irlandaise, 1825. le décor est posé. Misère sociale, grande pauvreté, froid, humidité, superstitions, curé de campagne influent… le lecteur sait dès le début, qu'il ne va pas franchement se marrer. Et ce n'est pas le premier chapitre qui va nous détromper puisque dans celui-ci, Nora apprend que son mari Martin est mort subitement à la croisée de deux chemins.
Dorénavant veuve, elle doit subvenir à ses besoins et à ceux de son petit-fils infirme de 4 ans : le petit Micheal (et non pas Michael), recueilli après la mort étrange de sa mère. S'en suit une très longue veillée funèbre pendant laquelle de très nombreux proches et voisins s'invitent dans la très modeste chaumière, apportant avec eux nourritures et boissons. Envahie dans son intimité, Nora ne pense qu'à une chose : cacher ce petit-garçon dont elle a honte.

Mais les habitants du coin cancanent et les commérages sont de plus en plus bruyants. Des lumières ont été aperçues juste avant la mort subite de Martin et d'ailleurs, la fille du couple n'est-elle pas elle-même morte dans des circonstances étranges ? Et le petit-fils est anormal ! C'est sûr, les fairies sont derrière tout ça ! Si les vaches ne donnent plus de lait, si les poules ne pondent plus, c'est depuis que le petit Micheal est arrivé ; tout est de sa faute !
Ne trouvant aucune aide autour d'elle, ni auprès des médecins ni auprès du curé, Nora se tourne vers la seule personne qui veut bien l'écouter et lui proposer une solution : Nance Roche, la vieille femme guérisseuse des environs. Autrefois louée par l'ancien homme d'église du coin, souvent appelée pour ses dons, Nance est de plus en plus traînée dans la boue. Lorsqu'elle guérissait, elle était tenue en grande estime pour ses dons et sa proximité avec les fairies (les Bonnes Gens) ; alors que des accouchements se passent mal et que la misère prend un peu plus de place, elle est reléguée au rang de sorcière jeteuse de malédictions. Pour elle, Micheal n'est plus le petit-fils de Nora ; c'est un changeling qui a pris sa place… mais elle sait comment faire revenir le véritable petit garçon.

Hannah Kent nous offre ici un roman d'un réalisme poignant. L'atmosphère est lourde, l'ambiance est pesante. Grâce à des descriptions minutieuses mais jamais inutiles, l'autrice propose un bond dans le temps. Les petits chaumières sans fenêtre, remplie de courants d'air et d'humidité ; les vêtements trempés par la pluie, le feu de tourbe qui produit beaucoup de fumée mais peu de chaleur, la faim qui tenaille le ventre malgré les pommes de terre consommées à tous les repas, la douleur d'un accouchement par le siège sur un sol jonché de paille… et tous les rituels pour chasser le mauvais oeil, plaire aux fairies, s'attirer la chance ou maudire le voisin. On s'y croit. C'est terriblement immersif.
On s'y croit tellement que j'ai été plus qu'émue par le sort de tous les personnages rencontrés dans ce roman et si j'en ai détestés quelques-uns : le nouveau curé accompagné de quelques-unes de ses ouailles ; j'ai au contraire eu beaucoup d'empathie pour les autres malgré les erreurs qu'ils font et les décisions terribles qu'ils prennent. Impossible pour moi d'en vouloir à Nora qui maltraite ce petit-fils qui n'est plus le sien, elle en est persuadée… et pourtant, impossible de rester insensible face à des scènes véritablement cruelles liées à des rituels principalement orchestrés par Nance Roche. Nance Roche parlons-en. Comment ne pas être touchée par cette vieille femme, animée des meilleures intentions, désirant véritablement utilisée son don pour faire le bien autour d'elle et qui reçoit beaucoup de malveillance en retour. La figure de la Sorcière, on est en plein dedans ! Et pourtant, c'est aussi à cause (en partie) de ses rituels, de ses convictions les plus ancrées, que le drame survient.

Que de douleur, chagrin, colère et parfois même espoir pendant cette lecture ! Que d'émotions ! J'avais tellement envie de croire, moi aussi, que les fairies étaient derrière tout ça et que Micheal était bien un changeling laissé là par les Bonnes Gens. Une telle ambiguïté se dégage de cette campagne irlandaise que malgré ma condition de lectrice du XXIe siècle au fait du rachitisme et d'autres maladies scientifiquement prouvées par la médecine, je ne peux m'empêcher de me laisser séduire par toutes ces superstitions qui peuplent encore les terres d'Irlande aujourd'hui.

Et j'ai plus que jamais envie de lire d'autres romans mais aussi d'autres études sérieuses au sujet de ces Bonnes Gens, de ce Petit Peuple (The Good People) dont l'utilisation fréquente dans le folklore celte est intimement liée à la société qui l'emploie. C'est passionnant sociologiquement et ethnologiquement !
D'ailleurs, je ne l'ai pas encore signalé, mais Dans la vallée est basé sur un fait réel dont le procès a été assez retentissant (le petit garçon s'appelait Michael !). Comme l'affaire de Bridget Cleary !
Lien : http://bazardelalitterature...
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Voilà une vraie claque, un roman que je viens de finir, qui m'a bouleversée, et qui restera l'une de mes plus belles découvertes de l'année.

En préliminaire, un petit mot sur la couverture du livre qui est juste magnifique et qui a attiré irrésistiblement mon oeil à la librairie.

Irlande, 1825. Nóra Leahy, nouvellement veuve, finit par être persuadée que le petit-fils infirme dont elle s'occupe, Micheál, est un changelin et qu'avec l'assistance de Nance Roche, guérisseuse, elle pourra faire revenir le petit garçon du pays des Bonnes gens.

Dès les premières pages, Hannah Kent nous plonge dans la campagne irlandaise du 19ème siècle. le quotidien est rude, malgré une communauté soudée autour d'une hospitalité sans faille, et rythmé par les traditions.

L'auteure tisse sa toile de façon lente et poétique, à la façon des
longues soirées d'hiver au coin du feu, avec une rare maîtrise.

Les personnages sont dépeints avec une finesse incroyable qu'ils soient principaux ou secondaires.

Les pages défilent et je me suis trouvée face à une lecture touchée par la grâce mais difficile.

En effet, difficile de ne pas entendre le désarroi d'une grand-mère qui finit par être persuadée que ses tourments pourront être réglés lorsque le changelin qui a pris la place de son petit fils sera rendu aux siens.

Difficile de ne pas comprendre Nance qui est intiment persuadée de son pouvoir et du bien qu'elle peut rendre aux gens.

Difficile de ne pas s'attacher comme Mary, engagée pour s'occuper de l'enfant, à ce petit garçon.

Difficile, enfin, de ne pas être ulcéré par le traitement qui lui est réservé...

Un bon roman se lit avec plaisir, un excellent roman se lit avec plaisir et ne s'oublie pas. "Dans la vallée" fait définitivement partie de la dernière catégorie et je vous le recommande encore et encore.
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Lire Dans la Vallée, c'est marcher pieds nus dans l'herbe grasse, la boue qui s'insinue entre les orteils. C'est subir les assauts réguliers des trombes de pluie. C'est le vent froid qui balaie la vallée.
C'est la campagne irlandaise désolée, aux masures au sol de terre battue, éparpillées sur les coteaux. C'est la brume matinale qui les cache à la vue et nous laisse esseulé·e avec le petit être qui hurle entre nos murs.
Ce sont les vaches qui ne donnent plus de lait, le beurre qui ne monte plus quand on le baratte.
Ce sont les médisances murmurées autour du puits, les discussions qui s'arrêtent quand on approche pour tirer de l'eau, les regards inquisiteurs.

C'est le feu qui crépite dans la cheminée, le tison qu'on enfonce dans sa poche, en protection. Ce sont les pipes qu'on bourre et les discussions à la chaleur des flammes.
C'est la magie de la nature, le pouvoir des plantes, connues de quelques seules. C'est voir ce qui est caché.
C'est ramper nu·e à reculons sous un bosquet d'aubépines, y murmurer une langue inconnue et jeter des piseógs, des mauvais sorts.
C'est chevaucher avec les Bonnes Gens, être emporté·e par les Fairies, et ne pas revenir. Ou alors changé·e.

Lire Dans la Vallée, c'est lire trois femmes. Une veuve à qui l'on confie un petit-fils qu'elle ne reconnaît plus et dont elle ne sait pas quoi faire. Une jeune fille qui loue ses services et se retrouve à veiller sur un être bien étrange. Une vieille femme qui a le don, qui sait soigner les maux ordinaires comme ceux imputables aux Fairies.
C'est un village pauvre où la main et la parole compatissantes ne sont jamais bien loin de la langue acérée et du poing fermé. C'est le nouveau curé qui tente de balayer les superstitions qui y ont cours pour n'y laisser que le Christ.
C'est le petit Micheál, qu'on tient caché. Lui, ses jambes malingres, ses pleurs incessants et son appétit vorace, qui n'ont rien d'humain.

Lire Dans la Vallée, c'est lire l'habile mélange entre fiction et faits historiques, entre réalité et superstitions, un récit qui nous happe et ne nous lâche plus, où le fantastique du folklore, palpable, darde le bout de sa langue pour chatouiller nos oreilles et mordre nos doigts.
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J'ai été totalement absorbée par ma lecture au fin fond de l'Irlande et en plein coeur de la superstition et de son Folklore. Dès le deuxième chapitre, l'auteur lance le tempo avec cette atmosphère mystérieuse et hostile qui devient de plus en plus lourdes jusqu'àl'apothéose. J'en suis même venue à douter de la problématique que l'auteur voulait soulever. Jusqu'au bout j'ai fait fausse route. J'en suis venue à détester pratiquement tous les personnages sauf Nance que j'ai trouvé très touchante et forte. Et c'est la force de ce roman, cette description des lieux, des personnages forts, la magie qui réside dans cette vallée où clairement je n'aurais pas aimé vivre. Ca fait froid dans le dos de savoir que c'est basé sur des faits qui se sont passées et qui se passe peut-être encore quelque part dans le monde. Une lecture passionnante que je ne peux que recommander. Les 535 pages sont passés en un éclair.
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DANS LA VALLEE est une extraordinaire découverte. Une de celle qui marque au plus profond de soi. Après un début très compliqué, je suis sortie de cette lecture abasourdie et ébahie.


DANS LA VALLEE s'inscrit dans ces romans intemporels. Ceux qui relatent avec passion, réalisme et honnêteté la vie oubliée des contrées lointaines. Hannah Kent plonge le lecteur au coeur d'un village désoeuvré d'une Irlande démunie. Un village où survie et bravoure se côtoient impitoyablement. Un village niché dans une vallée battue par les vents où le soleil écrasant alterne avec l'hivers rigoureux, entouré de montagnes. Des champs à perte de vue, des chemins de terres, des chaumières de terres et de joncs, des feux de tourbes, des vaches, des jardins de pommes de terre, un puits, ô lieu de rencontre féminine, un forgeron, une église, une guérisseuse. Tableau loin d'être idyllique d'un monde rural et rude. Les médecins sont quasi inexistants et sont véritablement hors de prix. Lorsque la maladie frappe, les paysans s'en remettent à l'Eglise où alors vont voir en toute discrétion la guérisseuse. Nance Roche vit à l'extérieur du village avec sa chèvre et ses poules. Sa chaumière est à l'image de sa propriétaire : ordonnée, propre et accueillante. Des herbes, fleurs et plantes sèchent et diffusent une agréable odeur. L'herboriste connaît méticuleusement les plantes qui doivent être associer aux maux. Nance Roche, vieille femme aux yeux voilés par les années et la dureté de la vie, possède également le don. Un don aussi étrange que nécessaire : celui de comprendre le monde caché où vivent les Fairies, les Bonnes Gens. Les croyances et les légendes peuplent les rituels, le quotidien et les soirées autour du feu. C'est un monde craint de tous. Les arbres d'aubépines sont leur royaume, les nuits leur monde, les rivières, les arbres leur terrain de jeux et les humains leur pitance. Ils s'en prennent aux mortels en leur jouant de mauvais tours et peuvent également s'en prendre aux plus petits d'entre eux en les enlevant et en mettant à leur place des êtres curieux et abominables, des changelin.


C'est ce que croit dur comme fer Nora Leahy au sujet de son petit fils de quatre ans. Micheal était un petit garçon tout à fait normal lorsque petit à petit il a arrêté de parler et de marcher. Ses jambes se sont peu à peu atrophiés. Ses nuits sont devenus le berceau de cris épouvantables. Un monstre ! Un être abominable ! Un changelin ?! Nora est convaincue que ce n'est plus son petit fils et les Fairies l'ont emporté dans leur royaume laissant à sa place cette chose. Aidée de sa servante Mary qui s'occupe du petit Micheal, Nora décide de faire appel à Nance dans le but de retrouver son enfant. Nance lui assure qu'après plusieurs méthodes, elle le retrouvera tel qu'il était quelques années plus tôt.


Entre superstition et réalité, le gouffre est immense. le danger guette. Les rumeurs circulent. le curé éructe. Les aléas et la pauvreté malmènent un village qui ne sait plus où donner de la tête. Tous les maux semblent provenir de Nora et sa famille et de Nance Roche. Qu'en sera t'il des conséquences ? Désastreuses ou merveilleuses ?


Hanna Kent de sa plume poétique et exigeante transporte le lecteur aux côtés de ces villageois qui mènent une vie loin de tout repos. Elle relate avec audace ses vies aussi extraordinaires qu'éprouvantes et désobligeantes. de descriptions en descriptions, d'événement en déconvenues, des drames à l'espoir, ce roman est une pure merveille. Celle où la réalité joue avec la frontière de l'irréel, celle où l'horreur remplace l'irrationnel, celle où l'espoir donne un but ultime : la normalité. La normalité dans un monde emprunt de rites et de croyances d'un autre âge. Ce monde en confrontation perpétuel avec la modernité qui règne dans les plus grandes villes. Un monde méconnu qui n'est plus. Un monde cruel et effrayant. Un monde inquiétant.


DANS LA VALLEE est un livre choc. Ne pas y être insensible est impensable. J'ai vite été embarquée dans un univers aussi étrange que prenant. Cette virée dans ce monde m'a bouleversée.
Lien : https://lesmisschocolatinebo..
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Née en Australie en 1985, Hannah Kent s'est fait connaître avec À la grâce des hommes (Presses de la Cité, 2015), son premier roman, best-seller international. Elle est cofondatrice et rédactrice en chef de la revue littéraire Kill your darlings. Dans la vallée est son deuxième roman.
Inspiré de faits réels, Dans la vallée est un roman sur le folklore irlandais, les croyances populaires et la vérité, celle que nous pensons connaître et celle à laquelle nous voulons croire. Avec ce deuxième roman à l'atmosphère sombre et poétique, Hannah Kent confirme, si besoin était, son exceptionnel talent de conteuse et sa remarquable maîtrise de la langue.
Construit comme un suspense psychologique, son roman montre à quel point le folklore irlandais était (et demeure) un système de croyances populaires extrêmement complexe, d'une ambigüité terrifiante. À travers l'histoire bouleversante de Micheál Kelliher, c'est le destin de tous les habitants des campagnes irlandaises du XIXème siècle dont il est question dans le roman de Hannah Kent.
Grâce à un talent de conteuse hors pair, l'auteure fait revivre la vallée et le comté de Kerry. Insalubrité, dénuement, malnutrition, épidémies… On se rend vite compte à quel point il est difficile de survivre dans des conditions aussi précaires et sordides. Peu ou pas éduqués, les habitants de ces régions défavorisées n'ont aucun espoir de s'extraire du quotidien crasseux auxquels ils sont destinés. Beaucoup d'entre eux sombrent dans l'alcoolisme et/ou cèdent aux croyances populaires et aux superstitions qui imprègnent ces campagnes arriérées et opèrent dans des circonstances radicalement différentes de celles que connaissent la plupart des membres de nos sociétés modernes, éclairées et cultivées. C'est sidérant de réalisme !
« Toutes ces histoires de Fairies et de Peuple invisible… Pour sûr, certaines personnes préfèrent se raconter n'importe quoi plutôt que d'affronter la réalité en face. »
Hannah Kent a construit son roman comme le témoignage d'une époque. Mêlant intimement la fiction aux faits historiques, il est alors impossible au lecteur de distinguer quels sont les faits avérés de ceux qui servent l'intrigue, ô combien poignante, de son roman. L'ensemble sonne si incroyablement juste et certaines scènes sont si troublantes, si dures et si révoltantes qu'on en arrive à mieux comprendre pourquoi Nance Roche est devenue cette vieille femme solitaire et marginale, au comportement si indomptable ! C'est tout simplement captivant !
« Les actes pétris d'ignorance des inculpées prouvent leur appartenance à une classe marquée par une immoralité innée ou acquise. Cependant, ce qui ressort de cette affaire n'est pas la cruauté, mais bien l'irrésistible impression et la probabilité écrasante d'un faible niveau intellectuel combiné à des passions extrêmement fortes, et à la nature la plus vile. »
Dès les premières pages, attendez-vous donc à être projeté dans les campagnes irlandaises du XIXème siècle, en compagnie de personnages qu'il vous sera très difficile de quitter. En dépit de leur pitoyable ignorance intellectuelle et morale, vous vous attacherez forcément à ces gens de peu, que Hannah Kent a su rendre, malgré la peur et le dégoût qu'ils inspirent parfois, attendrissants et touchants.
Dans la vallée est un pur bijou, aussi sombre et brumeux que la campagne irlandaise que Hannah Kent décrit. Un roman à lire absolument !
Lien : http://histoiredusoir.canalb..
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