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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Funeste méprise par Imre Kertész

L'écrivain magyar, grand ami de László Krasznahorkai, décide de déplacer l'intrigue de “Roman Policier” en Amérique Latine mais, ne nous y trompons pas, l'implacable, l'aveuglement, l'arbitraire et la bêtise des automates de la police politique du régime totalitaire fictif dépeint par le Prix Nobel de Littérature est bien celle de sa Hongrie communiste.

Le Père et le fils Salinas sont a priori bien loin d'être les plus à plaindre dans cette nouvelle dictature, la bourgeoisie est souvent plus épargnée, grâce aux réseaux que son argent lui assure. Une question se pose alors : pourquoi lutter ? La réponse est capitale car “il faut savoir pourquoi on lutte. Sinon ça n'a pas de sens. En général on lutte contre le pouvoir en place pour prendre soi-même le pouvoir. Ou bien parce que le pouvoir en place représente une menace de mort” souligne le père Salinas. Dès les premières pages nous apprenons qu'ils ont fait l'objet d'une enquête policière aux méthodes difficilement soutenables…

“Je déteste la cécité, les faux espoirs, la vie végétative, les esclaves qui soupirent de bonheur pour peu que le fouet les épargne pendant une journée”. Les aspirations romantiques d'une jeunesse perdue coté Enrique Salinas, la duplicité brutale d'un régime qui ne laisse rien au hasard du coté du flic Diaz. Mais, pris dans une course infernale, ce régime pour qui la fin justifie les moyens atteint ce paradoxe ultime où il n'y a même plus de fin…. juste des moyens odieux.

“D'abord le pouvoir, et ensuite seulement la loi." Kertész ne se considérait pas comme un écrivain engagé, et nul n'est besoin d'autre engagement que celui de cette écriture de chair et de sang. Ce n'est pas tant le roman qui est policier c'est l'Etat qu'il dépeint. Dans son ton original, un poil sardonique, et sa construction captivante, ce court ouvrage est à mettre entre les mains de tous les amoureux de la liberté, de la justice et ses garanties qui y trouveront des pages difficiles et révoltantes mais pourtant nécessaires.

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Un grand merci à ASAI, qui par ses critiques enthousiastes, m'a donné envie de découvrir cet auteur hongrois nobellisé.
A mon grand étonnement, j'ai découvert que ma bibliothèque n'avait qu'un seul de ses livres, ce "Roman policier".

Ce livre est glaçant, cynique et tellement vrai.
Imre Kertesz situe son court roman dans un pays d'Amérique du Sud non nommé. On comprend bien que c'est son seul moyen de passer la censure hongroise des années 70. Car le roman est une critique très acerbe d'un régime dictatorial. Ce qu'était son pays à ce moment-là.
L'auteur aborde plusieurs thèmes, le choix, la raison de vivre, l'engagement à travers le personnage d'Enrique qui veut changer de société.
Et la violence, l'oppression, la torture... à travers le personnage du policier Martens.
La fin est d'un cynisme absolu, violent.
L'écriture est magnifique, l'auteur s'interroge et nous interroge en si peu de pages. Un livre qui pousse à la réflexion....

Je sens que je vais faire une commande auprès de ma librairie pour découvrir d'autres textes de cet auteur.
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L'homme face à la barbarie; la vie d' Imre Kertész a été ponctuée de multiples tyrannies, les camps de concentrations, la domination de l'Urss sur les pays de l'Est....
l'Auteur transpose ce roman dans un pays d'Amérique du Sud afin de le voir publié en Hongrie, il fait du bourreau une victime du régime en place dans un récit sarcastique par ce retournement des valeurs.
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C'est vrai que c'est une histoire simple. Et même si on la trouve révoltante, "ça ne changera rien à sa simplicité". C'est ainsi que le locuteur de ce récit présente son histoire.
Simple flic, à la criminelle, il faisait correctement son métier de policier. Quelque peu las "des assassins, des cambrioleurs et de leurs putes", il accepte d'intégrer un nouveau corps "La Corporation", pour le changement, un meilleur salaire et avec en ligne de mire un hypotétique avancement. de fait , il se retrouve embrigadé dans l'armée de tortionnaires que le nouveau régime dictatorial a mis en place, entre un chef, fin politique sans scrupules et un bourreau créatif.
Et c'est là que Imre Kertesz, en phrases simples,décrit le processus par lequel n'importe quel quidam peut être innocemment entraîné et broyé. Ce policier, du moment qu'il avait accepté sa "mutation", ne pouvait plus faire marche arrière. Deux phrases reviennent dans son texte : "au début, on se croît très intelligent et on pense pouvoir maîtriser les événements, et après on veut juste savoir où diable ils nous entraînent." et "c'est la loi de notre métier, le chemin du retour mène toujours vers l'avant". Et c'est sa descentes aux enfers, bon exécutant, qui s'anesthésie par ses maux de tête.
La suite de son récit, c'est celui de la chasse et la curée d'un père et de son fils, chasse à laquelle il a participé comme frappé d'autisme. Il écrit pour comprendre, retrouver la "logique" qu'il avait perdu au moment des faits.
Enrique est un jeune homme plein de rêves, un naïf qui voudrait faire quelque chose, qui souhaite s'engager dans une lutte dont il n'a pas les capacités pour y faire face. C'est bien pour cette raison, que ses condisciples de faculté ne l'intègre pas dans leur action. Et ils ont bien raison. Parce qu'en pire, il écrit et décrit tous ses états d'âme dans son journal. Son père, en essayant de le protéger va précipiter l'un et l'autre vers une mort aussi certaine qu'inutile.

Quand Imre Kertész publie ce court roman son pays subit une dictature et en Amérique du Sud, c'est le même régime militaire de l'Argentine au Chili. de part son histoire personnelle il a vécu dans un camp d'extermination et connait bien, a su décrypter le processus. Comment échapper ? Echapper à l'oeil policier . parce que dès cet oeil se pose sur quelqu'un(e) il est perdu. On ne peut pas. Il faut attendre que le temps s'écoule en sachant qu'un jour cette junte là aussi sera défaite. Ou les combattre. Mais attention, il faut être aguerri.
Sur la description de ce processus, il existe beaucoup de littérature : il faut dire que le vingtième siècle a fourni de "la matière" ! Ici, l'auteur installe le lecteur dans une quotidienneté effroyable et dresse des portraits d'une rare éloquence, comme celui de l'indicateur, "une sangsue capable d'enthousiasme". Inutile d'ajouter des mots pour montrer la cruauté ou la veulerie ou la désespérance . Les personnages se positionnent impulsés par ce qu'ils sont. Ils ne choisissent pas, se laissent plutôt glissé en fonction de leurs pulsions. Ceux qui choisissent : le chef Diaz, le tortionnaire, le Colonel, les Rebelles sont des hommes d'action.
Tout de même, un sacré clin d'oeil d'avoir réussi à publier un roman aussi lucide sur les régimes dictatoriaux sans que la censure existant à l'époque ne s'y oppose.
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Super petit roman qui nous plonge dans la police sous une dictature.
L'histoire est courte mais très bien écrite.
L'absurdité des ordres et le manque de discernement de ceux qui les appliquent en y ajoutant un manque de jugement personnel et une lâcheté complète. On y voit aucune justice, une hiérarchie fantôme et pas d'humanité.
Des ressemblances surprenantes avec nos "démocraties"(sur ces dérives) que ce roman nous pousse à combattre.
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" Descente - arrestation - interrogatoire - élimination - ", tels sont les maîtres-mots qui régissent et rythment le quotidien de - la Corporation -, cette police d'Etat au service d'une dictature, j'ai envie de dire de toute dictature.
Car si l'ironie a voulu que le sort de - Roman policier - ne soit pas confié à la censure hongroise, et puisse voir le jour à l'époque où le Kremlin régnait d'une main de fer sur ses pays vassaux d'Europe de l'est, il n'en reste pas moins que cette histoire transposée en Amérique du Sud, visait bien l'URSS, mais qu'elle était en même temps tristement universelle… l'homme restant un homme… où qu'il vive.
Imre Kertész ( Prix Nobel de littérature) l'a écrite (pour raisons d'édition) en trois semaines, sans que cela nuise à la qualité de l'histoire et du message dont il est porteur.
Court récit, mais très efficace… la dictature se prend un droit sous le menton. À chacun son tour.
Un livre qui se lit vite et facilement ; vous auriez tort de vous en priver.
- Que voulez-vous écrire ?
-Que j'ai compris la logique.
-Maintenant ? Et vous ne la compreniez pas pendant que vous commettiez vos actes ?
-Non, pas quand j'étais plongé dedans. Avant, je la comprenais. Et à présent je la comprends à nouveau. Pendant, on l'oublie. Mais bon, vous ne pouvez pas comprendre ça.
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