X-O Manowar, tome 6 : Agent

Ce tome fait suite à X-O Manowar (2017) Volume 5: Barbarians qu'il n'est pas indispensable d'avoir lu avant. Il fait également suite à Harbinger Wars 2 (également écrit par Matt Kindt) au cours duquel surviennent des événements qui expliquent la situation du colonel Jamie Capshaw au début du présent tome. Celui-ci comprend les épisodes 19 à 22, initialement parus en 2018, écrits par Matt Kindt, dessinés et encrés par Juan José Ryp, avec une mise en couleurs réalisée par Andrew Dalhouse. Les couvertures ont été réalisées par Kenneth Rocafort. Ce tome se termine avec les couvertures variantes réalisées par Alan Quah, Renato Guedes (*4), Zu Orzu, Jim Towe, Aj Jothikumar, ainsi que 4 pages avec des planches en noir & blanc de Ryp.

La colonel Jamie Capshaw se tient sur le site du crash du vaisseau de commande (surnommé Loveboat), le vaisseau amiral de l'organisation GATE (Global Agency for Threat Excision). Elle sait que sa carrière vient d'exploser en vol. Peu de jour près, elle est reçue à Washington par son supérieur hiérarchique. Il lui fait comprendre qu'elle ne doit son maintien dans l'organisation, qu'à sa connexion avec Aric de Dacie. Il lui intime de prendre contact avec lui pour exécuter une mission en Australie où est apparu un vaisseau spatial non identifié. En attendant elle est rétrogradée au rang de brigadier général. Jamie Capshaw rentre chez elle pour y découvrir sa compagne Sheila en train de faire sa valise car elle a décidé de la quitter. Elle aide Sheila à mettre ses cartons dans le coffre de sa voiture. Elle rentre ensuite chez elle pour prendre une bonne douche, tout en se faisant la réflexion que sa vraie compétence est sa capacité à maîtriser les situations, à éviter qu'elles ne dégénèrent.

Vingt-quatre heures plus tard, Jamie Capshaw est arrivée à la Nouvelle Dacie, implantée dans le Nebraska. Elle frappe à la porte de la maison d'Aric et le trouve nu, prostré dans un large fauteuil, Shanhara en forme de boule flottant au-dessus de son épaule gauche. Elle lui explique calmement sa situation, en choisissant ses mots avec soin, pour essayer de faire naître l'émotion qui saura convaincre Aric. Sans avoir prononcé un mot, il se lève. Shanhara l'enveloppe pour former l'armure de X-O Manowar autour de lui. Aric se rend dans la maison d'en face, où il se fait rembarrer par Saana, une ancienne compagne. 2 jours plus tard, Capshaw retrouve Aric sur le site du vaisseau spatial flottant à une vingtaine de mètres au-dessus de l'outback. Il prend la corde de Capshaw pour aller l'accrocher au vaisseau et lui permettre de monter par ses propres moyens. Sans l'attendre, il pénètre à l'intérieur et se retrouve face à Atom-13 qui est la recherche de sa compagne Tagg. Devant l'incompréhension d'Aric, il lui demande s'il connaît Divinity (Abram Adams). Suite à la réponse positive, il demande à ses gardes (les frères de la Bombe) d'attaquer Aric.

Le tome précédent avait établi qu'Aric se retrouve dans une situation sans attache, que ce soit sur la planète Gorin, ou même que ce soit sur Terre. Matt Kindt commence avec la situation personnelle d'un personnage secondaire de l'univers partagé Valiant qui se trouve dans une situation similaire : une opération de grande envergure dont elle avait la responsabilité s'est soldée par un échec, sa compagne l'a quittée. le lecteur se rend compte qu'il n'a pas besoin d'avoir lu le récit correspondant pour ressentir de l'empathie pour Capshaw qui se retrouve dans une situation où elle est fragilisée. Au fil des épisodes, il sent bien qu'il y a des références à d'autres histoires passées, sans pour autant que cela ne gêne sa compréhension. Pour un lecteur familier de cet univers partagé, il apparaît que Matt Kindt pioche dans d'autres histoires qu'il a écrites comme Harbinger Wars II, mais aussi la trilogie Divinity avec Trevor Hairsine pour la première apparition de Abram Adams et David Camp, mais aussi Eternity également avec Trevor Hairsine, pour la première apparition d'Atom-13. Il comprend mieux également une des dernières scènes, celle où apparaît Sabbas s'il a lu le tome précédent.

Indépendamment de ces références, Matt Kindt a imaginé une intrigue facile à suivre avec un enjeu à la hauteur des capacités de l'armure de X-O Manowar. En effet, il se retrouve face à un opposant qui manipule une énergie que Shanhara ne sait pas maîtriser. Atom-13 dispose d'une motivation claire et concrète : retrouver sa femme enlevée Tagg par un terrien. Passé le démarrage, le récit se focalise plus sur l'intrigue que sur les caractères des personnages, pour déterminer ce qu'il est arrivé à Tagg, qui va s'allier avec qui, quel est l'objectif du ravisseur, et quelles sont les 2 autres factions. L'intrigue comporte assez d'éléments pour être consistante et receler de nombreuses surprises alimentant le suspense. Kindt écrit un chapitre complet, avec un dénouement satisfaisant à la fin du tome, et des pistes pour la suite de la série. Pour donner à voir cette aventure, chaque épisode bénéficie d'une couverture de Kenneth Rocafort, montrant à chaque fois X-O Manowar dans une situation de combat, soit avec un ennemi visible assez exotique (numéros 19 & 20), soit prêt à bondir sur l'ennemi (numéros 21 & 22), dans un esprit pulp très aguicheur.

Les 4 épisodes ont été dessinés par le même artiste. Juan José Ryp réalise des dessins descriptifs avec un bon niveau de détails, attestant qu'il a disposé du temps nécessaire pour réaliser ses planches. Ryp représente donc les personnages de façon premier degré, avec un sérieux dans leur visage, sans les petites exagérations qu'il intègre parfois. La narration visuelle reste donc premier degré, sans prise de distance, sans forme d'ironie ou de second degré, ce qui est en phase avec la nature de l'intrigue. Jamie Capshaw est montrée comme un personnage d'action du début jusqu'à la fin, compétente et focalisée sur son objectif, sans sexualisation déplacée. Aric est montré comme un homme à la forte carrure, au regard intense, et ne souriant pas ce qui atteste de son humeur en berne. Ryp reprend en l'état l'apparence Mille et une nuit d'Atom-13, mais sans s'en moquer, sans ajouter de touche de romantisme exotique. Ce mode de représentation directe permet également d'intégrer des personnages comme l'armée divine (Butterfly Man, Hawk Man, Bear Man, Tree Man, des représentations anthropomorphes d'animaux et d'arbre) sans tomber le ridicule.

Le lecteur s'immerge donc très rapidement dans la narration visuelle de Juan José Ryp, visiblement bien inspiré par le scénario. Cela commence par le plan de prise de vue de la première scène : un travelling arrière partant d'un très gros plan de Jamie Capshaw pour montrer où elle se trouve, au fur et à mesure que ses pensées révèlent ce qui lui arrive. le lecteur s'inquiète un peu lors de l'entretien (2 pages) avec le supérieur de Capshaw, du fait d'une page sans décor. La suite montre qu'il ne s'agissait que d'une exception qui confirme la règle, avec la représentation soignée de l'intérieur de la demeure de Capshaw. Par la suite, Aric est aussi imposant que sinistre, immobile et nu dans son fauteuil. L'ascension de Capshaw le long du filin arrimé par Arci est impressionnante, ainsi que l'affrontement physique qui s'en suit à l'intérieur du vaisseau. Ryp recommence à se désintéresser de manière passagère des arrière-plans, mais Andrew Dalhouse réalise des camaïeux de gris permettent de conservant l'impression des coursives du vaisseau.

La scène suivante se déroule à Nouvel Eden, dans l'outback. La complémentarité des traits encrés de Ryp et de la mise en couleurs de Dalhouse apparaît alors avec évidence. La verdure de la végétation est dense pour attester de l'épaisseur du feuillage. Dalhouse joue avec habileté sur les nuances de vert pour donner l'impression de relief des frondaisons. Il rend magnifiquement les couleurs des ailes des papillons, ainsi que leur degré de transparence. Par la suite, il réalise des crépitements d'énergie qui en font ressortir leur violence et leur force. Lorsque Aric et ses alliés se retrouvent sous terre, il crée une ambiance lumineuse adaptée. En parcourant les pages en noir & blanc se trouvant en fin de tome, le lecteur peut aussi constater comment la mise en couleurs augmente la lisibilité des planches. le lecteur apprécie aussi le degré d'investissement de Ryp pendant les affrontements physiques, car il ne se contente pas de dessiner des personnages adoptant des postures avantageuses ou menaçantes. Il construit des plans de prises de vue avec des angle de vue qui permettent de comprendre les mouvements, de voir qui est en situation de difficulté.

Le lecteur sait bien que la série X-O Manowar est un boulot semi-alimentaire pour Matt Kindt qui construit des chapitres sur la base d'une idée. Si celle-ci est consistante, le tome correspondant est consistant. S'il s'agit plus d'une idée directrice, la réussite du tome doit alors beaucoup à l'implication du dessinateur. Pour ce tome 6, Matt Kindt construit une intrigue nourrie par des éléments en provenance d'autres récits écrits par Kindt, et Juan José Ryp a visiblement pris plaisir à mettre en image l'histoire. du coup, le résultat est une histoire d'aventures inventive, compréhensible pour les nouveaux arrivants, plus riche pour les lecteurs réguliers des séries de Kindt pour Valiant. Les visuels sont descriptifs à souhait, avec une bonne gestion du mouvement et du spectaculaire.