Un jour le grand créateur de héros de papier
Jack Kirby quitta la Boîte à Idées Marvel qui l'avait suffisamment exploité pour l'Ennemi DC Comics. Là on lui laissa carte blanche, ou presque, pour créer son univers. Ses nouveaux employeurs durent être surpris du résultat car il s'agissait de tout un univers qui naquit alors presque d'un claquement de doigts, un univers qui fleurait bon le Kirby et très peu le DC.
Ce ne sont pas moins de trois nouvelles séries qui parurent dans les kiosques, accompagnées d'une ancienne que Jack fut obligé par contrat de reprendre dans le fond de DC, mais qui sous sa main devint méconnaissable. Chaque série contait un aspect différent du combat contre l'ennemi de la vie, j'ai nommé Darkseid.
Le premier volume du Quatrième Monde reprend ses séries dans leur ordre exact d'édition. Et l'on est subjugué du travail colossal d'invention et d'art que
Jack Kirby abattit en 1971. Cela commence par la fameuse reprise de DC : Jimmy Olsen le pote de Superman. Jimmy et Superman accompagnés des « petits rapporteurs » - des gamins ressuscités des années 40 – se retrouvent englués dans l'univers Kirby qui leur est si étranger. Pauvre Superman, je ne le sens pas à sa place sous la magnifique plume de Kirby (d'ailleurs d'autres dessinateurs passent après Kirby pour conformer le dessin aux canons du héros d'acier). Mais le reste est une avalanche d'inventions à chaque épisode : la Vroumroute, la Montagne du Jugement, les Chevelus, c'est frénétique !
Puis s'enchainent les Immortels (Forever People) – une bande de jeunes de New Genesis venus sur Terre défier Darkseid – les Néo-Dieux et Orion – qui nous fait découvrir l'adversaire bienveillant de Darkseid – et Mister Mirracle – un roi de l'évasion qui a fui Apokolips la planète de Darkseid. Je répète volontairement le nom du vilain car il est omniprésent, affronte tout le monde et planifie tout. Chaque épisode apporte sa pierre à cet univers en formation dont on sait qu'il survivra à son auteur.
Cette création que je découvre ne peut qu'emporter mon respect.
Jack Kirby en tant que dessinateur pop'art est à son apogée, bien qu'il abuse des collages dont je ne suis pas grand fan. Il a tant travaillé que l'on peut avoir la sensation qu'il a déjà dessiné ce que l'on voit ici : la bataille d'Orion sur Apokolips rappelle les affrontements de Thor et des Trolls, et New Genesis a de faux airs d'Attilan la cité des Inhumains. Jack est également moins à l'aise au scénario qui est assez simple. On sent que Jack crée le nez dans le guidon car on aurait du mal à repérer une cohérence et une chronologie unique entre les diverses séries. Il aborde cependant des problèmes qu'il sent venir pour l'avenir tels que la menace nucléaire, les manipulations génétiques incontrôlées et l'endoctrinement des masses qu'il a pu voir à l'oeuvre du temps du nazisme.
Un volume que j'ai lu avec un énorme plaisir malgré sa simplicité. J'attends la suite avec un plaisir anticipé.