Invincible, tome 22 : Reboot ?

Ce tome fait suite à Invincible, tome 21 : Une famille moderne (épisodes 115 à 120) qu'il faut avoir lu avant. Il comprend les épisodes 121 à 126, initialement publiés en 2015, écrits par Robert Kirkman et dessinés par Ryan Ottley qui a encré les pages 14 à 20 de l'épisode 124, et les épisodes 125 & 126. Les épisodes 121 à 123 ont été encrés par Cliff Rathburn, ainsi que les pages 1 à 13 de l'épisode 124. La mise en couleurs a été réalisée par Jean-François Beaulieu.

Robot a fini par localiser la maison d'Immortal et lance une attaque dessus. Sa femme Kate Cha réussit à s'enfuir avec ses enfants, mais Immortal est capturé et emmené au centre de détention qui se situe sous le Pentagone, là où précédemment se trouvaient les locaux de l'Agence de Défense Globale. Il est encadré par plusieurs Robots et par Zandale Randolph en costume d'Invincible. Ils passent devant les cellules des autres résistants tels que Brit Amanda, le Brusier, Pegasus, Francesco Vasquez, Monax. Il se produit une explosion et tous essayent de s'évader, malgré l'arrivée de nombreux Robots. Sur Talescria, Allen le grand s'adresse à la Coalition de Planètes pour les informer de la traque organisée pour retrouver Thragg. La représentante Elia suggère qu'Allen pourrait mettre à contribution les deux viltrumites présents sur la planète pour le combat. Allen répond calmement que ce n'est pas à l'ordre du jour. Plus tard dans la journée, Allen discute de la situation avec Mark Grayson et Olivier Grayson. Il est un peu distrait. Il finit par demander à Mark s'il a emmené Eve aux jardins de verdure. Mark répond par l'affirmative, et que ça ne s'est pas très bien passé. Pour se faire pardonner, Allen les invite le soir même à un spectacle musical.

Le soir venu, Mark Grayson, Samantha Wilkins et Terra se rendent au spectacle, en tenue de gala. Ils y retrouvent Oliver Grayson et Haluma. Après le spectacle, ils sont rejoints par Allen et Telia. le spectacle n'a pas du tout convenu à Mark, Samantha et Terra. Sur Thraxa, Thragg indique à sa concubine qu'il est bientôt temps de repartir et qu'il faut faire rentrer les enfants dans le vaisseau. Sans qu'il ne s'en rende compte, ils sont observés par Black Racer, un espion de la Coalition. Sur Talescria, Oliver et Mark effectuent une intervention pour démanteler une ferme illégale de Kanslok. L'opération relève de la routine, mais il s'avère que les trafiquants disposent d'un Rynax, un énorme monstre agressif. de son côté, Samantha vient de coucher Terra, et sort sur le balcon pour profiter du calme. Elle surprise par l'arrivée d'une énorme bestiole volante, aussi grosse qu'elle. le volatile vomit sur la terrasse, une bile verte corrosive qui entame le revêtement. Leurs costumes déchirés, Oliver et Mark reviennent à la capitale pour rendre compte à Allen, et Oliver indique à Mark qu'il pensait que la race des Rynax était éteinte. Mark n'en croit pas ses oreilles : ils viennent de tuer le dernier représentant d'une race. Oliver le détrompe : il le faisait marcher.

Robert Kirkman se montre facétieux avec le titre de ce tome : nouveau départ en recommençant à zéro. le lecteur entame l'histoire un peu dubitatif sur le fait que le scénariste se livre à ce genre d'entourloupe. D'ailleurs le premier épisode ne part pas du tout dans cette direction. de retour sur Terre, la situation continue d'évoluer. Au cours du tome 20, Kirkman avait mis en action le plan de prise de pouvoir d'un des superhéros terriens, avec un résultat aussi constructif que ses méthodes étaient destructives. Cela avait placé Invincible dans une position intenable, rendue encore plus intenable par sa situation familiale. Avec l'épisode 121, la situation de la rébellion évolue. le lecteur se doutait bien que les quelques personnes souhaitant lutter contre le dictateur ne faisaient pas le poids, ni en nombre, ni en moyens. Il n'est donc guère surpris que Immortal soit enfin capturé. Il est beaucoup plus surpris de ce qui se passe au niveau des cellules sous le Pentagone. Comme d'habitude, il peut compter sur Ryan Ottley pour tirer le meilleur parti visuel des situations imaginées par le scénariste. À nouveau, il y a un moment gore d'une rare intensité. En y repensant, le lecteur revient à la première page et prend mieux la mesure du massacre qui s'y déroule, Robot abattant plusieurs adversaires avec une efficacité sanglante. Avec cet épisode, les auteurs continuent de saper les convictions morales du lecteur : qui a raison ? Est-ce que les résultats ne parlent pas d'eux-mêmes ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Faut-il tourner la page et accepter ?

Après cet épisode 121 qui n'a rien d'un interlude, le récit revient à Mark Grayson et les personnages qui gravitent autour de lui, à commencer par Samantha et Terra. Dans le tome précédent, Robert Kirkman avait commencé à montrer que la période d'adaptation du couple pour vivre sur une planète extraterrestre allait être une épreuve compliquée. le lecteur retrouve quelques moments de décalage que les auteurs traitent sur un ton humoristique. Cette fois-ci, il ne s'agit pas de problèmes digestifs. Il y a ce pique-nique à haut risque au parc : Ottley s'amuse bien avec un dessin en pleine page et le monstre dérouille sous le coup porté par Mark. Il y a bien sûr le Rynax, à nouveau un monstre très réussi, et l'oiseau qui se pose sur la rambarde du balcon, où les auteurs ne peuvent pas s'empêcher de caser un rot et une régurgitation, rendue très agréables à l'oeil, grâce à la mise en couleurs vive et colorée de Jean-François Beaulieu. le moment de décalage culturel le plus saisissant se produit lorsque Mark et Samantha passent devant un sans domicile fixe qui tend la main pour avoir de l'aide. En 4 cases occupant la moitié de la page, Ottley montre la gêne de Samantha et Mark ne sachant pas trop comment réagir, ainsi que ce qui se passe quand quelqu'un aide le mendiant.

Au fil des épisodes, le lecteur se délecte de la narration visuelle. Il retrouve tout ce qu'il aime chez cet artiste : l'expressivité des visages et le langage corporel, l'inventivité visuelle des éléments extraterrestres que ce soient les vaisseaux ou les créatures, la qualité des décors (la vision nocturne du pont enjambant la rivière dans la capitale, la forme des arbres aux abords de la ferme illégale), les voitures volantes passant discrètement haut dans le ciel, les champs sur la planète Thrax, l'attention portée aux détails (par exemple la fourrure de Thokk jetée sur les épaules de Thragg)… La mise en couleurs apporte une fraîcheur supplémentaire aux dessins, les rendant encore plus vivants. Enfin, Robert Kirkman ne ménage pas son dessinateur, avec des mises en page exigeantes que ce soit plus d'une vingtaine de robots dans des poses différentes dans une case de la largeur de deux pages, ou deux pages contenant chacune 16 cases pour montrer les activités de Samantha sur l'une, et de Mark sur l'autre, tout au long de la journée.

Puis arrive l'épisode 122 avec la question du redémarrage de la série. Comme à son habitude, Robert Kirkman ne fait pas semblant. Suite à un concours de circonstances un peu mystérieux et bien pratique, Invincible se retrouve projeté dans le passé, dans une situation qui fait écho aux fois où il s'est retrouvé projeté dans une dimension parallèle. Cela place Invincible face à un dilemme moral insoluble. En outre, le scénariste s'avère un peu trop habile pour l'histoire. Alors qu'il voit Mark Grayson faire des choix évidents, le lecteur s'interroge continuellement, non pas sur la réalité des événements, mais sur l'honnêteté de la réaction des personnages. Au vu de la narration, il ne fait pas de doute que Mark Grayson vit ces moments comme étant réels. le lecteur ne s'interroge donc pas sur leur réalité : il accepte ce tournant étrange du récit, sans idée préconçue sur le nombre d'épisodes pendant lequel ça va durer, peut-être jusqu'à la fin de la série. Ottley et Kirkman montrent à quel point Mark Grayson a évolué depuis ce moment du passé où il est retourné. le scénariste choisit de faire en sorte que son héros ait la possibilité de modifier le passé pour de vrai, durablement. Il a la possibilité d'éviter des massacres dont il connaît le déroulement, et ses actions ont un effet bénéfique, sans retour de bâton. le lecteur s'en retrouve déstabilisé, ne sachant pas trop quelle peut être l'intention de l'auteur. Il se demande si le revirement de certains personnages peut être pris comme argent comptant. Il reste sur le qui-vive flairant une entourloupe, ou en tout cas une manipulation. La narration visuelle reste toujours aussi vive et enlevée. le récit recèle plusieurs niveaux de suspense, et tient le lecteur en haleine.

22 tomes et toujours aucun signe d'essoufflement ou de lassitude : c'est toujours un plaisir de retrouver Mark Grayson, et les autres personnages. Robert Kirkman ne connaît pas de panne d'inspiration et gère toujours avec la même habileté sa distribution de personnages, sans oublier personne, mais sans qu'ils ne volent la vedette à Invincible. Ryan Ottley reste investi dans chaque épisode et ça se voit, ça se ressent à la lecture. le lecteur reste captivé par ces aventures et le développement des situations, tout en jouissant d'un spectacle visuel de très grande qualité. Arrivé à la dernière page, il est toujours aussi impatient de connaître la suite.

Tome 21 à 25
Relecture terminée et je dois dire que la fin de l'oeuvre me semble encore plus réussie que lors de ma première lecture. Sans doute parce que j'y retrouve encore plus de clin d'oeil et de subtilités dans l'écriture dont j'étais passé à côté lors de ma première lecture.
Le seul point qui me chiffonne encore c'est les passages de Walker au dessin qui est toujours aussi laborieux par rapport à Ottley.
Le travail De Beaulieu est aussi remarquable lorsqu'il est aux manettes.