Le billet de Chantal
Le Japon est un pays assez fascinant, pour moi, de par sa culture si différente de la nôtre, de par son cinéma, de par ses paysages urbains, sans parler de sa langue, impénétrable à quiconque ne s'y est pas attelé. Aussi, quand un auteur japonais apparaît dans le monde du polar, mon oeil s'allume ! Et j'avoue ne pas avoir été déçue par le roman de
Yûsuke Kishi , même si je mettrai quelque bémol.…
Déjà, le titre,
La leçon du mal, retient notre attention. Est-ce parce que j'ai été enseignante que le mot « leçon » sonne bien à mon oreille ? Je suis d'autant plus curieuse que le héros du récit, Seiji Hasumi, est professeur d'anglais dans un lycée peut-être pas très prestigieux, mais très honorable, où les élèves sont suivis, écoutés, aidés autant que faire se peut par l'équipe éducative. Et particulièrement par ce prof d'anglais, ô combien apprécié par tous, élèves , professeurs ou personnel administratif. Enfin, par tous, non. Certains élèves ont comme une réticence vis à vis de lui, malgré son charisme et sa façon d'enseigner, très dynamique. Ces élèves décèlent comme une menace dans la personnalité d'Hasumi.
L'auteur nous fait suivre tantôt Hasumi, tantôt des élèves ou d'autres professeurs. Nous voyons le petit monde du lycée et ses classes par les yeux d'Hasumi le plus souvent, et l'on comprend vite qu'il n'est pas le bon prof' pour lequel il se fait passer. Il a un don d'orateur certain et manipule facilement non seulement l'esprit de ses jeunes élèves mais aussi ses collègues, dont Hasumi a su trouver les failles, voire les noirceurs. Chaque faiblesse découverte chez l'un ou l'autre va lui servir de tremplin pour abaisser, humilier, mener par le bout du nez tel ou tel. Hasumi se voit tel un démiurge, ayant pouvoir de vie et de mort , écartant les obstacles d'une pichenette. Esprit retors s'il en est, menteur, hypocrite, absolument insensible … Voilà un personnage digne de se retrouver au dernier cercle des Enfers de
Dante !
Les élèves sont montrés tels que des adolescents, partagés entre admiration totale et rejet, peur et courage , capables de lutter contre ce Mal sournois qui pourrit lentement mais sûrement leur lycée, mais aussi hésitants sur la conduite à tenir Ces personnages d'adolescents sont plutôt bien décrits par l'auteur. de même, ce dernier montre bien les rapports très codifiés entre les gens, qui freinent la spontanéité et l'épanouissement. Seul l'alcool peut faire sauter les barrières, mais à quel prix parfois !
Le récit va crescendo, d'un début qui m'a paru presque un peu long avant d'entrer dans l'action véritablement, jusqu'à un final qu'on peut qualifier d'explosif, au sens propre et au sens figuré ! On jurerait un
Tarantino aux manettes ! C'est là que je placerai mon bémol : l'auteur nous plonge dans une fête scolaire qui tourne au cauchemar un peu trop « gore »à mon goût. On se demande jusqu'où le récit va aller, et peut-être n'en demande-t-on pas tant, sous peine de ne plus trop souscrire au final. Mais après tout, se dit-on, des événements de ce genre n'ont-ils pas eu lieu, dans des établissements scolaires américains, (dus plutôt cependant à des élèves ou adolescents)… ?
Bref. C'est un récit qu'on ne lâche pas, même si on sent vite que ça ne sera vraiment pas un long fleuve tranquille dans le monde impitoyable du professeur Hasumi ! Pas de « feel good » polar ici !
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