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3,49

sur 180 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Éblouissant, voilà le premier mot qui me vient immédiatement à l'esprit après avoir refermé cet ouvrage et en avoir savouré jusqu'à la dernière page, à savoir celle des remerciements, tant je ne voulais pas que cette lecture s'arrête !

L'auteure le dit elle-même, il y a une grande part d'imagination dans cet ouvrage qui reste en premier lieu un roman mais beaucoup de faits réels également, ne serait-ce que l'histoire de ces trois soeurs Brontë. le lecteur se plonge voracement dans la vie, on ne peut plus moins misérable au départ de celles-ci puisqu'elle sont issues d'une famille relativement modeste, ont perdu leur mère très jeunes ainsi que leur deux soeurs aînées, ont la charge de leur père malade et de leur frère Branwell alcoolique, ce qui a la fâcheuse tendance à le plonger dans une sorte de folie. Aussi Charlotte, Emily et Anne doivent-elles apprendre à se battre chaque jour contre la dure cruauté de la vie. Toutes trois plongées dans leurs écritures respectives (poèmes et romans) à une époque où il ne fait pas bon pour une femme que de s'intéresser à la littérature, elles écrivent toutes en prenant soin de dissimuler leur véritable identité et essuient de nombreux refus jusqu'à ce qu'un éditeur accepte de publier les manuscrits d'Emily et Anne mais pas celui de Charlotte.

Eh oui, je vous l'ai dit, la vie est souvent cruelle mais Charlotte aura sa vengeance sur cette dernière lorsqu'elle verra son roman Jane Eyre publié et acclamé.

Je prie le lecteur de m'excuser de faire l'impasse sur de nombreux détails (et non pas des moindres) mais, en voyant que cet ouvrage a déjà été lu par un certain nombre d'entre vous ainsi que critiqué, je ne voudrais pas que vous trouviez dans la ma critique (qui n'en n'est pas vraiment une étant donné que j'ai vraiment adoré ce roman) des choses que vous auriez déjà lues des dizaines de fois. Aussi, par peur de trop en dire, je vais m'arrêter là en ce qui concerne l'intrigue mais sachez que cet ouvrage - qui se lit très vite (trop peut-être) - est à la fois bouleversant, attendrissant et extrêmement prenant !

Pour conclure, je n'ai qu'une chose à vous recommander : foncez et n'hésitez pas à venir découvrir ce magnifique ouvrage !

Ah oui, pour finir, je crois que je vais très vite me replonger dans la lecture de "Jane Eyre" !
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Nouvelle immersion dans ce monde si particulier et si fascinant des Brontë.
Sheila Kohler brosse le portrait de Charlotte à un moment crucial de sa vie : l'écriture de son chef d'oeuvre, Jane Eyre.

Point de départ du roman : l'opération du père, à Manchester. Charlotte l'accompagne, prend soin de lui, et à ses côtés, tandis qu'il se perd dans ses souvenirs et ses pensées, sans pouvoir bouger ni trop parler, Charlotte écrit, et sous sa plume apparaît Jane. Puis de retour à Haworth, où elle retrouve ses soeurs et ce frère si malade, elle continue d'écrire, malgré la déception de voir son premier roman refusé, alors que les romans de ses deux jeunes soeurs, la farouche Emily et la douce Anne ont été acceptés.
Sheila Kohler nous emmène ensuite à Londres, au moment où Charlotte dévoile son identité à son éditeur, et pour finir, retour à Haworth, pour les derniers jours de Charlotte qui a pu enfin goûter aux joies du mariage, jusqu'à celle de son père, mort à 80 ans, après tous ses enfants.

Avec finesse et élégance, l'auteure s'inspire de faits réels pour imaginer le processus littéraire et la naissance de Jane Eyre. Elle nous éclaire sur la vie si étriquée et morne des filles Brontë, sur ce manque d'amour et de reconnaissance vis à vis du père qu'a pu ressentir Charlotte, sur cette colère et cette injustice d'être une jeune fille désargentée et quelconque, sans aucun avenir radieux à l'horizon. C'est grâce à cette colère et cette volonté sans faille qu'ont été écrit des romans magnifiques.
Une très belle découverte, j'aurais même aimé en lire davantage.
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Je n'avais pas eu vent de cette sortie avant de voir l'annonce du partenariat sur Newsbook. Face à un tel titre, un tel résumé et une telle illustration de couverture, vous vous doutez bien que je n'ai pas hésité beaucoup avant de « postuler ». Et je remercie Ys et les éditions de la Table Ronde pour cet envoi ; j'ai vraiment beaucoup apprécié ma lecture !

Sheila Kohler - que je ne connaissais absolument pas avant cette lecture - se penche ici sur les soeurs Brontë, notamment Charlotte l'aînée, auteure du célèbre Jane Eyre. de la vie des trois soeurs anglaises, je ne connaissais que ce que j'avais pu lire rapidement sur Wikipédia et autres sites du même acabit : des informations biographiques jetées chronologiquement les unes après les autres, sans « âme ». Au contraire, Sheila Kohler ne se contente pas d'offrir une « simple » biographie mais y ajoute de l'émotion, de la passion.
En interprétant certains évènements connus de la vie des soeurs et en y ajoutant des éléments de son fait, l'auteure propose une « biographie romancée ». Contrairement aux ouvrages très « scientifiques » et souvent très froids, rédigés par des spécialistes diplômés, Quand j'étais Jane Eyre dégage une grande force émotionnelle et c'est ce qui m'a plu.

En outre, Sheila Kholer met en scène la vie de la famille Brontë comme si celle-ci avait vraiment rassemblé les personnages d'un roman. Charlotte, Emily et Anne (mais surtout Charlotte) deviennent alors des héroïnes fortes et marquantes, à l'image de leur Jane, Catherine et Agnès. Comme le précise l'auteure dans les remerciements à la fin, basé sur les biographies célèbres, cet ouvrage n'en reste pas moins une fiction. Cependant, j'ai trouvé l'ensemble que nous propose Sheila Kohler très plausible.
On y découvre une famille blessée par les pertes précédentes (une mère douce et deux soeurs prometteuses) puis affaiblie par les épreuves de la vie (le frère prodige Branwell, autrefois promis à un bel avenir, transformé en ivrogne ; un père toujours distant et dépendant…). Au milieu, affrontant les difficultés, trois soeurs se serrent les coudes, n'abandonnant pas leur rêve d'être publiées malgré leur statut de femme et leur manque de moyens. On fait la connaissance de Charlotte, un petit bout de femme plutôt laide, désormais l'aînée des quatre enfants Brontë survivants, bien souvent jalouse de son frère et de ses soeurs ; puis Emily la sauvage et solitaire, toujours accompagnée de son chien, toujours prête à s'occuper de son ivrogne de frère ; et enfin, la petite Anne, la cadette, la plus jolie de toutes, la plus douce… et peut-être la plus fragile…

J'ai pris beaucoup de plaisir à entrer dans la vie et dans les pensées des membres de cette famille car oui, grâce à Sheila Kohler, on pénètre véritablement au coeur de ces destins tragiques et les évènements en sont d'autant plus touchants. Autant vous le dire tout de suite, si je savais que l'histoire de la famille Brontë n'était pas des plus gaies, je ne pensais pas sortir de cette lecture aussi mélancolique. J'ai été prise aux tripes par la vie de ses trois soeurs, une vie que j'ai traversée en leur compagnie, avec beaucoup d'implication (bien loin des biographies qu'on lit comme des étrangers, avec beaucoup de recul !). Je me répète, mais la grande force de cette « biographie romancée » réside dans les émotions qu'elle offre !

Côté style - je me base une fois de plus sur une traduction - je retiens une grande interaction avec le lecteur. Malgré l'utilisation de la troisième personne pour tous les points de vue qui se succèdent (les passages dédiés à Charlotte étant les plus nombreux), je ne me suis jamais sentie en retrait ou exclue des évènements. Au contraire, j'ai vécu ceux-ci en même temps que les personnages.
Si je dois avancer un bémol, ce serait peut-être au niveau de l'introduction des souvenirs de Charlotte dans le texte. Sheila Kohler n'adopte pas une narration linéaire, l'auteure revient régulièrement sur des épisodes passés permettant ainsi d'expliquer le « présent ». J'aime assez cette « complexité » narrative mais j'avoue avoir eu un peu de mal dans les premières pages, il faut s'y habituer. Une fois le rythme pris, cette narration non linéaire est une vraie richesse pour la lecture.

Avant d'en terminer, j'aimerais soulever un point qui me semble passionnant et Quand j'étais Jane Eyre s'inscrit parfaitement dans la réflexion, revenant sur le processus de rédaction du célèbre Jane Eyre : jusqu'où peut-on voir la vie d'un auteur dans son oeuvre ?
Je me souviens d'un cours de deuxième ou troisième de licence de lettres modernes qui revenait justement sur les différents types de « critiques ». Notre prof du moment nous avait alors mis en garde sur ce côté un peu « simpliste » qui entraîne à expliquer un livre par la seule (ou presque) biographie de son auteur. C'est souvent tentant, mais il faut se méfier. J'avoue que j'aime beaucoup chercher à retrouver la vie d'un auteur dans son oeuvre, le côté un peu « psychanalyse de bas étage » me plaît assez ; mais c'est assez controversé par les spécialistes.
En ce sens, je ne doute pas que Quand j'étais Jane Eyre puisse « choquer » les experts ou puristes de la famille Brontë ; mais gardons en tête qu'il s'agit avant tout - et Sheila Kohler le dit clairement - d'une fiction. Et d'une fiction très réussie !

Pour conclure brièvement avant de remercier une nouvelle fois Newsbook et les éditions de la Table Ronde pour cette découverte : Quand j'étais Jane Eyre ravira les admirateurs des Brontë car leur permettra de se sentir plus « proches » des ces trois demoiselles. En revanche, prévoyez ensuite une lecture gaie car même si l'on sait à l'avance quelle a été la vie de la famille Brontë, on tourne tout de même la dernière page avec une grande mélancolie.
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"Qui donc voudrait lire les écrits de la fille d'un obscur pasteur, installé au fin fond du Yorkshire ? Et qu'est-ce qu'elle a bien pu raconter ? Que sait-elle, ayant vécu la plus grande partie de sa vie isolée, préservée, protégée dans son presbytère reculé, sans rien autour d'elle sinon la lande nue, ses soeurs célibataires, sa tante célibataire, une vieille servante ignorante, un frère délinquant et un père pasteur ?"


Charlotte est à Manchester, et elle veille, telle une Antigone moderne, son vieux père aveuglé et affaibli. Elle écrit jour et nuit. C'est Jane Eyre qui est en train de naître sous sa plume, et elle tisse "sa propre vie dans la trame du roman".

Sheila Kohler tisse quant à elle la trame subtile et gracieuse d'un récit aux voix et aux temporalités emboîtées, qui résonne longtemps sur les étendues désertiques de la lande. Les échos successifs des personnages se répondent pour construire progressivement la toile délicate de la vie des soeurs Brontë, et c'est presque un travail de dentellière que l'auteur accomplit là. Les liens patiemment enchevêtrés entre les vies d'Anne, Charlotte, Emily, Branwell, et qui renvoient sans cesse à leurs romans et à leurs mondes imaginaires au travers d'un jeu de narration en miroir, charment dès les premières pages.

"L'incendie consumera Thornfield et Berthe Rochester comme il aurait pu consumer leur presbytère et son frère si Emily ne n'avait sauvé. C'est Jane qui sauvera M. Rochester, tout comme Charlotte a sauvé son père, qu'elle lui a redonné vie en inversant leurs rôles".

Dans les contrées désolées de la lande, on plonge au coeur de relations familiales complexes : trois soeurs qui se chérissent, tôt orphelines, ayant perdu très jeunes leurs soeurs aînées, grandissant sous la férule d'un père cultivé et indulgent, aux côtés d'un frère qui vit dans son monde, rendu à demi-fou par une déception amoureuse. Elles appartiennent à cette petite bourgeoisie trop peu fortunée pour espérer un beau mariage, ce qui leur donne une liberté inimaginable à l'époque pour des femmes, mais qui les contraint à occuper d'odieux emplois de gouvernante qui font leur malheur à toutes ... mais les inspirent aussi. Avec des mots d'une grande justesse, et une immense tendresse pour son personnage, Sheila Kohler dresse le portrait tout en nuances de cette extraordinaire fratrie, des soeurs laides et sans grâce, mais talentueuses et déterminées, et m'en ferait presque aimer Charlotte, moi qui suis une Emilidolâtre convaincue.

"Charlotte a pris la résolution de ne plus écrire de lettres pathétiques et suppliantes à son professeur, et de ne plus penser à lui, sauf à s'en inspirer pour son travail - ultime revanche. Elle a abandonné tout espoir pour ce frère qu'elle a tant aimé. Sa déception à son endroit est maintenant totale, à la mesure de son ancienne adulation. Leur ressemblance physique, leur promptitude à s'enflammer, l'ont déterminée à se détacher de lui. Elle transformera ces créatures faillibles en sujets qui serviront ses desseins. Elle s'inspirera de tous ceux qui l'ont rabrouée ou ignorée. Elle écrira en s'appuyant sur sa rage, sur la conscience de sa propre valeur, sur l'injustice que représente le rejet de ses écrits. Elle traitera de quelque chose qu'elle connaît bien : la passion."
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De la vie de Charlotte Brontë, la plus célèbre des trois soeurs, on sait très peu de choses, notamment de cette période au cours de laquelle elle rédigea le livre qui la fit devenir un auteur à succès sous le pseudonyme de Currer Bell. Sheila Kohler se base donc sur des souvenirs que l'on sait véridique pour recréer un univers très réaliste.

Pour cela, elle manie la narration et les temps, alternant le présent pour tout ce qui concerne la vie de Charlotte et de la famille, le passé pour les souvenirs, et n'hésite pas à nous faire rentrer dans le roman en faisant de Jane Eyre quasiment un personnage de son histoire. D'une plume délicate, elle nous brosse le portrait d'une famille marquée par le deuil à tous les moments de son existence, d'une fratrie marquée par les déceptions amoureuses en tout genre... On y voit aussi les sentiments parfois mitigés et ambivalents qui animent les soeurs : tour à tour, on découvre leurs facettes cachées, leurs ambitions masquées, leur haute perception d'elle-même... du coup, je ne vous cache pas que la Charlotte, par moment, n'est pas forcément présentée à son avantage !

Dans tous les cas, Quand j'étais Jane Eyre est un roman intéressant, qui lève le voile sur le travail d'une femme, sur son ascension fulgurante dans un milieu alors essentiellement réservé aux hommes...
Lien : http://croqlivres.canalblog...
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Si Les Séparées est l'un des romans qui m'a le plus marqué en ce début d'année, Quand j'étais Jane Eyre est sans conteste mon coup de coeur. Tout ce qui va suivre n'est donc pas très objectif !
Angleterre, début du XVIIIème siècle. Charlotte au chevet de son père malade, se plonge dans l'écriture d'un nouveau roman. le premier a été rejeté comme ceux de ses deux soeurs. Dans le décor austère d'une chambre de malade, le lecteur assiste aux prémices d'un des plus grands chefs d'oeuvre de la littérature anglaise.
L'auteur se glisse aux cotés de ces trois grandes dames de la littérature que furent les soeurs Brontë et nous permet de vivre avec elles les mois qui ont précédé et suivit la parution de leurs chefs d'oeuvres. J'ai eu un peu l'impression d'être une petite mouche qui les observe vivre ou plutôt tenter de vivre entre un père dur et un frère dépressif.
Un merveilleux roman que je n'aurai pas de mal à conseiller à mes lecteurs. le style fluide et l'atmosphère victorienne va en séduire plus d'un.
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À la lueur d'une bougie, Charlotte laisse courir son crayon sur le papier. Loin du presbytère, dans ce petit logement de Manchester, elle veille son père, alité, suite à une opération des yeux.
Blessée par les nombreux refus des éditeurs pour son roman « Le Professeur », elle se plonge corps et âme dans un nouvel ouvrage : Jane Eyre. Toutes les conditions sont réunies et Charlotte écrit, écrit, inlassablement, dans son petit cahier.
Nous découvrons comment lui vient le nom de cette nouvelle héroïne, orpheline, frappée d'injustice, à qui elle donne vie dans cette chambre sombre, aux rideaux tirés.
De nombreux pans de la vie de Charlotte et de sa famille prennent vie dans ce roman de Sheila Kohler. Et finalement, peu importe si cela ne s'est pas réellement déroulé ainsi puisqu'il s'agit bien d'un roman, comme le précise l'auteure dans ses remerciements. Les grandes lignes sont tout de même bien fidèles aux nombreuses biographies des soeurs Brontë et l'imagination de Sheila Kohler complète agréablement l'ensemble.
L'écriture est prenante, vivante. Les phrases s'enchaînent et nous portent dans l'univers de Charlotte.
Une biographie romancée parfaitement maîtrisée que l'on dévore en quelques heures sans pouvoir s'arrêter.
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Nous voici à Manchester, au XIXème siècle, nous veillons le pasteur Brontë avec sa fille Charlotte. Cette période mystérieuse où la modeste fille de pasteur devient un écrivain, l'auteur de Jane Eyre.
Un petit bijou.
Ce n'est pas seulement Charlotte, mais aussi Emily, Anne et Brandwel qui sont convoqués devant nous. Comment ces jeunes femmes vont-elles parvenir à faire publier leurs oeuvres, comment elles se servent de leur vie et de ceux qui les entourent pour construire leurs romans, comment elles subissent leur isolement et la déchéance de leur frère.
Un bien beau roman.
La figure d'Emily, j'avoue une petite préférence, passe silencieuse et intense.
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Manchester, 1846,

Charlotte crayonne dans un petit coin de la chambre « … sur une ottomane basse, près de la cheminée en marbre, et elle écrit dans le silence et la semi-obscurité du jour naissant. » Elle surveille la respiration de son père le révérend Brontë qui vient de subir une intervention chirurgicale pour ses yeux. Sensible à ses grimaces, ses suppliques, ses angoisses, elle dit qu'elle sera toujours là pour lui. Au creux de ces temps interminables, Charlotte se sent bien seule, loin de sa fratrie. Elle se réfugie alors dans l'écriture et invente une personne proche. La frontière est ténue entre elle et la petite orpheline qui commence à immerger de son imaginaire. On lui avait dit que son premier livre « le professeur » manquait de ressort, avec cette nouvelle histoire, elle mettra toute la passion qui la brûle.
La petite a dix ans, toute frêle, une brindille, un regard perçant, noir, une intelligence vive. Sans le sou, elle est livrée à la tutelle des Reed et subit de la part de sa tante et de son cousin, humiliations et châtiments. Charlotte puise dans son vécu et dans ses connaissances certains traits de caractères pour ses personnages. Elle songe à sa tante, à sa solitude, à son insignifiance, à son avenir si son père devait partir. Il n'y aurait pour elle que deux alternatives, institutrice ou gouvernante… Elle pense aussi à son ancien professeur de littérature à Bruxelles pour qui elle a longtemps ressenti une ardeur amoureuse ; le Cygne noir.
Elle se nommera Jane. Jane Eyre. Et Jane va la sauver de sa mélancolie…

Son père est réceptif à tous les sons ; à l'affut des résonances qui lui rappellent sa campagne, son presbytère à Haworth, son chien, la couleur des bruyères, ses enfants, sa femme décédée, la lumière… Il aime aussi écouter sa voix, sentir sa présence et sa chaleur. Elle l'aide du mieux qu'elle peut, essayant de lui communiquer cette patience qui lui manque. Ils sont si différents ! Lui, toujours entreprenant et empressé, elle, si pondérée.
Elle écrit et profite de « ce luxe de pouvoir rester là, pendant des heures dans la lumière voilée et le silence de la ville ! Elle écrit toute la journée, ne s'interrompant que lorsque son père murmure une requête ou quand l'infirmière lui apporte un repas léger. »… elle y passerait ses nuits.
Qu'ils sont amers et déchirants ses souvenirs ! Elle se revoit avec sa soeur Emily arrivant dans le pensionnat de Madame Héger à Bruxelles où elle y séjournera un temps comme élève et un autre comme enseignante. Elle le revoit, lui, Constantin Héger, l'amour secret, interdit…

Et la lectrice captivée que je suis dévore cette biographie romancée. L'auteur, Sheila Kohler, peint ce début dans un clair-obscur, à la manière de de La Tour. le silence entoure Charlotte, mais j'ai associé du baroque aux mots, avec la viole de Monsieur de Sainte-Colombe.

L'aînée des Brontë cache ses sentiments et donne une image équilibrée, moins impulsive que ses soeurs et son frère. Pourtant lorsque l'auteur aborde ses passions, on comprend qu'elle avait autant d'appétit que les autres. Donc, on apprend quelques lignes de sa vie à Bruxelles, comment elle a commencé Jane Eyre, son espoir dans la parution, ses lettres à cet éditeur qui ne connaît rien d'elle, même pas son vrai nom. Elle mêle à la réalité sa fiction. D'une petite chambre à l'air vicié, nous passons dans les jardins de Thornfield aux côtés de Monsieur Rochester. La douce et effacée Charlotte fait parler Jane l'audacieuse… « Je ne pense pas, Monsieur, que vous ayez le droit de me donner des ordres simplement parce que vous êtes mon aîné et que vous connaissez mieux le monde que moi ; votre supériorité dépend de l'usage que vous avez fait de votre temps et de votre expérience. » Comme elle aurait aimé balancer ces mots à Héger !

C'est à Haworth qu'elle termine ses écrits et nous entamons la deuxième partie du livre de 1846 à 1848, plus petite que la première mais tout aussi riche et intéressante. On lit la famille, son enfance, les fantaisies et les troubles de chacun, surtout leur talent qui semble être inhérent à la fratrie, sa place, les rancoeurs et les petites jalousies, « l'attente », Branwell, ce frère impossible à dompter, malade… Jane Eyre édité… Charlotte est Currer Bell un auteur qui connaît le succès… et Londres ! Sa vie n'est plus en suspension et surtout, elle aime de nouveau et espère. On l'invite, on s'intéresse à elle, elle en devient belle. de 1848 à 1853, elle vit des moments les plus heureux et les plus enthousiasmants de son existence, mais aussi les plus horribles. Branwell meurt en 1848, suivi d'Emily qui ne peut résister au deuil de ce frère tant aimé, et Anne en 1849. le drame s'attache à la famille et l'éteint petit à petit. Quant à l'amour, il est aussi désespéré que le premier.

L'épilogue narre la fin de sa vie. Charlotte a épousé le vicaire de son père. Cet épisode est romanesque ! Son père était contre le mariage, le vicaire a tenu bon… Elle semble vraiment heureuse. Elle peut alors penser que le malheur ne va plus franchir les portes de sa maison. Elle meurt à trente-huit ans, en 1855. Elle attendait un enfant.

J'ai trouvé un beau style à l'écriture de Sheila Kohler, avec une intuition fine et pleine d'émotions. Les images de la première partie sont belles lorsqu'elle décrit cette apesanteur faite de langueur et d'espoir et lorsqu'elle narre les sentiments filiaux et paternels. J'ai lu Jane Eyre un nombre incalculable de fois, il a été des années dans un tiroir de mon chevet, et j'ai aimé voir Charlotte l'écrire.

Je vous conseille ce roman.
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J'aime regarder par-dessus l'épaule des écrivains. Découvrir d'où vient leur inspiration, comment ils travaillent, s'ils écrivent à la main ou pas, raturent, déchirent, recommencent, déplacent... Autant dire que, le processus créatif étant au coeur de ce roman, il me faisait de l'oeil depuis un bon moment.

On navigue ici entre réalité et fiction. L'auteur laisse voguer son imagination tout en se fondant sur des faits réels ayant parsemé la vie des soeurs Brontë : le décès de leur mère et de leurs deux soeurs aînées, leur passage par Bruxelles, la dépendance alcoolique de leur frère, leurs expériences professionnelles. Elle établit des liens entre les épreuves traversées et leur oeuvre, entre les personnages réels et ceux de leurs romans. Sheila Kohler ne se contente pas d'une simple biographie, sèche et linéaire. Elle ne s'égare pas non plus dans une imagination débridée. Non, elle nous offre une fiction tout à fait plausible, reposant sur des faits avérés et tissés d'aspects romancés, non dénués d'émotions et de passion. Elle nous emmène dans le coeur et dans l'âme de Charlotte (principalement) et de ses soeurs, et procède à un agréable va-et-vient entre leur vie et leur oeuvre . L'ensemble est tout à fait accessible au lecteur qui ne connait pas à fond les romans dont il est question.

D'écrivains, Charlotte, Emily et Anne deviennent à leur tour des personnages de roman... et il y avait de quoi faire ! C'est que non seulement la vie ne les a pas épargnées, mais qu'elles ont également fait le choix de poursuivre la carrière qu'elles s'étaient choisie, malgré les embûches, les doutes et les refus. C'est à une intéressante réflexion sur la condition féminine et sociale que nous convie également l'auteur, en nous rappelant que les soeurs Brontë ont publié dans un premier temps sous un pseudonyme, leur permettant de cacher qu'elles étaient des femmes mais aussi qu'elles s'étaient inspirées, pour partie du moins, de leur vécu.

La plume est fine et délicate, tout à fait en adéquation avec le sujet et l'époque. On ressent une grande tendresse pour ces jeunes femmes, à la fois fragilisées et déterminées. C'est une totale réussite, sur tous les plans : l'auteur manie avec brio à la fois la biographie et le romanesque, passe d'un personnage à l'autre, de la famille en tant qu'entité aux individualités, de l'enfance à l'âge adulte, de la vie réelle au contenu des oeuvres, ce qui fait qu'on ne s'ennuie pas un seul instant. le tout avec beaucoup d'émotion et de sensibilité.

Je l'ai lu d'une traite et j'en garde l'envie très forte de me replonger dans Jane Eyre et Les hauts de Hurlevent, lus alors que j'étais trop jeune pour les apprécier à leur juste valeur.
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