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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
« Retenez le nom de Koyaga, le chasseur et président-dictateur de la République du Golfe. » (p. 9) Ainsi s'ouvre la première des six veillées en l'honneur de Koyaga. « Retenez mon nom de Bingo, je suis le griot musicien de la confrérie des chasseurs. » (p. 9) Avec son répondeur, Tiécoura, Bingo écrit la geste de Koyaga, président-dictateur africain. Pour cela, il remonte au père de l'homme, à Tchao : « le tirailleur Tchao avait tué cinq Allemands pendant la Grande Guerre et avait été le premier homme nu à introduire l'habillement. En conséquence, le premier à introduire les débuts de la civilisation dans les montagnes. » (p. 25) Koyaga est un fils des Montagnes, un chasseur, un homme nu. L'ambition et la transgression du père touchent le fils. Koyaga sera décoré en Indochine. de retour au pays, il ne veut qu'être que le plus puissant. Sa mère, Nadjouma, est une sorcière nue, belle et envoûtante. Avec le marabout Bokano, elle soutient les ambitions de Koyaga. de coup d'état en assassinats, Koyaga devient le nouveau président de la République du Golfe.
Koyaga est accompagné de son âme damnée, Maclédio, un être qui a trouvé son « homme de destin » en la personne du chasseur des montagnes. « Maclédio est devenu votre pou à vous, Koyaga, perpétuellement collé à vous. Il reste votre caleçon oeuvrant où vous êtes pour cacher vos parties honteuses. Cacher votre honte et votre déshonneur. Il ne vous a jamais plus quitté. Vous ne vous déplacerez jamais plus sans lui. » (p. 123) Tout bon tyran a son homme dévoué. Maclédio est plus qu'une ombre, c'est un prolongement organique du dictateur, une expression incarnée de la soumission au démon.
Koyaga sait tout, maîtrise tout. Mais que faire quand tout n'est pas assez ? « La création de son parti unique et sa nomination comme président-fondateur et président à vie n'apportent qu'un éphémère moment de joie à Koyaga. » (p. 292) C'est Maclédio qui trouve la solution et qui crée « des groupes de choc qui partout et toute la journée griotteront, louangeront Koyaga. » (p. 292) En effet, que vaut un souverain qu'on ne vénère pas ? Que vaut une idole à laquelle on ne sacrifie pas ?
Alors que Koyaga fête le trentième anniversaire de son arrivée au pouvoir, le pays est endetté et traverse une crise que renforcent l'insécurité et les soulèvements orchestrés par les « déscolarisés ». le règne de Koyaga peut-il s'achever dans le sang et le meurtre ? D'aucuns lui font miroiter le contraire. « Vous briguerez un nouveau mandat avec la certitude de triompher, d'être réélu. Car vous le savez, vous êtes sûr que si d'aventure les hommes refusent de voter pour vous, les animaux sortiront de la brousse, se muniront de bulletins et vous plébisciteront. » (p. 381)
Le roman dénonce les régimes bananiers, mais il met en perspective les fautes et les ravages de la colonisation. « La transgression de Tchao ne déclencha pas la seule scolarisation des jeunes montagnards : elle entraîna le recrutement massif des montagnards comme tirailleurs. Elle fit des Montagnes un réservoir de tirailleurs dans lequel les Français puisèrent abondamment pour toutes les guerres. » (p. 27) L'Afrique sacrifiée, « terre aussi riche en violeurs de droits de l'homme qu'en hyènes » (p. 275) n'en finit pas de souffrir sur l'autel des guerres occidentales et internationales.
Néanmoins, Koyaga sait tirer profit des troubles mondiaux. Bien que son pays bafoue les droits de l'homme, il est une barrière au grand mal du vingtième, le communisme. Dans le pays de Koyaga se cristallisent les conflits du monde : « En moins de trois ans, trois tentatives perpétrées par le communisme international visant à la suppression physique de Koyaga ont été ourdies. Une persévérance ! Un réel acharnement qu'une seule et bonne signification pouvait signifier. Koyaga constitue un verrou important qui arrête le déferlement du communisme international sur l'Afrique. Koyaga est une pièce maîtresse de la lutte contre le communisme liberticide. L'Occident doit le savoir, le reconnaître, aider et secourir, soutenir beaucoup plus, beaucoup mieux son rempart, son bouclier. » (p. 287) La dictature de Koyaga est pleinement justifiée et encouragée par l'Occident capitaliste qui frémit devant le géant Rouge. Vaut-il mieux un dictateur sanguinaire, corrompu et avide de richesses ou un ennemi aux idéaux trop convaincants ? L'Histoire a fait son choix.
Les six veillées déroulent un conte traditionnel. C'est une véritable légende qui se raconte, entre magie et réalité : Koyaga est l'homme qui a vaincu une panthère, un buffle, un éléphant et un caïman. Il est homme que les bêtes sauvages redoutent et respectent. Des proverbes en introduction de chaque veillée annoncent les sujets classiques, les grands thèmes de réflexion que chaque homme doit aborder : la mort, la prédestination, l'apprentissage, la trahison, etc. L'existence de Koyaga est une tragédie africaine, un drame dans le désert. Mais c'est aussi un pamphlet au souffle brûlant, une critique acérée des régimes dictatoriaux africains. Toute louange est ici à double tranchant, vicieuse et serpentine puisque tout succès est issu du mal, de la haine et de la violence. Étourdi par les éloges et ivre de pouvoir, Koyaga n'entend pas le sifflement acerbe que modulent Bingo et Tiécoura. La célébration se fait portrait au vitriol et chaque touche du pinceau complète un hideux tableau.
Le roman d'Ahmadou Kourouma est exigeant et demande une concentration courageuse. Les récits qui s'égarent dans l'espace et le temps, les références historiques et le mélange des genres rendent le texte complexe. Mais également puissant et intemporel. Certes l'Afrique est ici mise au pilori, mais tous les continents ont leurs molochs. Peu importe que la République du Golfe n'existe pas : de vrais territoires souffrent de la même manière et l'exemple n'est pas assez puissant pour les pleurer tous.
Ahmadou Kourouma sait parler du continent africain. Dans une langue riche, parfois idiomatique, lourde de références, il célèbre une terre qu'on a violée, dépossédée de ses beautés sauvages et privée de ses traditions sainement barbares. Pantin entre les mains des autres, qu'ils soient Occidentaux ou Africains dévoyés, le continent n'en finit pas souffrir et de vomir des immondices par toutes ses plaies. En voilà une terre qui peut dire « Pourquoi m'as-tu abandonné ? » En attendant le vote des bêtes sauvages n'est pas un texte à refermer après lecture : c'est une réflexion qui ouvre, au-delà des mots, des infinis de questionnements humains.
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Imaginez un continent qui a été découpé grossièrement, partagé, occupé et dominé, dont on a envoyé les hommes faire la guerre pour des intérêts qui ne les concernent même pas, puis décolonisé sans pour autant avoir été complètement libéré: une poignée d'hommes, présents sur les cinq continents - dont l'Afrique - continuent à tirer les ficelles des dictatures qui y ont été mises en place car tous y trouvent un intérêt: économique, diplomatique, stratégique, politique...
Koyaga (alias Gnassingbé Eyadema) arrive au pouvoir après avoir fait tuer ceux avec qui il le partageait. Commence alors son initiation auprès des souverains des pays voisins, chacun s'évertuant, en l'accueillant dans leur palais, à lui expliquer les règles et tactiques du bon dictateur, avant que ne commence enfin son propre règne despotique.
Dans la langue vivante et impertinente qui lui est propre, Kourouma nous fait faire le tour de l'Afrique de l'Ouest et du Nord et nous raconte, avec verve, les personnalités de personnages haut en couleur tels que Mobutu, le roi Hassan II ou encore Houphouët-Boigny, dictateurs tout droit sortis de nos livres d'Histoire alors sans reliefs.
Il faut déjà porter un certain intérêt à L Histoire africaine contemporaine pour s'engager dans ce roman plein de références, même s'il prend souvent des allures de contes africains, ce qui lui donne des airs de réalisme magique que j'ai adoré, tout comme les expressions africaines très imagées dont il parsème le roman, découpé en veillées contées, selon la tradition orale.
Il a fallu que je m'accroche parfois et que je vérifie certains faits, mais j'ai été, en général, happée par cette lecture. C'est drôle, féroce comme ces dictateurs eux bien réels, impertinent et touché de sorcellerie. Quel grand écrivain que ce Kourouma! Prochain sur ma liste: Monnè, outrages et défis, mais aussi une très grande envie de vraiment consacrer plus de temps à la littérature africaine contemporaine.
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La construction de l'ouvrage est originale : au cours de 6 veillées, des conteurs – griots ? – racontent et chantent les louanges de Koyaga le grand chef, le grand soldat, le dictateur. Ces veillées sont rythmées de proverbes, de danses.

La première veillée est celle des origines, de la colonisation, de l'embrigadement des hommes nus – les paléos – qui habitent des fortins ressemblant aux tatas sombas – dans les régiments de tirailleurs sénégalais, dans la grande Guerre, puis dans la seconde guerre mondiale, l'Indochine, l'Algérie. Généalogie. le père guerrier, lutteur. La mère, sorcière. le marabout, Bokano, le protecteur.

Seconde veillée,prise de pouvoir, coup d'état militaire, sur fond de guerre froide, les complices.

La troisième conte l'histoire du journaliste Maclédio dans diverses contrées, de traditions variées, des fétiches, des esclaves dans le Sahel, l'apprentissage à Paris.

Pendant la 4ème apparaissent les autres chefs d'Etat, dictateurs corrompus, totem caïman, totem léopard, totem hyène. On croit reconnaître Bokassa, Hassan II… peut être d'autres, personne n'est nommé. Puis vient l'apothéose, la fête des 30 ans de dictature. Ensuite le réveil. Les caisses sont vides. La guerre froide, terminée. Vient le temps du FMI, de la Baule. L'Occident n'appuie plus les dictateurs, enfin la révolte.



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Un livre passionnant qui nous fait plonger en plein coeur de l'Afrique au sein d'un régime dictatorial. Une vaste épopée que ce roman d'Ahmadou Kourouma qui retrace la vie d'un dictateur africain, de sa naissance à son règne en passant par sa prise de pouvoir, la vie de ses parents et de certains de ses conseillers.
Une fresque très imagée, de par la présence de nombreux proverbes africains, servie par une langue foisonnante. La magie et la sorcellerie, le culte des ancêtres sont omniprésents.
Ahmadou Kourouma dresse un triste mais réaliste portrait des relations de ce continent avec les pays occidentaux, de la colonisation aux soutiens de dictateurs mis en place et courtisés sur fond de guerre froide et de lutte anti-communiste. L'histoire contemporaine récente nous montre encore aujourd'hui que l'instrumentalisation de l'Afrique sur fond de sphères d'influence reste malheureusement d'actualité.
L'auteur s'inspire de personnalités, de chefs d'état ayant vraiment existé pour décrire les différents protagonistes rencontrés par Koyaga lors de son voyage initiatique.
Roman instructif, coloré, jubilatoire par instants, à lire bien sûr.
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Comment terrifier les peuples en même pas dix leçons? Le héros de ce livre, dictateur sanguinaire de métier, a tellement de conscience professionnelle qu'il ira jusqu'à entamer une tournée auprès de ses collègues pour parachever sa formation. C'est à la « veillée IV », mais je le mets en exergue pour détromper tous les aigris qui se plaignent que la valeur travail se perd en ces temps décadents. Hé bien non, il y A des gens qui se décarcassent pour être à la hauteur de leur boulot, bande de pessimistes.

Au départ, musique ! Que sonnent la flûte et la kora et que s'élèvent les voix des deux griots. Le premier est Bingo, le sora c'est-à-dire le chantre ; le second est Tiécoura, son « répondeur » nommé en malinké cordoua, dans le rôle du bouffon, du fou du roi, à la parole libre car « il n'y a rien qu'on ne lui pardonne pas. » Ici commence la première des six veillées où sera dite l'histoire de Koyaga. C'est lui, le héros consciencieux dont je parle ci-dessus. Quelle ascension fut la sienne ! D'abord, chasseur, ensuite combattant en Indochine dans l'armée française, et finalement président-dictateur de la république africaine du Golfe. Du reste, président-dictateur, il l'est toujours –il semble même bizarrement increvable... Mais on n'est jamais trop prudent : c'est pour être certain de demeurer au faîte du pouvoir que Koyaga organise une grande cérémonie verbale en son propre honneur. Trônant au centre du cercle des plus grands chasseurs, il repaît ses oreilles du « récit purificateur » destiné à le protéger.

Ce qui m'a particulièrement intéressée dans ce livre, c'est non seulement l'art du conteur et la critique politique au vitriol, mais aussi l'arrière plan très présent de sorcellerie qui l'accompagne, et dont l'auteur joue de multiples façons. Ahmadou Korouma expliquait que son projet n'était pas d'endosser la langue française comme un simple costume apporté par le colonisateur, mais de la vriller de l'intérieur. Il nous transporte dans un autre univers mental en relatant en détail certaines pratiques magiques où les morts n'ont pas forcément dit leur dernier mot. Il fait par exemple vivre à l'un des personnages (Maclédio, compagon de route du tyran) une scène insolite et funèbre dont il fut lui-même témoin dans sa jeunesse *: celle des « danseurs de cadavre » qui portent rituellement le corps d'un de ses camarades de classe mort accidentellement. La mort était-elle vraiment accidentelle ? Maclédio n'y aurait-il pas joué un rôle? Aux danseurs de cadavre, interprètes bondissants des pensées du défunt, de le révéler...
Tout en soulignant la place de la magie dans sa culture, Korouma s'en sert également – et c'est jubilatoire- pour faire faussement partir le récit vers le merveilleux. Voici par exemple un homme capable de se métamorphoser en tourbillon de vent. Il «soulève feuilles et poussières, parcourt le jardin de la Résidence d'Est en Ouest et poursuit sa course folle dans la cour voisine» . Il se trouve que cet homme est un président en fuite (le prédécesseur de Koyaga) mais ils se trouve aussi que la cour où il se réfugie est, fort opportunément, celle de l'ambassade des Etats-Unis. Bien sûr, « les non-initiés, par ignorance, douteront de cette version des faits. Ils prétendront qu'un passage existait entre la résidence du Président et l'enceinte de l'ambassade. » Initiés ou non-initiés, je vous conseille en tout cas de goûter à la magie de cette langue d'une grande puissance poétique et politique.

*voir le livre de Jean-Michel Djian, Ahmadou Kourouma



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Comment devient-on le dictateur d'un pays ayant accédé récemment à l'indépendance ? Comment se maintenir au pouvoir ? Quelles relations a-t-on avec l'ancienne puissance colonisatrice ? Voilà le propos de l'auteur dans cette chronique historique à l'humour qui fait mal, sans pitié pour les siens et l'entreprise de colonisation, tableau acéré de la société africaine post-coloniale. le livre a été écrit en 1998 mais reste actuel par bien des aspects. Bien qu'ils ne soient pas cités on reconnaît au passage les dictateurs Mobutu, l'Empereur auto-proclamé Bokassa et d'autres. Quant au dictateur sujet du livre, quelques indices semés ça et là permettront au lecteur curieux de lui mettre un nom : il s'agit de Gnassingbé Eyadema, qui dirigea d'une main de fer sanglante le Togo de 1967 à 2005, avant de transmettre le pouvoir à son fils.
Malgré une tendance à la répétition, voilà un livre passionnant qui nous pose à nous Français, une question fondamentale : pourquoi ces pays sont-ils ainsi tombés dans les ténèbres de la dictature après quasiment un siècle d'une colonisation sensée leur avoir apporté les « valeurs occidentales », dont la démocratie ? La réponse est évidente : la colonisation est une abjection.
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Au cours de 6 veillées organisées pour les 30 ans de présidence de Koyaga des conteurs louent les qualités du dictateur Koyaga, depuis son accession au pouvoir
Six veillées qui permettent aussi bien de faire le portrait de Koyaga, de connaitre son histoire, de faire le portrait d'autres dictateurs africains, qui ont tous aidé Koyaga ou dont il s'est inspiré, des dictateurs jamais nommés, des pays imaginaires mais tous reconnaissables...Bokassa, Hassan II, Selou Touré, Idi Amin Dada...;
Un portrait de l'Afrique, de la colonisation, de ces hommes partis comme soldats dans les guerres de colonisation que mena la France, et qui revenus avec des grades de sous officiers se proclament empereurs à la suite de coups d'état. Un regard sans complaisance sur cette Afrique dirigée par des dictateurs soutenus par l'Occident parce qu'ils étaient un rempart contre la menace communiste, et ceci malgré les crimes contre leurs peuples, les tortures contre les opposants. Qu'importe que ces dictateurs ne fassent pas de différence entre Caisses de l'État et caisse personnelle, ils vivent dans les palaces financés au détriment du développement de leur pays et de leur peuple : "L'Afrique est de loin le continent le plus riche en pauvreté et en dictatures"...jusqu'au jour où.....
Marabout et griots coups d'états, les servent, Des proverbes africains savoureux émaillent les propos des conteurs.
Un livre dérangeant parfois :
- "Pour que l'argent du pays n'aille pas aux Libanais, aux hindous, aux Ouest-Africains et Hassouas, l'Empereur avait été obligé de tout entreprendre et de s'attribuer tous les monopoles. le monopole de la photographie des cérémonies de l'Empire, celui de la gestion des hôtels de passe et des bars des quartiers chauds, celui de la production de la pâte d'arachide, ceux du ravitaillement de l'armée en viande, riz, manioc, de l'administration en papier hygiénique, de la fourniture des tenues des écoliers, des parachutistes et des marins, etc. L'Empereur faisait tout pour tout le pays et, au lieu de l'aider, les habitants allaient marauder des ses champs"
-"Ingérence humanitaire, c'est le droit qu'on donne à des Etats d'envoyer des soldats dans un autre Etat pour aller tuer des pauvres innocents chez eux, dans leur propre pays, dans leur propre village, dans leur propre case, sur leur propre natte."
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Ce livre narre la cérémonie purificatoire du dictateur Koyoga qui a pris la tête de la République du Golfe.
J'ai tout d'abord apprécié la description des traditions orales avec ces 6 veillées menées par Bingo, un "Sora" poète récitant qui fait la louange du dictateur et s'accompagne d'une cora, sorte de harpe africaine. Il y a aussi un autre homme pour l'accompagner : un "répondeur" , son apprenti.
Ils chantent et dansent ces récits de chasse appelés "donsomana" en malinké.
J'ai également apprécié l'ironie avec laquelle le roman restitue les différents événements historiques, guerres mondiales, guerre froide, guerres du Vietnam et d'Algérie, la décolonisation auxquels est liée l'histoire de ce dictateur. le récit de la tournée initiatique auprès des grands dictateurs du continent est tristement irrésistible.
Un bon moment de lecture.
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L'auteur de ce roman publié en 1998, Ahmadou Kourouma est décédé en 2003. Il avait obtenu le prix du Livre Inter en 1999, ce qui est un gage de qualité. Il nous plonge dans l'Afrique de la fin du 19 ème siècle à la fin du 20 ème, mais surtout dans les années qui ont succédé à l'indépendance des pays africains, avec l'arrivée au pouvoir de nombreux dictateurs. Il montre notamment le rôle, des pays colonisateurs, dont la France, dans l'émergence de ces dictatures. Beaucoup des dictateurs de la première génération après l'indépendance avaient été militaires, sous-officiers, officiers dans l'armée française avant de rejoindre l'armée de leur pays et de faire des putschs pour s'emparer du pouvoir. La politique internationale, pendant cette période dite de la guerre froide, les a aidés pour prendre et se maintenir à la tête de leur pays souvent en fermant les yeux sur la répression sanguinaire qu'ils faisaient subir à leur peuple. Les pays sont de fiction, ils ont des noms neutres, République du Golfe, République des deux fleuves etc... Les noms des dictateurs sont également inventés, mais leurs descriptions, leurs tenues vestimentaires, leurs parcours, les atrocités, les abus qu'ils commettent, leurs mégalomanies font forcément penser à ceux qui ont réellement existé.
Lors d'une cérémonie en six veillées, autour du Président Koyaga, un dictateur sanguinaire, un griot lui retrace sa vie. Il revient sur ses origines dans la tribu des hommes nus. Sur l'enrôlement forcé dans l'armée française, de son père, qui se comporte en héros dans les tranchées de Verdun. Sur son propre enrôlement dans l'armée coloniale française en Indochine et en Algérie, et ensuite sa prise du pouvoir lors de son retour dans son pays. Il relate l'importance des marabouts, des sorciers, du fétichisme, des croyances occultes, des religions, conversions au christianisme, l'influence prédominante de l'islam. Il décrit les leçons que lui ont données ces collègues despotes déjà en place. Il lui rappelle les assassinats qu'il a commis pour arriver et se maintenir au pouvoir, ses abus pour assouvir sa mégalomanie, en terme de fêtes à sa gloire, de constructions gigantesques inutiles, en terme d'armement militaire injustifié. Les vols qu'il a perpétrés dans les caisses de l'état pour son enrichissement personnel. Les chasses monstrueuses qu'il organisait, détruisant sans réserve la faune sauvage, pour asseoir devant son peuple, et devant ses hôtes étrangers, sa réputation de maître chasseur.
Ce qui est surprenant pour un lecteur qui ne connaît pas l'Afrique, c'est le rôle des marabouts, notamment dans le roman celui de la mère sorcière de Koyaga, Nadjouma, la notion également d'homme de destin, (Koyaga est l'homme de destin de Maclédio, celui qui le pousse aux pires atrocités), le besoin pour tous ces dictateurs d'avoir un totem, untel à pour totem le caïman, un autre la hyène, un autre encore le léopard.
C'est à la fois un conte émaillé de proverbes africains dans lequel l'humour côtoie le pathétique, et un roman qui s'appuie sur l'histoire du continent dont l'auteur a été le témoin.
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Lorsqu'on connaît l'histoire de l'afrique, on reconnaît assez aisément les personnages.
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