Louis le papillon de nuit

J'ai lu une fois, dans une revue de jardinage (c'était il y a très longtemps dans une salle d'attente), que c'est à ses bordures que l'on juge de la qualité d'une pelouse. (Non, Hugo, ce n'était ni chez une esthéticienne, ni chez la gynéco, tu peux te rasseoir et calmer ce petit supplément d'excitation qui ne manque jamais de se faire jour lorsqu'on évoque devant toi des notions de jardinage aussi subtiles que la tonte des gazons...)
Je ne me souviens plus exactement pourquoi je vous dis cela à ce moment précis mais peut-être saurez-vous mieux que moi remettre de l'ordre dans mes pensées au moment où vous terminerez la lecture de cet embryon de critique. Voyons plutôt l'album :
Le jour s'achève ; quelques ultimes insectes diurnes raclent le fond des dernières fleurs en quête d'un restant de nectar ou de pollen. Les cieux prennent des couleurs féeriques de cuivre et d'or ; les animaux nocturnes sortent timidement de leur tanière et commencent à pointer le bout de leurs antennes.
L'espace d'un instant, Siméon le papillon croise la route de Louis le papillon de nuit. le premier regagne ses pénates, le second entre en scène. Il va faire une manière de tournée d'inspection, voir si tout est rentré dans l'ordre, si chaque pétale est bien en place pour la nuit, si chaque fourmi est bien rentrée au bercail...
C'est qu'il a un peu l'âme poète, cet ami Louis, je dirais même un peu mélancolique, car il est bien seul, le soir, quand les vrombissements se sont tus.
C'est alors que Carole la luciole, informée de cet état du papillon, lui fait cadeau d'une fleur à veiller pour occuper ses nuits. Mais qu'y a-t-il au creux d'une fleur créée par cette enchanteresse de luciole ?...

Je crois bien vous avoir parlé de pelouse, non ?
Voilà une série, Les Drôles de Petites Bêtes, dont cet ouvrage est le 50ème volume. Voilà un auteur, Antoon Krings, qui dessine cette série depuis de nombreuses années, jusqu'à l'overdose, en ayant largement surexploité le filon, sortant chaque année bien plus d'albums (au minimum un pour Noël) que le seuil d'objectivité critique dénué d'attirance commerciale aurait dû l'y autoriser. Ne sachant plus quelle nouvelle bestiole portraiturer et ayant fait le tour des nains de jardin et des lapins de Pâques, se décide à jeter son dévolu sur une espèce peu sexy, dans des tonalités lugubres car nocturnes.
Ce n'est donc pas peu dire que cet album est marginal dans la série, qu'il est le fruit d'un creusement de méninge efficace pour dégoter un énième habitant du jardin, d'un effort quasi surhumain pour tâcher d'y coller un scénario qui veuille moindrement dire quelque chose et qui tiennent tant soit peu sur six pattes.
Et pourtant, force est de constater qu'il y a une certaine qualité inhérente. le dessin est soigné, il y a un vrai univers qui est réactivé avec cette espèce de gardien de nuit aux allures pastorales qu'est Louis.
Il y a même, beaucoup plus qu'à l'accoutumée, une amorce de poésie, tant dans le dessin que dans le texte qui n'est pas désagréable.
Alors, évidemment, je ne prétendrais nullement que cet album aurait sa raison d'être s'il n'y avait pas tout le restant de la série pour l'étayer. Je ne prétendrai pas non plus que la chute de l'histoire m'ait laissé un quelconque souvenir favorable.
En revanche, oui, pour un album presque exclusivement commercial, je trouve qu'il y a un niveau moyen de qualité qui dénote ce que l'on peut attendre de la série quand on tombe sur l'un de ses bons opus.
Bien évidemment, ceci n'est qu'un petit avis tombé sur le bord d'une pelouse, c'est-à-dire, pas grand-chose.

Ma fille collectionne (heureusement qu'il y a eu des rééditions !) ces drôles de petites bêtes. Nous les avons tous lus ensemble, à voix haute, et je trouve que globalement c'est des livres bien sympathiques, dont certains numéros (nous en avons 66 à ce jour) sortent du lot. Cela plaît aux enfants, et je trouve que le graphisme a évolué, en mieux, au fil du temps. L'aventure commence avec le numéro un « Mireille, l'abeille », la star incontestable et incontestée du jardin qui possède une maison plus que coquette et continue ensuite avec d'autres insectes.
Ne nous en voulez pas si cette critique se répète donc ici sur le site : qui aime, ne compte pas.