Ce débat est une disputatio scolastique au sens médiéval, où les dieux - les allégories - Folie et Amour - échangent sur leur pouvoir : qui conduit le monde, qui conduit et motive les actions humaines ? D'autres auteurs de la Renaissance utilisent le procédé et le genre, notamment Érasme. Chaque camp expose ainsi ses arguments l'un après l'autre, dans un véritable procès présidé par Jupiter - pour une question de rythme, j'aurais néanmoins préféré une forme plus théâtrale, avec des interruptions, plutôt que de longs monologues.
Louise Labé inscrit donc son oeuvre dans le mouvement humaniste qui place l'homme au centre de la réflexion, qui réfléchit sur sa conduite et ses sentiments. Elle appartient aussi au contexte littéraire et artistique de la Renaissance qui redécouvre l'Antiquité. Les références à la mythologie et aux oeuvres gréco-romaines sont ainsi très nombreuses, du Banquet philosophique de
Platon à la poésie d'
Ovide, des épopées homériques aux odes pindariques... Pour un lecteur moderne un peu moins féru de culture antique, on peut se sentir un peu perdu, noyé sous toutes ses références.
Néanmoins, ce n'est pas qu'un texte d'érudition, qu'une compilation de citations. L'écriture de
Louise Labé est vive, spirituelle, mordante aussi. Elle égratigne tant les hommes conduits par leurs désirs, prêts à tout y compris le ridicule par amour, se coiffant et se parant avant de voir leur belle, que les femmes, tout aussi jalouses, menteuses, désirantes... Il y a des réflexions que l'on peut qualifier de féministes avant l'heure, notamment lorsqu'elle présente des femmes qui se jouent de leurs soupirants, qui veulent assumer leurs propres déris...
En lisant ce débat, nous ne pouvons être que du côté de la Folie, car c'est par folie que les hommes créent le théâtre, la musique, la poésie même. L'Amour n'est qu'un désir, il est sublimé par la Folie qui traduit cet élan dans l'art. "Brief, le plus grand plaisir qui soit après amour, c'est d'en parler", et
Louise Labé le fait avec brio.