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EAN : 9782070322053
320 pages
Gallimard (15/05/1981)
3.88/5   17 notes
Résumé :
Né à Pourrières (Var) le 31 juillet 1851, Germain Nouveau, après avoir songé à embrasser le sacerdoce, vient à Paris où il rencontre Verlaine et Rimbaud. Ses premiers poèmes lui assurent la notoriété. Déchiré entre la sensualité et le mysticisme, il termine sa vie en de nombreux voyages et pèlerinages. Il meurt à Pourrières en avril 1920.
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Un ami m'a parlé de Germain Nouveau (1851-1920), un poète un peu oublié. Il a pourtant fréquenté S. Mallarmé, J. Richepin... et surtout A. Rimbaud. Il a mené une vie assez chaotique, vivotant parfois comme un clochard, frappé occasionnellement de crises de folie mystique. Il a préféré ne pas publier de son vivant son oeuvre poétique, qui est donc essentiellement posthume. le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle est disparate: on y trouve tout et son contraire, des poésies d'inspiration religieuse comme des satires de libre-penseur, par exemple. A tout prendre, je préfère les secondes dont l'ironie est assez plaisante; je mets deux extraits de "Valentines" en citation. Je dois souligner que, à mon sens, la poésie de G. Nouveau est très pauvre, surtout quand on la compare à celle de ses contemporains plus célèbres.
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Germain Nouveau est connu pour avoir accompagné Rimbaud à Londres, et avoir été mendiant, puis être mort, de misère, à Aix. Mais il vaut mieux que sa légende. Ce fut l'un de nos plus grands poètes, comme l'ont clamé Aragon et Breton. Ce livre reprend l'essentiel de son oeuvre. Indispensable.
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Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
L'amour de l'amour

I.

Aimez bien vos amours ; aimez l'amour qui rêve 
Une rose à la lèvre et des fleurs dans les yeux ; 
C'est lui que vous cherchez quand votre avril se lève, 
Lui dont reste un parfum quand vos ans se font vieux.

Aimez l'amour qui joue au soleil des peintures, 
Sous l'azur de la Grèce, autour de ses autels, 
Et qui déroule au ciel la tresse et les ceintures, 
Ou qui vide un carquois sur des coeurs immortels.

Aimez l'amour qui parle avec la lenteur basse 
Des Ave Maria chuchotés sous l'arceau ; 
C'est lui que vous priez quand votre tête est lasse, 
Lui dont la voix vous rend le rythme du berceau.

Aimez l'amour que Dieu souffla sur notre fange, 
Aimez l'amour aveugle, allumant son flambeau, 
Aimez l'amour rêvé qui ressemble à notre ange, 
Aimez l'amour promis aux cendres du tombeau !

Aimez l'antique amour du règne de Saturne, 
Aimez le dieu charmant, aimez le dieu caché, 
Qui suspendait, ainsi qu'un papillon nocturne, 
Un baiser invisible aux lèvres de Psyché !

Car c'est lui dont la terre appelle encore la flamme, 
Lui dont la caravane humaine allait rêvant, 
Et qui, triste d'errer, cherchant toujours une âme, 
Gémissait dans la lyre et pleurait dans le vent.

Il revient ; le voici : son aurore éternelle 
A frémi comme un monde au ventre de la nuit, 
C'est le commencement des rumeurs de son aile ; 
Il veille sur le sage, et la vierge le suit.

Le songe que le jour dissipe au coeur des femmes, 
C'est ce Dieu. Le soupir qui traverse les bois, 
C'est ce Dieu. C'est ce Dieu qui tord les oriflammes 
Sur les mâts des vaisseaux et des faîtes des toits.

Il palpite toujours sous les tentes de toile, 
Au fond de tous les cris et de tous les secrets ; 
C'est lui que les lions contemplent dans l'étoile ; 
L'oiseau le chante au loup qui le hurle aux forêts.

La source le pleurait, car il sera la mousse, 
Et l'arbre le nommait, car il sera le fruit, 
Et l'aube l'attendait, lui, l'épouvante douce 
Qui fera reculer toute ombre et toute nuit.

Le voici qui retourne à nous, son règne est proche, 
Aimez l'amour, riez ! Aimez l'amour, chantez ! 
Et que l'écho des bois s'éveille dans la roche, 
Amour dans les déserts, amour dans les cités !

Amour sur l'Océan, amour sur les collines ! 
Amour dans les grands lys qui montent des vallons ! 
Amour dans la parole et les brises câlines ! 
Amour dans la prière et sur les violons !

Amour dans tous les coeurs et sur toutes les lèvres ! 
Amour dans tous les bras, amour dans tous les doigts !

Amour dans tous les seins et dans toutes les fièvres ! 
Amour dans tous les yeux et dans toutes les voix !

Amour dans chaque ville : ouvrez-vous, citadelles ! 
Amour dans les chantiers : travailleurs, à genoux ! 
Amour dans les couvents : anges, battez des ailes ! 
Amour dans les prisons : murs noirs, écroulez-vous !

II.

Mais adorez l'Amour terrible qui demeure 
Dans l'éblouissement des futures Sions, 
Et dont la plaie, ouverte encor, saigne à toute heure 
Sur la croix, dont les bras s'ouvrent aux nations.
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Les mains.

Aimez vos mains afin qu’un jour vos mains soient belles,
Il n’est pas de parfum trop précieux pour elles,
Soignez-les. Taillez bien les ongles douloureux,
Il n’est pas d’instruments trop délicats pour eux.

C’est Dieu qui fit les mains fécondes en merveilles ;
Elles ont pris leur neige au lys des Séraphins,
Au jardin de la chair ce sont deux fleurs pareilles,
Et le sang de la rose est sous leurs ongles fins.

Il circule un printemps mystique dans les veines
Où court la violette, où le bluet sourit ;
Aux lignes de la paume ont dormi les verveines ;
Les mains disent aux yeux les secrets de l’esprit.

Les peintres les plus grands furent amoureux d’elles,
Et les peintres des mains sont les peintres modèles.

Comme deux cygnes blancs l’un vers l’autre nageant,
Deux voiles sur la mer fondant leurs pâleurs mates,
Livrez vos mains à l’eau dans les bassins d’argent,
Préparez-leur le linge avec les aromates.

Les mains sont l’homme, ainsi que les ailes l’oiseau ;
Les mains chez les méchants sont des terres arides ;
Celles de l’humble vieille, où tourne un blond fuseau,
Font lire une sagesse écrite dans leurs rides.

Les mains des laboureurs, les mains des matelots
Montrent le hâle d’or des Cieux sous leur peau brune.
L’aile des goélands garde l’odeur des flots,
Et les mains de la Vierge un baiser de la lune.

Les plus belles parfois font le plus noir métier,
Les plus saintes étaient les mains d’un charpentier.

Les mains sont vos enfants et sont deux soeurs jumelles,
Les dix doigts sont leurs fils également bénis ;
Veillez bien sur leurs jeux, sur leurs moindres querelles,
Sur toute leur conduite aux détails infinis.

Les doigts font les filets et d’eux sortent les villes ;
Les doigts ont révélé la lyre aux temps anciens ;
Ils travaillent, pliés aux tâches les plus viles,
Ce sont des ouvriers et des musiciens.

Lâchés dans la forêt des orgues le dimanche,
Les doigts sont des oiseaux, et c’est au bout des doigts
Que, rappelant le vol des geais de branche en branche,
Rit l’essaim familier des Signes de la Croix.

Le pouce dur, avec sa taille courte et grasse,
A la force ; il a l’air d’Hercule triomphant ;
Le plus faible de tous, le plus doux a la grâce,
Et c’est le petit doigt qui sut rester enfant.

Servez vos mains, ce sont vos servantes fidèles ;
Donnez à leur repos un lit tout en dentelles.

Ce sont vos mains qui font la caresse ici-bas ;
Croyez qu’elles sont soeurs des lys et soeurs des ailes :
Ne les méprisez pas, ne les négligez pas,
Et laissez-les fleurir comme des asphodèles.

Portez à Dieu le doux trésor de vos parfums,
Le soir, à la prière éclose sur les lèvres,
Ô mains, et joignez-vous pour les pauvres défunts,
Pour que Dieu dans les mains rafraîchisse nos fièvres,

Pour que le mois des fruits vous charge de ses dons
Mais ouvrez-vous toujours sur un nid de pardons.

Et vous, dites, ô vous, qui, détestant les armes,
Mirez votre tristesse au fleuve de nos larmes,
Vieillard, dont les cheveux vont tout blancs vers le jour,
Jeune homme, aux yeux divins où se lève l’amour,
Douce femme mêlant ta rêverie aux anges,

Le coeur gonflé parfois au fond des soirs étranges,
Sans songer qu’en vos mains fleurit la volonté,
Tous, vous dites : « Où donc est-il, en vérité,
Le remède, ô Seigneur, car nos maux sont extrêmes ? »

- Mais il est dans vos mains, mais il est vos mains mêmes.
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Pauvreté.

Qui donc fera fleurir toute la pauvreté ?
Quand Jésus a quitté le ciel, il l’a quitté
Pour une étable ; il est charpentier, il travaille;
Né sur l’or, mais sur l’or mystique de la paille,
Entre l’âne et bœuf, l’ignorance et l’erreur,
Lui qui pouvait choisir un berceau d’empereur,
Qu’aurait ému le pied rieur des chambrières,
Préfère une humble crèche où l’ange est en prières I
Certes l’argent est bon, l’or est délicieux,
Mais l’un ouvre l’enfer, l’autre ferme les cieux ;
L’un sait glacer le cœur, l’autre étouffer les âmes ;
L’or met sa clarté louche où l’amour met ses flammes,
L’or est un soleil froid ; le soleil chauffe et luit,
Car il est fils du ciel ; l’or est fils de la nuit :
A pleins bords pour le crime, et rare pour l’aumône,
Il coule, et la famille, où sonne son flot jaune,
S’écroule au bruit joyeux des pièces de vingt francs !
Et plus ils sont dorés, moins les baisers sont francs.
L’or est un mal où l’homme, hélas! cherche un remède.
Sitôt qu’il crie et souffre, il l’appelle à son aide,
Pour vêtir sa misère et combler avec lui
Son cœur vide, et le gouffre amer de son ennui.
Grâce à l’argent, le mal trône et rit sur la terre.
A son contact banal, quelle âme ne s’altère?
Jésus était-il riche, et Pierre l’était-il?
Une humble barque, ouvrant sa voile de coutil,
C’est peu — même en comptant le souffle de la brise, —
Cette voile a grandi ; voyez-là, c’est l’Eglise !

Travaillez, c’est la règle, enrichissez-vous, mais
Restez pauvres d’esprit. Laissant les fiers sommets,
Les lys, pour s’élancer, ont mieux aimé les plaines,
Et quant aux dons du ciel : « Aux pauvres les mains pleines. »
Dieu ne visite pas le riche orgueilleux, non !
Pauvre, Jésus le lut, ne voulant d’autre nom.
Mais Jésus l’est toujours, mais son cri monte encore.
Tout pauvre que la lièvre et que la soif dévore,
C’est Jésus. Tout petit qui va pieds nus, c’est Lui.
Notre ennemi sans pain, est-ce encor Jésus? Oui.
Etre pauvre, avant tout, c’est aimer la sagesse,
Et l’on peut l’être même aux bras de la richesse ;
Etre riche, avant tout, c’est n’aimer que l’argent,
Et l’on peut l’être, même en étant indigent !
Etre riche d’esprit, désirer, c’est la gêne,
C’est river à son pied une bien lourde chaîne ;
Etre pauvre d’esprit, c’est être libre, Eh bien !
Aimez ha liberté, n’appartenez à rien,
Pas même au lit qui s’ouvre à votre échine lasse,
Pas même à votre habit : il est au temps qui passe.

Toute la pauvreté, disais-je en commençant,
La mauvaise richesse, elle est dans notre sang :
Elle est dans nos pourpoints, elle est dans notre code
Et fait l’opinion, comme elle fait la mode.
O pauvreté, la France entende votre voix !
France riche d’esprit, beaucoup trop riche en lois !
L’esprit de pauvreté, voilà l’esprit pratique
Qui doit ensoleiller la sombre politique ;
Le roi. ton noble époux, César, un sombre amant,
Sont loin de ta pensée, ô France, en ce moment !
Le front coiffé des plis d’une laine écarlate,
La liberté te rit, la liberté te flatte :
C’est un ange éclatant qui semble un lutteur noir,
Radieux comme l’aube et beau comme le soir,
Car il porte, pareil aux séraphins de l’ombre,
Un masque étincelant sur son visage sombre.
Tu n’as pas peur? C’est bien. Tu veux le suivre? aile
Mais ne va pas saisir les ciseaux des félons,
Et du fier inconnu dont tu fus curieuse
Sinistrement rogner l’aile mystérieuse.
Ne lui mets pas de loi perfide autour du cou.
S’il n’est pas une brute, arrière le licou!
Qu’il puisse au grand soleil marcher nu dans l’arène,
Et tordre toute chose en sa main souveraine,
Et retremper toute âme en sa cuve qui bout.
Alors nous pourrons voir qui restera debout,
La sagesse divine ou la sagesse humaine,
Si c’est le nom obscur que cet ange ramène,
Ou le nom lumineux dans chaque étoile écrit,
Et si c’est Robespierre ou si c’est Jésus-Christ !
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Immensité.

Voyez le ciel, la terre et toute la nature ;
C’est le livre de Dieu, c’est sa grande écriture ;
L’homme le lit sans cesse et ne l’achève point.
Splendeur de la virgule, immensité du point !
Comètes et soleils, lettres du feu sans nombre!
Pages que la nuit pure éclaire avec son ombre !
Le jour est moins charmant que les yeux de la nuit.
C’est un astre en rumeur que tout astre qui luit.
Musique d’or des cieux faite avec leur silence ;
Et tout astre immobile est l’astre qui s’élance.
Ah ! que Dieu, qui vous fit, magnifiques rayons,
Cils lointains qui battez lorsque nous sommeillons,
Longtemps, jusqu’à nos yeux buvant votre énergie,
Prolonge votre flamme et sa frêle magie !
La terre est notre mère au sein puissant et beau ;
Comme on ouvre son cœur, elle ouvre le tombeau,
Faisant ce que lui dit le Père qui regarde.
Dieu nous rend à la Mère, et la Mère nous garde ;
Mais comme le sillon garde le grain de blé,
Pour le crible, sur l’aire où tout sera criblé :
Récolte dont le Fils a préparé les granges,
Et dont les moissonneurs vermeils seront les anges.
La nature nous aime, elle cause avec nous ;
Les sages l’écoutaient, les mains sur leurs genoux,
Parler avec la voix des eaux, le bruit des arbres.
Son cœur candide éclate au sein sacré des marbres ;
Elle est la jeune aïeule ; elle est l’antique enfant !
Elle sait, elle dit tout ce que Dieu défend
À l’homme, enfant qui rit comme un taureau qui beugle ;
Et le regard de Dieu s’ouvre dans cette aveugle.
Quiconque a le malheur de violer sa loi
A par enchantement soi-même contre soi.
N’opposant que le calme à notre turbulence,
Elle rend, au besoin, rigueur pour violence,
Terrible à l’insensé, docile à l’homme humain :
Qui soufflette le mur se fait mal à la main.
La nature nous aime et donne ses merveilles.
Ouvrons notre âme, ouvrons nos yeux et nos oreilles :
Voyez la terre avec chaque printemps léger,
Ses verts juillets en flamme ainsi que l’oranger,
Ses automnes voilés de mousselines grises,
Ses neiges de Noël tombant sur les églises,
Et la paix de sa joie et le chant de ses pleurs.
Dans la saveur des fruits et la grâce des fleurs,
La vie aussi nous aime, elle a ses heures douces,
Des baisers dans la brise et des lits dans les mousses.
Jardin connu trop tard, sentier vite effacé
Où s’égarait Virgile, où Jésus a passé.
Tout nous aime et sourit, jusqu’aux veines des pierres ;
La forme de nos cœurs tremble aux feuilles des lierres ;
L’arbre, où le couteau grave un chiffre amer et blanc.
Fait des lèvres d’amour de sa blessure au flanc ;
L’aile de l’hirondelle annonce le nuage ;
Et le chemin nous aime : avec nous il voyage ;
La trace de nos pas sur le sable, elle aussi
Nous suit ; elle nous aime, et l’air dit : « me voici ! »
Rendons-leur cet amour, soyons plus doux aux choses
Coupons moins le pain blanc et cueillons moins les roses
Nous parlons du caillou comme s’il était sourd,
Mais il vit ; quand il chante, une étincelle court…
Ne touchons rien, pas même à la plus vile argile,
Sans l’amour que l’on a pour le cristal fragile.
La nature très sage est dure au maladroit,
Elle dit : le devoir est la borne du droit ;
Elle sait le secret des choses que vous faites ;
Elle bat notre orgueil en nous montrant les bêtes,
Humiliant les bons qui savent leur bonté,
Comme aussi les méchants qui voient leur cruauté.
Grâce à la bonté, l’homme à sa place se range,
Moins terre que la bête, il est moins ciel que l’ange
Dont l’aile se devine à l’aile de l’air bleu.
Partout où l’homme écrit « Nature », lisez « Dieu ».
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Dans les temps que je vois.

Alors, si l’homme est juste et si le monde est sage,
Offrant tout à Jésus, sa joie et ses douleurs,
Ceux-là, dont le poète apporte un doux message,
Viendront comme un bel arbre épanouit ses fleurs.

Alors, si l’Homme est sage et si la Vierge est forte,
Tous les enfants divins du royaume charmant
Dont l’esprit du poète entrebâille la porte,
Tous les prédestinés dès le commencement,

Ceux que le monde attend dans l’ombre et dans le rêve,
Ceux qu’implorent les jours, ceux que nomment les nuits,
Eloignés par Adam et refusés par Eve,
Viendront, comme sur l’arbre on détache les fruits.

Qu’ils sont beaux, les enfants que le Seigneur envoie !
Leur face est éclatante et leur esprit vainqueur ;
Conçus dans la justice, enfantés dans la joie,
Comme ils comblent nos yeux, ils comblent notre coeur !

Ils grandissent autour de leur mère fleurie,
Près du lait virginal, sous les chastes tissus ;
Et ce sont des Jésus et des Saintes-Maries
A qui sourit Marie, à qui sourit Jésus !

Que leurs rêves sont purs ! que leur pensée est belle !
Comme ils tiennent le ciel dans leurs petites mains !
S’ils songent tout à coup, c’est Dieu qui les appelle ;
Quand nous nous égarons, ils savent les chemins.

Quand on offre, prenant ; donnant, quand on demande ;
Ils grandissent. L’amour fait ces adolescents
Dociles à la voix de l’époux qui commande ;
Tous ces rois sont soumis, ces dieux obéissants !

Comme ils sont beaux ! Jetant sur nos laideurs un voile,
Qu’ils portent de jolis vêtements de couleurs !
Le soleil est vivant sur leur front, et l’étoile
Rit derrière leurs cils avec leur âme en fleurs.

Avec leur chevelure éparse sur leurs têtes,
Bouclant le long du dos, les bras nus dans le vent,
Ce sont des laboureurs et ce sont des poètes,
Aimant tous les travaux que l’on fait en rêvant.

Ils ont le regard sûr des yeux que rien n’étonne,
Et sur le terrain neuf de nos lucidités,
Comme les semeurs bruns sur les labours d’automne,
Ils vont ouvrir leurs mains pleines de vérités.

Ensemençant les coeurs, ensemençant les terres,
Répandant autour d’eux les grains et la leçon,
Ils viennent préparer en leurs doux ministères,
La moisson annuelle et la sainte moisson.

Comme au temps des troupeaux, comme au temps des églogues,
Avec leurs courts sayons aux poils longs et soyeux,
Ce sont de fins bergers et de bons astrologues,
Lisant au fond du ciel comme au fond de nos yeux.

Charmés de se plier à la règle commune,
En cadençant leurs pas, en modulant leurs voix,
Sous leurs vêtements blancs et doux comme la lune,
Ils marchent au soleil dans les temps que je vois.

Ce sont des vignerons et des maîtres de danse,
Buvant, à pleins poumons, l’air joyeux des matins,
Et les grammairiens parlant avec prudence,
La lèvre façonnée aux vocables latins.

Ce sont des charpentiers et des tailleurs de pierre,
De divins ouvriers dont le ciel est content,
Et dont l’art qui rayonne a fleuri la paupière,
Aimant tous les travaux que l’on fait en chantant.

Ce sont des peintres doux et des tailleurs tranquilles,
Sachant prêter une âme aux plis d’un vêtement,
Et suspendre des cieux aux plafonds de nos villes,
Aimant tous les travaux que l’on fait en aimant.

Plus charmants que les Dieux de marbre Pentélique,
C’est l’Olympe, ô Seigneur, rangé sous votre loi ;
C’est Apollon chrétien, c’est Vénus catholique,
Se levant sur le monde enchanté par sa foi.

Par ces fleurs du pardon, par ces fruits de la preuve,
Au lieu de ces jardins tristement dévastés,
Vous rendez un Eden à l’humanité veuve,
Seigneur, roi des Printemps ! Seigneur, roi des Etés !

Et les lys les plus purs, les roses souveraines,
Et les astres des nuits, les longs ciels tout en feu,
Sur les pas de ces rois, sous les yeux de ces reines,
Filles du Fils Unique, enfants du fils de Dieu,

S’inclinent, car ils sont la gloire du mystère,
La promesse du ciel paternel et clément,
Qui va refleurissant les rochers de la terre
Sous l’azur rajeuni de l’ancien firmament !
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Vidéo de Germain Nouveau
Germain NOUVEAU – Sur le chemin d'Humilis (France Culture, 1979) L'émission "Albatros", par Alain Borer, diffusée le 6 mai 1979. Lecture : Christian Rist.
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