Une autre version de cette hypothèse, à laquelle adhèrent nombre de sociolinguistes, stipule que le langage, au même titre que les autres institutions sociales, occuperait un poste-clé dans le maintien du sexisme dans la société. Ainsi, une langue sexiste ne ferait pas que refléter les réalités culturelles sexistes, elle les renforcerait aussi au quotidien par l’emploi de règles, mots, connotations, etc., selon les particularités propres à chaque système linguistique.
« Tolérer la persistance dans le fonctionnement du langage des préjugés sexistes, c’est faire obstacle et retarder une forme capitale de justice sociale. » Nous avons aujourd’hui les connaissances suffisantes, les structures politiques requises et, surtout, la force et la solidarité du nombre, bref, tous les moyens appropriés pour secouer cette norme figée et dépassée qui nous es transmise par la langue française, année après année, depuis plus de trois siècles.
Le langage n’est pas neutre : faut-il encore le rappeler? Les mots les plus anodins sont porteurs de sens, les sens renvoient à des images, des valeurs, des attitudes et des comportements, et ces comportements ont été créés et façonnés par la société. En fait, une partie de la société. Et c’est sur cet a priori que repose la remise en question du langage sexiste : la seule vision du monde qui émane du langage est celle des citoyens, et non des citoyennes.
Le fait que les usagères du français – et d’autres langues – modifient plus rapidement leurs pratiques langagières est signe de la réparation d’un malaise qu’elles ressentaient vis-à-vis de l’ancienne norme et signe d’une recherche de solutions de remplacement, de nouvelles voies, pouvant leur permettre de façonner la langue aussi à leur image.
« L’idéologie féministe a incorporé le principe de renommer, puisque le langage est si intimement lié avec la distribution du pouvoir dans la société. » Renommer, en modifiant l’orthographe d’un mot ou en lui substituant un autre terme, c’est faire prendre conscience à sa communauté des effets dévastateurs ou pouvoirisateurs des mots.