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Tout d'abord un grand merci à Babelio et aux éditions du Seuil de m'avoir offert ce livre dans le cadre de la Masse Critique privilégiée de février 2023.
Un roman qui m'a tenu en haleine comme un polar. Thomas a disparu. Sa femme Claire et ses enfants Léo et Hortense ne savent pas ce qu'il est devenu. Vit-il ailleurs, est-il mort ? Au début Claire n'y croit pas, elle sent qu'il va revenir d'un jour à l'autre. Mais le temps passe...Elle n'en a parlé à personne, pour elle en parler c'est accepter cette réalité. Deux années se passent et Claire est convoquée au commissariat ainsi que ses deux amies : Hélène et Joan. Alternativement, elles sont interrogées sur cette étrange disparition. Peu à peu, on commence à cerner les personnages du disparu, Thomas mais également de Claire, d'Hélène et de Joan. Elles se sont connues étudiantes, mais chacune ignore l'étrange passé des deux autres.
Une belle histoire pleine de mystères pour ce roman choral. L'écologie, la solidarité relative entre ces personnages nous donne un certain plaisir de lecture.
L'autrice canadienne est née en 1982 et vit en France depuis 2003.
Une belle découverte que je vous conseille.
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Lecture jeudi 23 février 2023

**** À la fois, Gros coup de coeur et gros coup d'Uppercut !!

Je débute par d'abondants remerciements aux éditions du Seuil et à Babelio, pour l'envoi de ce roman
( paraissant dans quelques jours à peine), qui a permis une toute première lecture de cette auteure d'origine canadienne, qui m'était totalement inconnue....J'en suis très heureuse car cela fût un vrai, un profond coup de coeur...

Dans un premier élan, lorsque Babelio m'a proposé ce texte, j'avais été attirée d'emblée par le noyau du sujet: la disparition brutale d'un mari , Thomas,au demeurant " exemplaire"...au bout de 20 ans de vie conjugale et familiale, sans histoires, une épouse, Claire, deux beaux enfants- adolescents: Léo et Hortense, une vie à la campagne....

Et puis un jour comme un autre, tout s'effondre pour Claire, avec la disparition de son époux, sans le moindre mot d'explication....

La narration va débuter , deux années après, au commissariat, pour tenter de régler ce mystère....à travers trois voix féminines : celles de son épouse, Claire et deux de leurs amies de jeunesse: Hélène et Joan ( exilée américaine)....

Curieusement, cette attente du disparu semble se révéler aussi angoissante que libératrice, pour Claire!

Ces récits alternatifs vont nous permettre de découvrir la personnalité de Thomas, ainsi que leurs liens à tous les quatre, depuis leurs années d'université et de rébellion estudiantine....

Revenons à la jeunesse de Claire: étudiante à la fois brillante et révoltée contre le système , contre la loi de l'argent et du capitalisme...Bref, Claire était comme ses deux amies, Hélène et Joan,contre les chemins tout tracés. Dans ce petit groupe d'amis, il y a aussi un garçon, brillant également, mais beaucoup plus traditionaliste...., plus conservateur, Thomas....

Alors quelle stupeur, quel étonnement les deux amies vont ressentir lorsque Hélène va annoncer son mariage avec cet étudiant si raisonnable, si " bourgeois"; mariage célèbré quasiment en catimini !


Claire sera enseignante un certain temps en banlieue parisienne, et finalement, dans une sorte d'envie furieuse d'autre chose, elle décide toute sa petite famille : mari, enfants à déménager et à s'installer à la campagne, afin qu'elle reprenne le vignoble de ses parents....Avec ce projet qui lui est enfin propre, elle s'engouffre corps et âme dans cette entreprise ; elle retrouve la terre, la nature, une fatigue physique qui la elient à nouveau à" l'essentiel"...

De son côté, son mari , brillant informaticien, travaille efficacement mais sans aucun plaisir, pour des grandes sociétés aux méthodes moyennement
" orthodoxes "...Sa personnalité de brillante va se ternir, " pâlir "...C'est Claire qui va prendre subitement toute la lumière ....dans la sphère familiale.

Une lecture à la fois très tonique, positive et critique , décortiquant les dysfonctionnements de notre société moderne, ainsi que les répercussions sur les individus....

"En tout cas, quand j'ai compris que Thomas ne reviendrait pas, que je ne le reverrais probablement jamais, je me suis souvenue avec une acuité terrifiante, terrifiante vraiment c'est le mot, des détails de la dernière heure, de la dernière minute.
(...)
Tout ce qui était insignifiant était soudain devenu de la plus haute importance. Quand on vous abandonne, il ne ne vous reste que cela.Ces riens- là. Les dernières images, comme des photographies. Ce sont des instants tellement simples, tellement humiliants de banalité."

Ce roman s'est aussi inspiré de faits réels dont celui du mouvement de la" Commune" de Tolbiac...(2018)


Ces trois femmes sous l'impulsion de Claire vont créer une sorte de lieu communautaire, en faisant tout elles-mêmes et en accueillant..d'autres rebelles, précaires et personnes en marge d'une société qui les a laissés au bord de la route ou qu'ils ont , une fois pour toutes, refusé...

"Cela dit, à la Commune, une certaine douceur s'est installée dans la routine des jours.Le fait d'appartenir désormais à un groupe sans chef rend tout désir de pouvoir obsolète et même ridicule.
(...)
Je me suis mise à admirer des gens qui étaient invisibles pour moi avant.Comme la femme qui m'a montré à faire du pain et le gars qui passe le balai.C'est un renversement complet de l'idéal, une autre définition de la grandeur qui m'est apparue. "

Tellement enthousiaste de cette lecture que je le suis précipitée pour commander un texte antérieur de cette auteure, " Autobiographie de l'Étranger ", où l'auteure déploie ses sujets de prédilection : être
" Étranger ", émigré dans un autre pays , mais aussi le sentiment " d'être étranger " vis à vis de la société mais aussi du monde....les lois du profit écrasant les personnes et accentuant les déséquilibres et injustices entre les classes sociales, les inégalités entre les hommes et les femmes, envie d'une autre manière de vivre "en société", tout en conservant indépendance de pensée et se libérer des schémas
traditionnels, etc.



Voir lien pour " La Commune de Tolbiac":

https://www.marianne.net/societe/universites-la-commune-libre-de-tolbiac-vue-de-l-interieur
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Deux ans après la disparition, non signalée, de Thomas, Claire son épouse, Joan et Hélène les amies du couple sont convoquées au commissariat.

Ces trois femmes vont témoigner, raconter leur histoire. Elles se sont rencontrées à la fac. Claire était déjà en couple avec Thomas. Hélène n'a jamais compris pourquoi Claire avait choisi Thomas, dont le caractère ne correspondait pas à celui de son amie. Après la fac et leur action militante, le couple est parti vivre dans le Nord, Claire pour enseigner, Thomas pour des boulots peu épanouissants. Ils ont tenu des années comme ça, deux enfants sont nés. Puis Claire a voulu tout plaquer et repartir dans son village natal, reprendre les vignes de ses parents. L'intégration ne s'est pas faite mais Claire s'épanouissait et semblait heureuse dans ce contact à la nature. Thomas, solitaire, n'a jamais voulu se faire des amis dans le village puis il a perdu son travail, a perdu pied et a disparu. Vingt ans d'une vie balayée par un au revoir. Claire avait perdu contact peu à peu avec ses amies Joan et surtout Hélène.

Hélène restée célibataire et libre selon elle, vit dans son petit studio, mais se prostitue pour survivre. Si elle a perdu contact avec Claire, elle a vu Thomas régulièrement pendant toutes ces années.

Joan a quitté l'Amérique, son pays natal, pour la liberté également et aussi pour devenir une autre en France. L'exilée illégale qui a toujours peur d'être renvoyée chez elle, qui ne trouve pas sa place. Thomas l'aide mais peut se révéler méchant et moqueur.

Ces trois femmes retracent leur vie et vont perdre leurs certitudes pendant leurs témoignages. le changement climatique a fait des ravages sur la nature, les crises sociales et politiques se succèdent et suite à la disparition de Thomas, elles se sont réfugiées ensemble dans une communauté. le destin de ces trois femmes va radicalement changer.

J'ai aimé la personnalité de ces trois amies, qui vivent comme elles peuvent avec leurs failles, leurs émotions, leurs peurs.

Connaît-on vraiment ses proches ? Les femmes peuvent-elles se reconstruire sans présence (domination) masculine ?

Merci à Babelio Masse Critique privilégiée et aux Éditions du seuil.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Pourquoi Claire n'a t-elle jamais signalé la disparition de son mari ? Pourquoi se livre t-elle sans fard deux ans plus tard, en répondant sans réticence à une convocation officielle de la police ? Les raisons de cette omission feront partie de ce qu'elle livre à l'agent chargé du recueil de ses paroles. Les années jeunesse, l'amour, les enfants mais aussi cette étrange allusion à une communauté dont l'existence se précise peu à peu au cours de la narration. En filigrane de ce discours ordinaire, se profile aussi un décor post apocalyptique fait de violence, de pénurie et de guerre civile, d'autant plus angoissant que banalisé.

Mais Claire n'est pas la seule à témoigner. Viendra la version de Joan et d'Hélène, les amies fidèles depuis les années d'études.

Peu à peu l'histoire se construit, celle du couple, celle du groupe et celle du milieu dans lequel ils évoluent. Des certitudes à la décadence, des doutes à l'effondrement. Plus qu'un thriller en quête de la résolution d'une énigme, le roman dresse un constat sur le couple, et sur les aspirations d'une jeunesse dont l'idéalisme volera en éclat quand plus rien ne sera possible. Il révèle aussi l'incommunicabilité et l'illusion de de croire que l'on peut connaître parfaitement les gens avec qui l'on vit.

Chronique sociale déguisée en pseudo polar, Les Manquants met le doigt sur les fragilités de ce qui constitue les piliers de notre organisation sociale.

La fluidité de l'écriture , qui restitue avec beaucoup d'adresse un discours ordinaire, est un des atouts de ce roman original.

Merci à Babelio et aux éditions Seuil

256 pages Seuil 3 mars 2023
Masse critique Babelio
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Difficile d'écrire un billet sur ce livre car mon avis n'est pas tranché d'une part et d'autre part c'est un roman beaucoup plus complexe qu'il ne le laisse penser au premier abord.
La disparition est un theme qui m'obsède « ça arrive, qu'on se demande, au plus caché de soi, quand la personne ferme la porte, quand elle prend sa voiture, quand elle monte sur son vélo : et si elle ne revenait jamais ? Et si elle avait un accident ? et si elle décidait de juste poursuivre sa route pour toujours ? »
Oui, ces questions ne me sont pas étrangères et j'ai donc abordé ce roman avec une certaine compassion pour Claire, la femme qui ne voit pas Thomas, son mari, rentrer. « tant que je n'officialisais pas sa disparition, je me disais qu'il restait un espace, un espoir»
«(...) j'avais le sentiment que, si j'en parlais à quelqu'un, la chose devenait réelle. Tant que je gardais cette histoire pour moi, ça n'existait pas. »
Où est la rationalité dans ces pensées ? Ne cherchez pas il n'y en a certainement pas et pourtant c'est tellement humain...
Si on peut penser que ce roman va nous raconter une histoire "banale" de disparition, on se trompe et c'est là le point original de ce roman.
Trois femmes, Claire, l'épouse de Thomas, Joan et Hélène deux amied sont convoquées au commissariat et à tour de rôle, interrogées, elles vont raconter. L'histoire de ces trois femmes, qui se sont connues durant leurs études est alors progressivement dévoilée et par la même occasion , on comprend mieux le personnage de Thomas.
L'histoire se déroule dans un monde futur, dystopie ?, utopie ?
C'est un roman noir qui flirt avec une enquête policière mais l'auteur a également un discours politique (féminisme, intégration, identité, écologie, capitalisme ... beaucoup de thèmes sont abordés.
C'est original, c'est dense mais je n'ai malheureusement pas été complétement impliquée dans l'histoire et je n'arrive pas à expliquer et même à savoir pourquoi.

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Les manquants.
En termes viticoles, c'est les pieds de vigne qu'il faut remplacer dans les rangs.
Claire le sait bien, elle qui a repris une exploitation.
Mais aujourd'hui c'est un manquant particulier qu'elle vient signaler au commissariat.
Un absent de longue durée.
Thomas, son mari.
Deux ans qu'il est parti.
Et c'est aujourd'hui seulement que vous signalez sa disparition ?
Oui, parce que là, il y a urgence.
Hélène et Joan, les amies du couple ont été convoquées, elles aussi, afin d'apporter leurs témoignages.
Dans ce roman choral, Marie-Éve Lacasse nous installe de l'autre côté du bureau. À l'écoute de ces trois femmes, pour essayer de comprendre qui est Thomas.
En livrant leurs impressions, c'est elles même qu'elles dévoilent au lecteur.
Leurs destins croisés, leur amitié, leur vision de la situation.
Elles parlent, mais elles s'interrogent aussi.
Et puis, elles apprennent.
Que cachait le disparu ?
Et il y a ce monde qui change autour d'elles, les obligeant à se réfugier dans une communauté.
Perturbant.
Une certaine tension monte au fil des pages.
C'est addictif, on a envie de savoir.
Un roman bluffant qui vient de paraître.
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Pas facile de rentrer dans ce livre, un passage par la quatrième de couverture me met tout de suite dans l'ambiance. Ce roman ce sont les voix de trois femmes. L'une, Claire, est le femme de Thomas. Thomas qui est parti un jour. Sans un mot, ni même un signe. Cela s'est passé il y a vingt ans. Un bail donc. Et puis Claire parle à la police, elle s'est décidée à aller au commissariat. Elle dit sa vie, son ressenti, la colère et la force qui la fait avancer. Claire parle, longuement, sans être interrompue. Remise en cause de cette vie en couple, de l'homme en général. Lorsqu'elle se tait se sont ces deux amies qui prennent le relais, dans des chapitres qui s'intercalent. Elles, Thomas, l'amitié. Tout se mêle.
Pas de dialogue juste ces trois voix qui s'inquiètent. de la disparition, de la suite, de l'avenir. Car sur cette terre, tout semble aller mal, pénurie, pollution. La terre se meurt. Et ce monde ?
Il y a eu le jour de l'Oural, et puis maintenant la Commune où les femmes se sont retrouver. L'auteure distille de courts renseignements au fil de ces pages. Et comme elle dit " il y a toujours quelque chose" .
Roman étrange qui nous emmène sur des pistes inconnues. On attend la fin sans savoir qui es Thomas. Où est Thomas? Mais en attendant l'auteure instille un léger malaise. Qu'elle saura faire imploser.
Un roman sur une disparition qui interroge la société. Habile et bien écrit. L'histoire, originale, ne nous laisse pas sans voix. Celles de femmes qui refusent de subir.

Livre reçu dans le cadre d'une masse critique, merci à Babelio et au Seuil pour cet envoi.
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Quand une quatrième de couverture est parfaite, il faut le souligner et lui rendre justice !

Au fil des dépositions respectives de Claire, Hélène et Joan, le portrait du disparu se dessine, ainsi que le passé des protagonistes. « Son départ, concret, rendait Thomas incroyablement présent, indispensable. C'est comme si d'un coup, par son absence, il apparaissait. » (p. 15) On assiste au lent mécanisme d'une fin du monde, intime et planétaire, mais aussi à la tentative de construire un autre paradigme, débarrassé du superflu et de l'attente. Les femmes se sont constituées en Commune, quelque part dans les montagnes. La vie est rude, laborieuse, mais bien plus simple, bien plus saine. « Quand les gens partent, ils vous entraînent avec eux dans leur folie. C'est ça le plus égoïste. » (p. 63) Mais à mesure des récits et des échanges avec la police, des faits nouveaux apparaissent. le départ de Thomas n'est peut-être pas un simple abandon de domicile et de famille. « Et soudain, je vois l'histoire, je recompose les manques. Je réalise que les indices étaient nombreux, qu'ils étaient seulement dans le désordre. » (p. 225)

J'ai aimé suivre ces trois femmes, surtout Claire qui refuse d'être simplement l'épouse qu'on a laissée. Elle est bien plus que cela. Thomas a fait son choix : après deux ans d'attente inutile, elle ne lui doit plus rien. « Excusez-moi, mais je refuse d'endosser la responsabilité de son départ. C'est trop facile. » (p. 117) le contexte cataclysmique mondial est suffisamment évoqué pour ne pas prendre le dessus sur l'histoire. le vrai drame est là, dans la nature qui se tord de souffrance, et non dans l'abandon lâche de l'époux. le sens du titre, que l'on comprend au coeur du roman, est d'une belle symbolique.
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Dans un monde (actuel, proche, probable si ce n'est déjà amorcé) où règnent violences policières, pénuries et rationnements dus aux catastrophes climatiques, trois femmes parlent tour à tour dans le bureau d'un commissariat de police.

Il y a Claire, la quarantaine, deux enfants. Elle vient déclarer la disparition de son mari deux ans après que celui-ci se soit évaporé sans crier gare. On comprend peu à peu que quelque chose cloche, que cette disparition est devenue comme on dit, inquiétante et qu'il y a de nouveaux éléments qui ne présagent rien de bon. Pourtant deux ans sont passés et Claire n'a rien fait, peu dit. "Tant que je n'officialisais pas sa disparition, je me disais qu'il restait un espace, un espoir. Il allait revenir", dit-elle.

Puis, il y a Hélène et Joan, les deux amies de Claire.
Hélène connaît le couple depuis la fac. Libre, rebelle, écorchée, elle a toujours vu le mariage comme une négation de soi et constaté combien Claire disparaissait au fur et à mesure de son union avec Thomas. Hélène a choisi les amours tarifées, une simple prestation de services selon elle, plus qu'un choix de vie, c'est un choix politique.
Joan a fui les États-Unis, pays qui, dit-elle, est devenu fou, où chacun est armé, où l'économie est moribonde et la vie impossible. Joan n'a pas de papiers et craint d'être arrêtée à tout instant. Elle est la biche aux abois, l'étrangère où qu'elle soit, même aux yeux de ses amis, du fait de son sang métissé.

De ce climat anxiogène, nous n'en saurons pas davantage. L'auteure distille des éléments d'informations au compte-gouttes, évoquant de façon sybilline
un mystérieux Jour de l'Oural où tout a basculé, mais suffisamment pour que l'on comprenne que Claire, Hélène et Joan sont sur le fil du rasoir, qu'elles ont dû faire front, s'allier, se retirer.
Tour à tour, elles évoquent Thomas, l'Absent, et la perception qu'elles ont de ce mari, de cet ami, mais aussi de leur amitié. Peu à peu, se dévoilent les incompréhensions entre chacune, leurs différences, leurs différends, des secrets, des mensonges.

Dans ce roman, l'absence de l'homme plane comme un élément à la fois essentiel et presque anecdotique. Dans un avenir devenu incertain, inquiétant, quelle conséquence de plus pourrait-il y avoir s'il revenait ? Et si cette absence était un mal pour un bien ? Serait-elle plus supportable si elle était expliquée ? A moins que de terribles choses se soient passées et que Claire, comme Hélène et Joan, y soient confrontées ?

Installée en France, pays où elle a choisi de vivre loin des États-Unis (Canada), Marie-Eve Lacasse écrit aussi sur la sociologie du monde vigneron et agricole d'un point de vue politique. Ce n'est donc pas par hasard que le personnage de Claire fuit le monde professoral, la folie urbaine, pour devenir vigneronne. le parcours littéraire et biographique de l'auteure transparaît donc au travers de ce roman dont le titre à tiroirs prend tout son sens, les manquants désignant les pieds morts des vignes. "Les vignes que m'avaient laissé mes parents étaient si malades qu'il a fallu assainir les choses, à commencer par le sol, pollué par des décennies de phytosanitaires. J'ai décidé de ne pas remplacer les manquants, c'est-à-dire les pieds qui étaient morts, qu'on avait arrachés et qui laissaient des espaces vides, parmi les vivants. Il y avait des trous ici et là. Parfois, je plantais un poirier, mais la plupart mouraient. Comme si on ne pouvait pas remplacer ceux qui partaient", raconte Claire.

Marie-Eve Lacasse réussit là un sobre mais fiévreux roman, étrange, intime et captivant, politique aussi.

Merci aux éditions du Seuil et à la Masse Critique privilégiée de Babelio qui m'a permis de découvrir cette auteure. Peggy dans les phares m'attend désormais dans ma PAL.




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Claire, Hélène, et Joan se succèdent dans un bureau au commissariat pour évoquer Thomas, l'époux de Claire qui a disparu depuis deux ans.
Claire et Thomas s'étaient rencontrés à l'université, puis mariés à la surprise de tous car leur caractères et leurs aspirations ne semblaient pas vraiment correspondre. Vingt ans de vie commune, des enfants aujourd'hui adolescents, un changement radical de vie avec l'installation sur les terres des parents de Claire pour reprendre l'exploitation viticole. Désormais Claire sait qu'il faut parler de cette disparition pour enfin pouvoir vivre à nouveau, divorcer d'un absent, ou d'un mort, qui sait, pour reprendre cette liberté dont elle n'a jamais voulu mais qui lui a été imposée par ce mari parti un matin et qui n'est jamais revenu.

Depuis, il y a eu l'attente, l'incompréhension, les questionnements, les doutes, les angoisses, les silences, les peurs, la révolte, les obsessions, les nuits blanches, la méfiance des autres, leurs regards, leurs doutes, et chaque jour le vide abyssal de l'absence inexpliquée.
Depuis, Claire la vigneronne tente de vivre, travailler, penser, élever les enfants, alors que tant de doutes l'assaillent. Amies de toujours, Hélène et Joan sont là pour l'épauler, la faire réagir, l'aider.

Dans un monde en déliquescence, un cataclysme climatique est venu changer à tout jamais la vie des citadins. Où, quand, comment, on ne le saura jamais. Mais Claire et ses amies ont rejoint la Communauté. Là, à l'abri de la pollution, des inondations, du manque de nourriture, elles ont décidé qu'il est temps pour Claire de changer de vie, vendre ses biens, aider la Communauté. Et cela passe par la déclaration de disparition de Thomas.

De chapitre en chapitre, qui tous portent le prénom d'une des trois femmes, le lecteurs découvre la vie de Thomas entre ombre et lumière, mensonge et vérité, amour et amitié. Chacune dévoile la facette du Thomas qu'elle a côtoyé. Cet homme que Claire croyait si bien connaître apparaît peu à peu, semblable ou différent, cet homme brillant qui s'étiolait depuis quelques années dans son travail se révèle un être mystérieux et quasiment inconnu.

J'ai aimé la façon dont l'autrice traite l'absence, la disparition, la culpabilité, les questionnements et le doute que celle-ci entraîne chez ceux qui restent. Mais aussi la façon dont chacun trouve sa place dans une société qui ne l'accepte pas toujours pour ce qu'il est.
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