Je suis une inconditionnelle de
Benjamin Lacombe mais ça faisait longtemps que nous n'avions pas eu d'ouvrge à la fois écrit et dessiné par l'artiste et ça me manquait. Enfin nous l'avons et quelle oeuvre !
Avec ce Cecite Malaga mûri dans la douleur, l'artiste met un bout de son âme sur la table. Il revient d'ailleurs longuement sur le processus de création de cet ouvrage dans les ultimes pages et c'est vraiment nécessaire de le lire pour en apprécier toute la profondeur et la richesse.
Dans
Cecite Malaga, on a d'abord l'impression que l'auteur remet au goût du jour l'univers des freaks qui lui est cher et que dans un sens on a déjà trouvé dans plusieurs de ces ouvrages et illustrations, comme dernièrement dans L'étonnante famille Appenzell, mais ici il va en fait bien plus loin et offre une oeuvre très intime.
En effet, comme il l'explique, il y a quelques mois il vécu une expérience très marquante : suite à un choc émotionnel, il a perdu la vue pendant quelques heures. Comment faire quand on est artiste illustrateur si on perd la vue ? C'est suite à cette interrogation que l'idée de l'album ici présent lui est venue, celui de l'histoire d'une jeune fille qui a elle aussi perdu la vue suite à un choc mais a développé d'autres sens pour devenir une funambule virtuose dans un cirque.
J'ai de suite adoré l'univers du cirque majestueusement rendu ici. Mais plus que ça j'ai adoré la seconde lecture de l'oeuvre en rapport avec le traumatisme vécu. C'est graphiquement superbement mis en scène avec un jeu de palette colorimétrique juste hyper riche en nuances auquel s'ajoute un judicieux jeu de calques. On démarre l'histoire quasiment en sépia et noir et blanc, synonyme d'une morosité enlevant la couleur du monde de l'héroïne. Puis peu à peu celle-ci revient jusqu'à lui brûler la rétine et exploser dans une fourmillement de couleurs sur les pages au fur et à mesure qu'elle retrouve mémoire et souvenirs. C'est magique !
Le travail d'auteur et d'illustrateur de
Benjamin Lacombe est faramineux ici. La profondeur et l'émotion des dessins m'ont touché en plein coeur. J'ai adoré le jeu des couleurs, la richesse et la finesse des dessins. L'auteur est au top de son art comme il ne l'avait pas été pour moi depuis Madame Butterfly. Les métaphores et doubles langages graphiques sont partout, les dessins sont puissants à l'image de cette héroïne qui cumule d'être aveugle, amnésique et funambule. le déroulement de son histoire est très riche en émotion, jusque dans la conclusion que j'ai trouvé parfaite dans son ouverture. le seul petit reproche que je pourrais faire au livre, c'est que j'aurais aimé un rythme un peu plus lent, plus de pages et plus de développements, mais c'est rarement le cas en jeunesse.
Avec ce retour plusieurs fois repoussé,
Benjamin Lacombe signe une grande oeuvre qui fera date dans sa bibliographie tant elle le touche intimement, ce qui a parfaitement réussi à nous retranscrire. J'ai été pour ma part à la fois touchée en tant qu'esthète face à la beauté de l'ouvrage, au grand format et dos toilé avec de judicieux jeux de calques opacifiant puis libérant la lumière de l'oeuvre. J'ai été également touchée humainement par la superbe histoire poignante que cela raconte et qui fait écho à une expérience de l'auteur. C'est un coup en plein coeur !
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