AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur De Gaulle, tome 1 : Le rebelle (1890-1944) (23)

Il a surpris d'abord : ce nom mythique venu du fond des âges, cette voix tour à tour stridente et trop grave qui surgissait, avec des inflexions de trompette et de cor de chasse, de l'autre côté de la mer, à travers brumes et brouillages... Il a ému ensuite : guetteur pathétique qui, non content de rester debout, lançait à travers la nuit de vraies raisons d'espérer. Il a irrité aussi, outrecuidant avec minutie et niant jusqu'à l'évidence d'un effondrement collectif qui allait beaucoup plus loin et plus profond que les humiliations de Rethondes et la présence d'uniformes vert-de-gris sur les Champs-Elysées. Il a convaincu enfin, quand les quelques fruits de l'armistice se sont corrompus, quand le maréchal a voulu rester prisonnier du piège de Vichy et quand lui, l'émigré, il a obtenu des combattants de l'intérieur un suffrage sans appel.
Et le voici enfin qui marche vers le sacre à travers un décor de ruines et de barbelés, dans un brouhaha de cris jaillis des chambres de tortures et de chant des partisans, intransigeant porteur d'une légitimité hiératique - un sacre sans cathédrale de Reims, sans manteau constellé d'abeilles ou de fleurs de lys, sans formule formule sacramentelle, ni messe laïque.
La République n'attend pas d'être proclamée par sa voix - dût-elle craindre d'être étouffée sous son poids. Il lui suffira de paraître, de déployer ses antennes démesurées, de faire vibrer sa voix de prêcheur de croisade pour que Coutances, Rennes, Chartres et Paris accueillent avec une gratitude stupéfaite ce personnage qui se définit lui-même comme " quelque peu fabuleux ".
Mais derrière ces mots et ces rêves, quel est l'homme qui s'avance ?
Commenter  J’apprécie          20
Page 746 : Quelques semaines plus tard, à la veille de la conférence de Téhéran, le Président des Etats unis résume ainsi ses vues à l'intention du Secrétaire d'Etat Cordelle Hull : "... Je suis de plus en plus enclin à voir l'occupation de la France, lorsqu'elle se produira, comme une occupation militaire." Occupation, le mot est répété deux fois. Et le "de plus en plus" du Président vaut qu'on s'y arrête : est-ce parce que la résistance antinazie est "de plus en plus" forte, l'autorité de CFLN "de plus en plus" reconnue, Vichy "de plus en plus" démonétisé, que Roosevelt se sent, ainsi "de plus en plus " enclin à soumettre la France à une occupation militaire, de type de celle qu'on impose aux ennemis ?
Commenter  J’apprécie          10
(...) retenons ce trait encore, qui dit pas mal de choses : on marche au pas du général de Gaulle, qui n'est pas lent. Mais soudain, alors qu'il a soigneusement, au départ, pris ses distances, il sent à ses côtés un autre marcheur, sur la même ligne. C'est Bidault, qui s'entend dire d'une voix aussi coupante que la veille à l'Hôtel de Ville : " Un peu en arrière, s'il vous plaît ! "
Commenter  J’apprécie          11
Le vendredi 18 août, alors que les blindés américains foncent sur Chartres, que les avant-gardes de De Lattre sont en vue de Toulon et qu'à Paris l'explosion est imminente que Chaban, dit "Arc ", câble à Koenig que les Alliés doivent se hâter de marcher sur la ville, Charles de Gaulle s'envole pour la France. Le dénouement se précipite : il a hâte de se saisir, sur place, des commandes.
(...)
Il s'envole donc, et atterrit enfin, le dimanche 20 août, à 8 heures, sur le petit aérodrome normand de Maupertuis.
Accueilli par Koenig et Coulet, il se fait communiquer les nouvelles. Elles sont bonnes. Dans le secteur nord-ouest, la chevauchée de Patton s'accélère suivant un arc de cercle qui enveloppe la capitale. A Paris, où ses deux principaux représentants, Parodi et Chaban, ont donné leur accord, la veille, au déclenchement de l'insurrection fomentée depuis plusieurs jours par les communistes, les policiers en grève depuis quatre jours se sont emparés de la Préfecture; un peu partout éclatent des combats, des représentants du GPRF s'installent dans les ministères, la Résistance s'empare de plusieurs mairies de la périphérie - et la plupart des observateurs notent la faible résistance opposée par les occupants...
Bon. Il faut faire vite, à la fois pour éviter que l'insurrection soit écrasée, et pour ne pas voir s'installer un " pouvoir de fait " à Paris. (...)
Commenter  J’apprécie          10
C'est un politique. Ambitieux dans ses vues, ingénieux dans les procédures, implacable dans l'exécution, attentif aux circonstances, il a pour seule inhibition cette " idée " qu'il se fait de la France, raide comme une flèche de cathédrale et qui met dans sa démarche une sorte d'ankylose - celle, glorieuse, du mutilé. Un grand dessein sied au grand politique, certes. Encore faut-il qu'il sache n'en être pas prisonnier, qu'il ose lancer alentour quelques reconnaissances, tâter d'autres portes, flairer d'autres pistes. La France est-elle tout en elle-même ? Sa grandeur toute en son rang ? On y reviendra.
Reste cet alliage de superbe dans l'objectif et de ductilité dans la démarche qui a conduit l'exilé de 1940 aux grands rendez-vous de 1944. " J'étais venu rejoindre Jeanne d'Arc : j'ai servi Louis XI ", disait volontiers l'un de ses collaborateurs, sans croire un instant lui faire ainsi le moindre tort.
Commenter  J’apprécie          10
Mais au cœur même du triomphe, il ne serait pas de Gaulle, il ne serait pas " la France ", si ses déchirements, à cette minute-là, ne vivaient pas en lui comme une conscience coupable :
" ... Je ne puis non plus ignorer l'obstiné dessein des communistes, ni la rancune de tant de notables qui ne me pardonnent pas leur erreur, ni le prurit d'agitation qui de nouveau travaille les partis. Tout en marchant à la tête du cortège, je sens qu'en ce moment même des ambitions me font escorte en même temps que des dévouements... "
Être de Gaulle, c'est cela aussi. A force d'incarner, on incorpore tout, les miasmes sont présents au plus fort du bonheur. Intolérable d'être le symbole...
Commenter  J’apprécie          00
Et maintenant, le mémorialiste :
" ... Devant moi, les Champs-Élysées.
Ah, c'est la mer ! Une foule immense est massée de part et d'autre de la chaussée. Peut-être deux millions d'âmes. Les toits aussi sont noirs de monde ... Si loin que porte ma vue, ce n'est qu'une houle vivante, dans le soleil, sous le tricolore ... Puisque chacun de ceux qui sont là a, dans son cœur, choisi Charles de Gaulle comme recours de sa peine et symbole de son espérance, il s'agit qu'il le voie, familier et fraternel, et qu'à cette vue resplendisse l'unité nationale ... Il est vrai ... que [je] n'ai pas le physique ni le goût des attitudes et des gestes qui peuvent flatter l'assistance. Mais je suis sûr qu'elle ne les attend pas.
Je vais donc, ému et tranquille, au milieu de l'exultation indicible de la foule, sous la tempête des voix qui font retentir mon nom ... Il se passe, en ce moment, un de ces miracles de la conscience nationale, un de ces gestes de la France qui parfois, au long des siècles, viennent illuminer notre Histoire ... Et moi, au centre de ce déchaînement, je me sens remplir une fonction qui dépasse de très haut ma personne, servir d'instrument au destin. "

Totalisant à ce point la collectivité nationale, mesure-t-il bien l'immensité du risque qu'il court, et lui fait courir ? A-t-il conscience du danger qui plane sur lui et cette foule gigantesque ? A moins de 80 kilomètres de là, un général de la Wehrmacht a en poche l'ordre exprès du Führer de précipiter sur Paris une pluie de V1 et de V2, les plus terribles explosifs de l'époque. Mais là n'est pas le problème. A tel conseiller qui lui a fait valoir tantôt l'ampleur du risque, il a riposté : " Le défilé fera l'unité politique de la nation ".
Le pari prodigieux est tenu.
Commenter  J’apprécie          00
(...) le général, (...) avise un tout jeune homme, porteur du brassard des FFI, une cigarette au coin de la bouche, qui s'apprête à jouer les Gavroche dans cette célébration de Paris insurgé. Quel plus joli symbole ? De Gaulle lui fait un signe : il accourt, fou de joie, le général l'a remarqué, et veut en sa personne rendre hommage à tous ces jeunes gens qui viennent de combattre pour que cette minute soit possible. A trois pas de lui, le général l'arrête : " On ne fume pas dans les défilés ! "
Commenter  J’apprécie          00
Paris libéré ! l'évènement miracle est aussitôt connu du monde entier, jusqu'aux lieux où la nouvelle peut causer la plus juste joie : dans les camps de concentration. Christian Pineau nous a raconté qu'à Buchenwald - où " le bulletin d'information allemand était très sérieux " - on l'apprit dès la nuit qui suivit l'entrée de de Gaulle à Paris.
A Dachau, Edmond Michelet fut aussitôt convoqué par les trois chefs politiques du camp, un Tchèque, un Polonais et un Yougoslave, jusque-là un peu dédaigneux à l'égard des Français, qui lui annoncèrent, les larmes aux yeux, " la plus grande nouvelle depuis que nous sommes ici : Paris est libéré, et Paris est intact ! " En Grande-Bretagne, l'enthousiasme fut à la mesure des services incomparables que le Royaume-Uni avait rendus depuis quatre à la libération de la France, et Anthony Eden, ami fidèle entre tous, exprima à la BBC une joie qui sonnait juste.
Commenter  J’apprécie          00
Ce même jour, de Gaulle reçoit une lettre que Leclerc lui fait porter depuis son PC proche d'Argentan. D'où il ressort qu'il n'est de professeur d'audace qui ne puisse trouver son maître : après un rapide rappel des opérations conduites depuis deux semaines à travers la Normandie, le chef de la 2e DB lui annonce tout de go qu'il vient, lui, Leclerc, de prendre la décision de diriger sur Paris, après Versailles pour premier objectif, un détachement commandé par le lieutenant-colonel de Guillebon, qui a " l'ordre de prendre le contact, de me renseigner et d'entrer dans Paris si l'ennemi se replie ".
Quand on sait ce qu'étaient les grandes opérations interalliés, la minutie de leur préparation, la complexité des mécanismes mis en branle - et aussi, en l'occurrence, la gravité des problèmes politiques posés -, l'initiative alors prise par Leclerc, l'envoi de cette colonne blindée à travers la nature avant d'avoir reçu l'ordre d'Eisenhower, relevait à coup sûr du conseil de guerre. L'esprit du 18 juin imprégnait vraiment ces hommes-là... Aussi bien de Gaulle câble-t-il dès le lendemain matin à ce chef selon son cœur : "... J'approuve votre intention. Eisenhower m'a promis que vous alliez recevoir Paris comme direction... Je coucherai ce soir au Mans et tâcherai de vous rencontrer demain ...".
Commenter  J’apprécie          00






    Lecteurs (195) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les écrivains et le suicide

    En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

    Virginia Woolf
    Marguerite Duras
    Sylvia Plath
    Victoria Ocampo

    8 questions
    1745 lecteurs ont répondu
    Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

    {* *}