Le Livre d'or du Salon de peinture et de sculpture, tome 11

L'activité des peintres s'est donc plutôt développée que ralentie, et la vitalité de notre école française, en particulier, ne cesse de s'affirmer. Reste à savoir si cette activité est toujours bien dirigée, et si cette vitalité s'alimente à des sources toujours saines. Une rapide revue des tableaux exposés montre vite par où l'on excelle et aussi par où l'on pèche. Un fait important domine au milieu de cette agitation quelque peu désordonnée, où la disproportion matérielle des toiles avec les sujets insignifiants qu'elles contiennent, l'abus des pratiques superficielles et des improvisations prétentieuses, blessent de toutes parts les yeux les plus bienveillants; et ce fait est dû, en grande partie, à l'action exercée sur le public et sur les artistes depuis trente années par une incomparable suite de grands paysagistes. C'est un amour sincère et curieux de la vie des êtres et de la vie des choses dans leurs manifestations les plus simples qui se retrouve, à tous les degrés, chez presque tous les peintres, amour plus ardent, plus sincère, plus général peut-être qu'on ne l'a jamais éprouvé.

Les quelques bons tableaux du Salon dus à des hors concours qui portent, d'un bout à l'autre, la ferme empreinte d'un talent mûr et d'une conviction soutenue, ceux, par exemple, de MM. Bonnat, Henner, Hébert, Chaplin, ne sont que des études fragmentaires, n'impliquant que peu ou point d'effort imaginatif, peu ou point de renouvellement technique. L'œil, néanmoins, s'y arrête avec plaisir, parce que, si la nouveauté y fait défaut, on y trouve, avec une expérience sérieuse du langage pittoresque, l'impression nette et sincère d'individualités caractérisées.

Il y avait à craindre, cette année, que la coïncidence de l'Exposition universelle ne rendît les artistes moins nombreux et moins empressés à se montrer fidèles au rendez-vous traditionnel du Ier mai dans le Palais des Champs-Elysées. Ces appréhensions n'avaient rien de fondé. Nos artistes de premier ordre, même ceux qui occupaient dès lors au Champ de Mars les places les mieux remplies, ont tenu à honneur de se présenter, en même temps, au Salon avec des œuvres dignes de leur renommée.