Le goût des jeunes filles/
Dany Laferrière/Académie française
Nous sommes à Haïti, à Port au Prince la capitale, en 1968, trois ans avant la mort du dictateur François Duvallier. Un jeune adolescent, narrateur partiel du récit, regarde par la fenêtre de la maison familiale les jeunes filles de la maison d'en face, rieuses, oisives, occasionnellement prostituées. C'est la maison de Miki, une maison toujours pleine de cris, de rires et de filles. À la suite d'un incident, il fuit et se réfugie chez les jeunes filles où il va découvrir l'amour et l'esprit de révolte.
Cette chronique haïtienne est par certains côtés assez intéressante : l'exotisme, la misère dans la bonne humeur, les heures chaudes et épicées, sensuelles et drôles font passer un moment agréable au lecteur, que ce soir dans la narration de Fanfan ou le journal de Marie-Michèle. le sextuor féminin avec une Choupette vulgaire et son vieil amant, Pasqualine la beauté suprême domptant un superbe mâle et s'étirant telle une chatte persane, Miki entretenue par un ministre, Marie –Michèle l'intellectuelle snob, Marie-Flore et ses fesses inoubliables et Marie-Erna et son air méprisant, fait tourner la tête aux hommes. de bars en boîtes de nuit, de plage en chambres intimes, un vent de liberté et de révolte souffle sur la ville. La vie dans cet univers est dangereux : les tontons macoutes veillent tels des requins guettant leur proie. Cet appétit de vivre à la recherche de tous les plaisirs en manière d'exutoire face aux dangers nourrit les chapitres de cette chronique dont il faut bien dire que parfois elle sombre dans l'ennui avec des dialogues insipides et laborieux. Et in fine un sentiment de tristesse émane de cette débauche de corps à corps comme s'il fallait conjurer un mauvais sort. En vérité, le plus intéressant est le journal de Marie-Michèle qui relate les conditions de vie dans un pays insulaire dominé par une classe favorisée très minoritaire, celle de Pétionville, un pays où le système est simple et répressif, basé sur trois choses fondamentales : la richesse familiale, l'exploitation du peuple et la corruption de la classe politique au pouvoir. Un pays où la vie est une loterie où l'on gagne ou bien l'on perd chaque jour. C'est un sauve qui peut quotidien et ce qui guette cette foule qui se bouscule dès le lever du jour, c'est la faim, la maladie ou une balle perdue.
Un roman un peu décevant quoique instructif de façon passagère.