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Avec "Chavirer", l'auteure Lola Lafon décrit, avec une acuité saisissante, l'emprise d'un réseau pédophile masqué derrière une fondation délivrant des bourses pour aider de très jeunes filles à réaliser leurs rêves. Pour Cléo, une toute jeune fille, presque encore une enfant, puisqu'elle n'a que treize ans lorsqu'elle est sollicité, à la sortie d'un cours de danse par une femme mystérieuse qui deviendra une véritable mère de substitution pour la jeune Cléo. Au début de cette relation, Cléo ,qui vient d'un milieu modeste, est couverte de cadeaux, des vêtements de luxe, des parfums hors de prix, des restaurants chics. le rêve est total pour Cléo. Nous sommes en 1984. Cléo rêve d'être danseuse. La femme lui promet de l'aider mais pour cela elle doit passer devant un jury. Ce "jury", Cléo va le rencontrer. Un passage du roman qui écoeure, qui révolte et que Lola Lafon décrit avec son talent d'écriture. Là, dans cet appartement, des hommes de cinquante, soixante ans, très bien habillés, riches, ayant des situations professionnelles élevées. Il faut être gentil avec eux pour réussir à obtenir cette bourse dont Cléo rêve. Ce n'est qu'une enfant, comment peut-elle imaginer ce qui se cache derrière ces mots. Les pédophiles aux mots mielleux abusent de leurs victimes, faisant comme si il était normal que des vieux hommes comme eux veuillent obtenir ce qui est inqualifiable, hideux, révoltant. Jamais Lola Lafon ne tombe dans le voyeurisme. Elle nous fait rentrer dans l'esprit de ces enfants abusés. Des enfants qui ne peuvent percevoir le piège qui va se refermer sur eux. Cette enfance détruite, saccagée, humiliante qui rend ces petites victimes "complices" de leurs ravisseurs pédophiles. Cléo doit amener d'autres enfants "au casting du jury." Elle se dégoûte. Sa famille ne perçoit rien. Comment est ce possible me suis je dis quand on voit son enfant ramener autant de cadeaux luxueux à la maison. Comment ne peut-on pas voir la détresse de son enfant. Toutes ces questions m'ont taraudés l'esprit. Une lecture éprouvante, un dégoût pour ces pédophiles se cachant derrière leurs belles situations, leur apparente gentillesse qui déguise leurs pulsions sexuelles envers de très jeunes filles qui ne sont encore que des enfants. Lola Lafon nous montre aussi ce que deviennent les victimes à l'âge adulte. le mal qui les rongent. le dégoût de soi. La honte d'avoir été abusé par ces hommes. Surtout ne pas en parler, ne pas briser le silence, ce poids qui vous pèse, qui vous détruit à l'intérieur, qui saccage votre relation à l'autre, l'aspiration à avoir des enfants, un compagnon. On a terriblement mal pour Cléo et ces jeunes victimes. Un grand roman, une écriture au plus près de la psychologie des victimes. Lola Lafon décrit magnifiquement l'embrigadement, le lavage de cerveau, l'emprise sectaire de cette soit disant fondation sur leurs jeunes victimes. La colère qui m'a secoué à la fin de cette lecture, mon dégoût, ma rage face à l'horreur de ces crimes impardonnables qui détruisent les petites victimes. C'est à lire et sur ce sujet terrible de la pédophilie, c'est sans aucun doute le roman qui décrit le mieux ces actes ignobles et leurs impacts sur la vie des jeunes victimes.
Lien : https://thedude524.com/2022/..
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Chavirer. Faire naufrage. Se retrouver larguée, sans repère, dans une mer de doute et de culpabilité. Telle est la peine « à perpétuité » de Cléo, qui a toujours voulu devenir danseuse.

À treize ans, Cléo prend des cours de modern jazz dans une MJC de banlieue, lorsqu'elle est repérée par une jolie dame très chic, Cathy, qui lui fait miroiter une bourse « au mérite » proposée par la fondation Galatée. Cléo se laisse amadouer par des présents coûteux et quelques sorties « en amies » dans la capitale. Grisée, elle est prête à tout pour continuer à plaire à Cathy. L'étape suivante est la participation à des déjeuners dans le cade ultra privé de luxueux appartements de la capitale. Les membres du « jury » sont des hommes d'âge mûr aux critères de sélection plus que discutables. En quelques jours Cléo devient elle-même « rabatteuse » pour les déjeuners du samedi. Au collège, une autre très jeune danseuse l'aborde et la supplie d'intercéder pour elle : la petite Betty a absolument besoin de la bourse offerte par le réseau Galatée pour continuer à danser.

En onze tableaux Lola Lafon nous fait pénétrer au-delà des coulisses des spectacles de danse, dans l'intimité de jeunes femmes parfois prêtes à de terribles compromissions pour être repérées ou tout simplement pouvoir vivre de leur art.

Le roman trace le parcours de Cléo, et en pointillés celui de Betty, sur plusieurs décennies depuis les années 80 qui ne connaissaient pas encore les réseaux sociaux, jusqu'au mouvement #Me Too qui a récemment contribué à libérer la parole.

J'ai beaucoup aimé ce roman « dans l'air du temps », la plume précise de Lola Lafon, et l'angle choisi pour aborder des pratiques longtemps tues par honte ou par complaisance, ainsi que le vécu des victimes qui se sentent coupables, de n'avoir rien vu, d'avoir cédé, de n'avoir rien dit, de ne pas avoir réagi, et par leur silence d'avoir été complices d'ignominies.
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La parole se libère et avec la rentrée littéraire dernière, c'est l'écriture qui s'est libérée en proposant de nombreux ouvrages sur cette déliance : Loulou Robert, Isabelle Carré...
Avec Chavirer, Lola Lafon s'inscrit dans ce mouvement en mettant des mots sur les maux des femmes, des jeunes filles dans le milieu de la danse et dont l'adolescence a été estropiée ; elles ont dit oui parce qu'elles ne savaient pas encore dire non. Trompées par l'amour qu'elles portaient à l'entremetteuse, et indirectement également par ceux qui voyaient, comprenaient mais qui ont fermé les yeux.
C'est en écoutant Lola Lafon parler de son roman que je me suis convaincue de lire ce livre.
Son analyse « On est éduquées pour plaire et ça, il faut s'en débarrasser » m'a interpellée et le mécanisme de la honte, de la double honte dont elle a parlé dans La grande librairie m'a convaincue.

Une mauvaise victime qui ne se revendique pas victime "Je ne suis victime de rien" dit-elle. Elle ne s'est pas détendue au moment de se laisser faire, et une victime coupable aussi, d'avoir donner en pâture d'autres jeunes filles. « Favorite. Courroie de transmission, victime et coupable, une martyre-bourreau. »

« Cette souffrance en veille resurgissait à tout propos, celle d'une ancienne gamine à qui des adultes avaient enseigné la solitude des trahisons. »
Ce n'est pas un récit linéaire que nous propose Lola Lafon mais un récit morcelé de rencontres, de flashbacks. Des rencontres qui donnent un éclairage approfondi, densifié, sur ce qu'a été la vie de Cléo, principale protagoniste de ce roman, de 13 à 47 ans.

« alors que tout semblait indiquer que Cléo aurait treize ans pour l'éternité, elle se cognait à chacun des angles morts de cette éternité. »

Comment se construit-on quand on a été confrontée à cette douloureuse, infecte réalité ? Comment vit-on le fait de devenir mère ? D'une fille. Comment arpenter le chemin rocailleux jusqu'au pardon ? On n'oublie pas, on vit avec cette écharde, « une écharde sur laquelle sa chair s'est recomposée, à force d'années. Un petit coussin de vie rosé, solide et élastique. Ce corps étranger n'en est plus un, il lui appartient, solidement maintenu dans un faisceau de fibres musculaires, à peine effrité par le temps ».

J'ai aimé le cheminement de l'autrice, dénué de manichéisme, empreint de bienveillance. Elle nous donne un intelligent aperçu du dessous des cartes et fait écho aux scandales qui ont éclaté dans le milieu du sport.
Licencieux filon que celui de faire miroiter de jeunes enfants, leur mettre des étoiles dans les yeux et leur promettre le Graal, se jouer de leur jeunesse, de leur inexpérience, de leur fragilité et naïveté, abuser de leur confiance, abuser ...
La honte, ensuite des jeunes victimes, les immunise contre une éventuelle dénonciation.
La honte, la culpabilité.
Des vies rongées.
Des vies où l'on tourne le dos, mais où on affronte de face.
Et le silence comme « le repli tamisé d'un refuge ».

Quand on aime les petites filles.
Quand on a quatre fois plus que l'âge de ces jolies et sensibles fleurs en devenir, on se soigne, non ? On se fait aider ? On se maîtrise ?
--- Tu te maîtrises ,s'il-te-plaît.

Un livre sur ces vies hantées par la culpabilité et la quête du pardon, racontées par petits morceaux savamment orchestrés, à mon humble avis,
avec délicatesse et pudeur, ponctuées de passages littérairement remarquables.

Une phrase de ce livre me hante depuis la dernière page tournée :
« Si ça ne fait pas mal, c'est qu'on n'a rien dérangé. ».
Deux négations criantes. Percutantes.
Racontons ce qui hante.

Se faire de la place pour deux uniquement si la réciproque est vraie. Cela ne vaut pas la peine, sinon.

Merci Lola Lafon pour ces mots, ces histoires, l'histoire de Cléo, celle de tant de petites filles malmenées, fourvoyées, qui ont dû ...doivent s'accommoder de tant d'égratignures. Qui font face. Parce qu'elles sont imprégnées de leurs rêves d'enfant. Parce qu'à défaut d'oublier, il ne faut pas soi-même se diluer, se noyer. Contre le vent. Il ne faut pas. PAS. Des adultes en souffrance. Des vies innocentes bafouées.
Ça dérange.
Autorisons-nous à l'entendre. Trempons dans la douceur et l'empathie.
Sortons de ce malaise qui détruit.
Alors MERCI.

« [...] les mots avaient des horizons de paysage, les nuances d'un poème : à défaut du pardon, laisse venir l'oubli. »
Lien : https://seriallectrice.blogs..
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Un roman qui, malheureusement, ne m'a pas fait chavirer.
Cléo, 13 ans en 1984, rêve de devenir danseuse. Quelle chance !, elle est repérée par une chercheuse de talents qui veut lui faire bénéficier d'une bourse octroyée par une mystérieuse fondation, afin d'aller étudier à New York, dans l'école-même de "Fame" ! Evidemment, il faudra que Cléo démontre à un jury (d'hommes quinquagénaires) l'ampleur de sa détermination, et accepte que l'un des membres devienne son "ami-fiancé".

Un début glaçant, mais quel dommage !, l'histoire éclate et s'éparpille ensuite en une sorte de roman-choral qui ne m'a pas convaincue. de ce fait, les personnages m'ont semblé de moins en moins attachants au fur et à mesure que l'intrigue se développait en se dispersant au fil du temps, et j'ai eu du mal à combler les ellipses et à aimer ces protagonistes privés d'affect.
Evidemment, l'intention de Lola Lafon est extrêmement louable tant il est nécessaire, encore et toujours, de dénoncer ces hommes bien placés qui profitent de la naïveté d'adolescentes en manque de repères, de raconter les séquelles psychologiques des abus subis, de décrire le mécanisme de l'emprise, puis la honte et la culpabilité ressenties par les victimes. Mais je n'ai pas adhéré au cheminement tortueux emprunté par l'auteur.
Je le regrette d'autant plus que j'ai beaucoup aimé le style de Lola Lafon, sa délicatesse, sa sensibilité, sa capacité à dire beaucoup en peu de mots. J'ai également apprécié la façon dont elle évoque le rapport fascinant au corps (d'une manière qui m'a rappelé "La petite communiste qui ne souriait jamais" qui m'avait tant plu).

Même si l'ensemble reste bancal à mes yeux, du fait de cette construction chorale, cela reste une lecture saisissante et à l'écriture raffinée, qui devrait trouver sa place dans tous les bons CDI.
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Ce roman m'est tombé dans les mains :chance.Cette lecture n'était pas prévue.
C'est l'histoire grise d'une femme dont l'innocence a été bafouée. Il est vrai qu'à 12-13 ans et que vous apprenez à danser , seul le merveilleux peut vous arriver, et lorsque c'est une femme qui en plus de promesses vous apprend le petit "plus" de ce qu'est le beau et les manières qui ne sont pas de mise à la maison, pourquoi refuser?
Quand un cap étrange est franchi, la gêne s'installe mais l'envie des copines de vous ressembler peut vous pousser à les amener vers les mêmes démons.
En fait l'histoire est bien plus complexe, et les souvenirs affluent chez l'ex danseuse devenue adulte, et comme ces souvenirs ne reviennent pas de façon linéaire, il en résulte dans le roman comme un trouble, un bouleversement qui sont les synonymes du titre"Chavirer".
C'est un livre qui traite du remords, du regret, de la tristesse d'avoir senti passer le "mal" si jeune et surtout d'avoir entraîné d'autres filles à sa suite.
Evidemment, c'est une histoire dans l'air du temps, mais traitée sans pathos et surtout avec une belle maîtrise de l'écriture.
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Des bribes de souvenirs,, de témoignages qui constituent le passé amer d'une adolescente naïve et ambitieuse, il a suffit d'une seule rencontre pour broyer son être intérieur, son honneur, sa dignité....
C'est fluide, un style un peu reportage, ce sont tous ceux qui ont connu Cléo qui se souviennent d'elle, de son passé, de ses début dans sa profession de danseuse...
Ca se lit d'un trait, le thème est presque survolé, on ne remue pas à fond les vieux diables mais on s'offre un moment agréable avec Chavirer!
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Lola Lafon est une auteure que j'ai toujours plaisir à retrouver et, avec « Chavirer », elle a su, une fois de plus, m'emporter dans une histoire poignante et très actuelle.
Dès que vous mettez vos pas dans ceux de Cloé, vous êtes happés par cette histoire tissée de silences, de mensonges et de manipulations.

L'héroïne est une jeune adolescente de 13 ans. Passionnée par la danse, elle rêve de devenir professionnelle, mais les cours ne sont pas dans les moyens de ses parents, modestes employés. Et si ses rêves devenaient réalité grâce à la bourse Galatée qui aide les jeunes filles à réaliser leur projet ? La sublime, la fascinante Cathy la prend dans ses filets et, à grand renfort de promesses et de cadeaux, lui fait rencontrer le « jury », des hommes d'âge mur qui préfèrent à leur talents supposés les corps impubères des naïves adolescentes.
Prise au piège, Cloé se fera complice de la tromperie.

L'auteure excelle à nos décrire les fragilités de l'adolescence, le manque de confiance en soi, la rivalité entre filles et les rêves qui semblent hors de portée.
A la fois victime et complice des bourreaux, Cloé enferme sa culpabilité dans le silence.
Elle finira par décrocher un rôle de danseuse dans « Champs Élysées » l'émission de Michel Drucker qu'elle aimait tant regarder avec sa mère. Elle tournera aussi des clips publicitaires, il faut bien vivre, pour terminer comme danseuse de music-hall dans un cabaret de Montmartre.

La subtilité du roman, c'est, au-delà du récit intime, nous faire découvrir Cloé à travers le regard de ses proches. Il y a Laura, sa petite amie et surtout Claude l'habilleuse qui n'ignore rien de ses « filles » qu'elle habille, écoute et console.
Il y aura aussi, à la toute fin, Enid et Elvire qui enquêtent pour réaliser ce documentaire sur une affaire de prostitution de mineures en plein Paris.

Lola Lafon donne beaucoup d'humanité à ses personnages et nous les rend proches. Elle nous prend par la main et nous fait pénétrer dans les coulisses du monde de la danse. Elle sait comme personne évoquer la souffrance du corps, l'abnégation des danseuses et ce qu'elles endurent pour réparer ce corps et continuer à danser. Il y a aussi ce corps dompté et offert aux regards et à la convoitise des hommes.
On assiste, impuissants, aux sursauts de Cloé pour vivre malgré tout et être heureuse, à son cheminement chaotique vers la résilience.

La plume sensible et pleine d'acuité de Lola Lafon nous bouleverse lorsqu'elle dissèque les retombées d'une adolescence saccagée et d'une violence en sourdine.

Un roman très fort qui va me hanter longtemps

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1984. Cléo, 13 ans, grandit en banlieue parisienne. D'origine modeste, ses journées sont rythmées entre le collège et la MJC où le samedi après-midi, elle prend des cours de danse en modern jazz, à défaut de pratiquer la danse classique dans des écoles privées pour privilégiées. Son rêve à Cléo, c'est de devenir danseuse. Alors lorsqu'une jeune femme se présente à elle et lui fait miroiter une possible bourse financée par une fondation qui veut donner sa chance à de jeunes talents d'origine modeste, c'est un rêve qui devient réalité. Mais la Fondation Galatée n'a rien d'un paradis. Les sélections par un jury fantoche et pervers ne sont que des occasions de piéger sexuellement des jeunes adolescentes qui, on s'en doute, n'iront rien raconter à leurs parents. Cléo, comme tant d'autres, sera une victime. Mais une victime engluée dans un sentiment de culpabilité, celui d'avoir entraîner d'autres jeunes filles dans ce piège.

Des années 1980 à 2019, nous suivons la destinée de Cléo, tout d'abord à travers un narrateur omniscient, puis à travers des personnages qui ont croisé sa route : camarades de collège, amants, collègues, qui offrent au lecteur un portrait recomposé de la jeune femme.
L'histoire de Cléo, c'est tout d'abord celle de l'emprise et de la proie, de la culpabilité et du pardon. Un machiavélique piège pédophile qui s'abat sur des gamines de milieu populaire totalement soumises, amadouées par des cadeaux luxueux et des paroles valorisantes, aveuglées par des rêves d'un futur auquel elles ne croyaient pas. Années 1980, années de liberté d'esprit et sexuelle, durant lesquelles on ne se posait pas de question quand une gamine de 13 ans arrivait accompagnée de son « fiancé » de quarante ans. Toute sa vie, Cléo cherchera le pardon, d'abord vis à vis d'elle-même, puis vis à vis des autres.
L'histoire de Cléo, mise à part l'histoire de ce complot pédophile sordide, c'est aussi celle de toute une génération. C'est celle des années « Champs Elysées », la célèbre émission télé de Michel Drucker devant laquelle des familles se rassemblaient le samedi soir pour assister à du « grand spectacle ». Peut-être qu'ici « je parle d'un temps que les jeunes ne peuvent pas connaître »… A une époque où il n'existait que trois chaînes, c'était un rendez-vous inconditionnel le week-end : générique festif et tapis rouge, danseurs et pirouettes, stars et paillettes… le rêve nous arrivait par la petite lucarne et Cléo rêve devant ces danseuses comme beaucoup l'ont fait... Elle réalisera finalement son objectif : danser avec la troupe du chorégraphe Malko, le ballet de Champs Elysées. Mais derrière les costumes brillants et les sourires contractuels se cachent le stress des danseuses en coulisses, les préparatifs et les artifices, la noblesse de l'artiste qui donne tout pour sa discipline jusqu'à la la souffrance des corps, les salaires au rabais, des heures de travail interminables,… Puis les premières revendications salariales des années 1990 chez les danseuses du Crazy Horse qui firent la grève du sourire. le paysage socio-culturel de ces années 1980 et 1990 est très bien restitué. Lola Lafon nous fait revivre ces années de manière réaliste mais dévoile, à travers ce piège pédophile, tout le factice de cette époque bling-bling.
Un certain malaise, ressenti dès le début du roman, ne m'a pas quitté. C'est comme une tâche qui vient noircir un passé jusque là nostalgique. En refermant ce livre – et avec la multiplication des ouvrages abordant le thème des prédateurs sexuels connus qui sévissaient avec impunité durant ces années -, il ne l'est plus vraiment. Une fois le voile levé, on se rend compte que les années télé-réalité qui ont suivi, avec "Loft story" notamment, n'étaient finalement pas plus dégradantes que l'émission du 31 décembre, où un tonton Gilbert regardaient goulument en famille les seins des filles du Crazy Horse.
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Lola Lafon aborde un thème extrêmement délicat. Afin de ne pas tomber dans la surenchère pathétique, elle nous présente les faits d'une manière originale. Elle nous brosse le portrait de jeunes filles prises dans un piège infernal, par l'intermédiaire de l'entourage et des personnes qu'elles ont rencontrées. A chaque chapitre, le point de vue change et on assiste par ricochet au destin de ces femmes.

Le drame repose sur l'innocence des enfants. Ceux-ci ne connaissent rien, n'ont pas l'expérience de la vie et ne sont pas encore équipés pour différencier le bien du mal. Des personnes malveillantes profitent de leur naïveté et de leur envie de réussir afin de les entraîner dans une spirale diabolique.

A travers cette histoire, l'auteure nous révèle les dessous de variété populaire. Dans ce monde du spectacle superficiel, on découvre les secrets et les souffrances de ces artisans de l'ombre. Mais derrière les paillettes, le texte met en perspective la place des femmes dans la société. On assiste à l'omerta qui régnait ces années-là et la loi du silence qui obligeait les victimes d'agression à se taire par manque d'écoute. Leur trajectoire de vie est complètement perturbée par cet évènement, mais sous les dictats du patriarcat, elles se sentent coupables, comme responsables de ce qui leur est arrivé.

Dans une belle langue ciselée, Lola Lafon nous propose un texte juste et mesuré, qui met le doigt où ça fait mal, sans artifice ni excès. Son approche du sujet est tout en sensibilité. Ce roman qui traite aussi de l'oubli et du pardon est un concentré d'émotions qui m'a touché au coeur.

J'ai l'impression que peu de choses ont changé depuis cette époque. Mais dernièrement, un léger mouvement est en marche. « Chavirer » contribue à ce changement des moeurs. Une lecture nécessaire afin d'ouvrir les yeux !
Lien : http://leslivresdek79.com/20..
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Entre 1984 et 1994, des centaines d'adolescentes ont cru qu'on leur offrirait une bourse pour réaliser leur rêve. La fondation Galatée promettait à toutes ces jeunes filles de leur ouvrir les portes du succès. Mais pour cela, elles devaient se montrer digne de leur confiance et de leur investissement. Elles devaient être "matures" et être les meilleures. Mais en 2019, quand une série de portraits refait surface, c'est l'autre versant de cette histoire qui entre dans la lumière...

Le dernier roman de Lola Lafon est glaçant. Avec une écriture ciselée, une construction parfaitement maitrisée et une héroïne tout en complexité, ce roman est tout aussi troublant qu'émouvant.

Cléo a 13 ans quand commence le récit. Elle est passionnée de danse et ne rechigne devant aucun sacrifice. Son corps est douleur, élongation et ecchymose mais elle est vivante... Quand elle rencontre Cathy, une femme d'une grande classe et qui lui offre des cadeaux hors de prix, ce corps qu'elle façonne et qu'elle fatigue devient l'objet de tous les désirs.
Sans que rien ne filtre, que rien ne s'envisage, que rien ne dénonce, elle va être victime d'abus sexuels. Mais si ces actes ignobles ne la détruiront pas, c'est la honte de ses complicités futures qui vont la hanter.

Cléo a 48 ans quand se termine le récit. Elle a survécu, sans pardonner mais en tentant d'oublier. le passé qui la ronge devient plus dur à enfouir et les mots, les actes et les devoirs refluent en force à son esprit.
Elle doit se dénoncer. Elle doit demander pardon aux autres victimes. Car elle savait... Et elle n'a rien fait, rien dit, rien arrêter...

Chavirer est un roman où le mal trouve sa place dans les moindres recoins, les plus petites failles, les ombres dévorantes. Mais c'est aussi l'histoire d'une femme qui se bat pour ne pas sombrer et qui, même tard, affrontera son passé...
Lien : https://lire-et-vous.fr/2020..
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